Pierre Barbancey
La police et l’armée israéliennes ont beau marteler que, quoi qu’elles fassent à Jérusalem-Est, elles sont dans leur droit puisque « Jérusalem est la capitale une et indivisible d’Israël » (même si aucun pays au monde ne reconnaît l’occupation de la partie orientale de la ville), il semble néanmoins que les témoins ne soient pas les bienvenus. Pour preuve, ce qui s’est passé en début de semaine, dans le quartier de Sheikh Jarrah.
deux familles palestiniennes expulsées
La police anti-émeute israélienne a expulsé deux familles palestiniennes, Ghawi et Hanoun, de leurs maisons. Elles vivaient là depuis cinquante ans, depuis qu’elles sont devenues réfugiées en 1948, forcées de quitter - déjà - leurs habitations situées dans ce qui est maintenant Jérusalem-Ouest. Un tribunal israélien, saisi par un organisme de colons, Nahalat Shimon International, a ordonné aux deux familles de quitter leurs domiciles, leur donnant jusqu’au 19 juillet pour le faire, sous peine d’emprisonnement et d’amendes. Les maisons reviendraient aux colons. « Nahalat Shimon International veut démolir toute une partie du quartier, en chassant plusieurs centaines de Palestiniens, pour construire 200 logements pour des colons », affirme l’ONG israélienne Ir Amim, spécialisée dans le suivi de la colonisation de la partie orientale de Jérusalem, occupée et annexée par Israël en 1967.
Fin juillet donc, les colons sont arrivés à Sheikh Jarrah, sous protection policière, pour prendre possession des lieux. Les familles palestiniennes étaient encore là. Avec elles, des militants internationaux, venus les soutenir. Parmi eux, un groupe de Génération Palestine et un journaliste français (carte de presse n° 106 731), Nadir Dendoune. Notre confrère était en train de prendre des photos lorsque les policiers israéliens l’ont embarqué manu militari. Il raconte : « Ils m’ont emmené jusqu’à leur voiture et m’ont pris mon passeport non sans m’avoir donné des coups dans le ventre. L’un d’eux m’a dit qu’ils allaient me tuer tout en passant son pouce sur sa gorge, en signe d’égorgement. Un autre a dit que je n’étais pas français, que je m’appelais Nadir et que j’étais un putain d’arabe. » Dendoune est alors transféré au sinistre commissariat du Russian Compound, à Jérusalem, connu pour les sévices infligés aux prisonniers palestiniens. « Ils m’ont mis avec des Palestiniens dans une cellule. Les gardiens venaient me réveiller toutes les heures en demandant, à chaque fois, mon nom, mon prénom et ceux de mon père. » Il est ensuite présenté devant un tribunal, mains et pieds menottés, comme un criminel. L’audience n’aura pas duré dix minutes. « On lui reprochait deux choses », précise Léa Tsemel, avocate israélienne des droits de l’homme, bien connue, venue défendre Nadir. « D’abord d’être entré dans une propriété privée », c’est-à-dire les maisons que les colons se sont octroyées, et « d’avoir dérangé un policier ». Léa Tsemel, comme nous, ne sait pas très bien ce que signifie « déranger un policier ». Habituée au surréalisme judiciaire israélien, elle traduit cela par un refus d’obéissance. Nadir n’a plus le droit de se rendre à Sheikh Jarrah pendant 181 jours ! Une condamnation qui témoigne à elle seule du caractère politique de l’infraction reprochée au journaliste et autres inculpés : des Américains, des Suédois, des Allemands, des Britanniques et quelques Israéliens et Palestiniens.
Les Palestiniens dénoncent la colonisation
Les Palestiniens, qui veulent faire du secteur oriental de Jérusalem la capitale de leur futur État, dénoncent la colonisation comme le principal obstacle au processus de paix. Plus de 200 000 Israéliens sont installés dans une douzaine de quartiers de colonisation à Jérusalem-Est, où vivent 270 000 Palestiniens. Le but d’Israël est de judaïser la ville et de refuser ensuite aux Palestiniens toute revendication sur Jérusalem. Nadir en a été le témoin. La police a saisi ses clichés.
publié par l’Humanité