Mosquée d’Al-Aqsa. L’incendie de la mosquée d’Al-Aqsa marque, selon plusieurs analystes, le passage du conflit palestino-israélien vers de nouveaux enjeux plutôt religieux.
Alors qu’il s’agissait au départ d’un conflit plutôt politique dominé par la notion d’un nationalisme arabe luttant pour la liberté face à un Israël qui est un suppôt du colonialisme. Pour les Arabes, il s’agissait pratiquement de restituer aux Palestiniens leurs territoires usurpés en 1948. Certes, la dimension confessionnelle a toujours existé et surtout du côté israélien. Israël s’est toujours présenté comme un Etat juif, selon les théories sionistes. Et aujourd’hui d’ailleurs, alors que l’extrême-droite a pris le gouvernail, la chose a pris une allure officielle. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, insiste sur le statut juif de l’Etat d’Israël, de quoi faire des Palestiniens qui y résident, des descendants des Palestiniens de 1948, des citoyens de seconde zone.
On peut donc dire que cet aspect a été mis en forme dès l’incendie du 21 août 1969. Œuvre d’un illuminé comme l’a prétendu Israël, il est venu néanmoins concrétiser les conceptions de l’establishment israélien. Comme le souligne le journaliste René Naba dans une étude sur la question, l’incendie est intervenu deux ans après la guerre de juin 1967. Israël au cours de cette vaste agression avait occupé le Sinaï, le Golan et surtout la Cisjordanie et Jérusalem-Est, ce qui restait du territoire de la Palestine occupée en 1948. Déjà les scènes hystériques, dont ont fait preuve de nombreux soldats israéliens lorsqu’ils se sont trouvés sur l’esplanade des Mosquées, témoignaient de ce qui allait venir. Désormais Jérusalem-Est, Al-Qods, allait devenir au cœur d’un différend religieux. Du côté arabe, juin 1967 était déjà une vraie humiliation. Et l’incendie « va servir de détonateur à la résurgence du sentiment religieux dans l’espace arabo-musulman, avec pour inéluctable conséquence la marginalisation progressive du nationalisme arabe, le fer de lance de la revendication indépendantiste de la période post-coloniale », estime Naba.
Et on a vu après l’incendie toute une mobilisation du monde musulman, qui, en dépit de son soutien passé aux Arabes dans leur lutte pour récupérer leur territoire, restait quand même assez passif pour ne pas dire indifférent. Ceci a donné lieu au premier sommet islamique le 1er septembre 1969, à Rabat, sous l’égide des monarques arabes proaméricains, Fayçal de l’Arabie saoudite et Hassan II du Maroc, épaulés en la circonstance par le Chah d’Iran Reza Pahlévi et le Pakistan, le plus grand état islamique après l’Indonésie et une des grandes puissances militaires d’Asie. René Naba souligne à juste titre que « l’acte de naissance de l’islamisme politique, une date fondatrice de l’histoire de la sphère arabo-musulmane », date de l’incendie.
De plus, il est bien à noter que l’exploitation de la religion à des fins politiques s’est manifestée à cette époque dans le contexte de la guerre froide. L’Amérique, la première, a mobilisé le facteur religieux pour combattre l’Union soviétique, que ce soit en Europe de l’Est ou plus tard en Afghanistan. Et d’ailleurs même avant 1967, l’Amérique a fait répandre comme instrument de propagande anti-nasserienne, la lutte contre l’athéisme. Les talibans ne sont-ils pas un produit du far west qui s’est retourné contre lui ? Israël aussi a voulu favoriser le religieux contre l’OLP et le Hamas auparavant conçu comme un mouvement de bienfaisance a été bien toléré au départ, croyant détourner les Palestiniens de leurs revendications politiques.
A présent cet aspect s’exacerbe de plus en plus et Israël joue toujours avec le feu.
Ahmed Loutfi