jeudi 20 août 2009

Multiplication des meurtres crapuleux en Israël

mardi 18 août 2009 - 10h:31

Serge Dumont - Le Temps



Trois Israéliens en tout et pour tout ont été tués à la suite d’opérations terroristes. En revanche, 244 autres ont perdu la vie lors de règlements de comptes entre clans mafieux, à la suite de bagarres dans des lieux publics, ou dans le cadre de conflits familiaux.

Vingt personnes ont été assassinées au cours des quinze derniers jours. Ces affaires jettent une lumière crue sur la violence qui sévit dans le pays. Le sentiment d’insécurité pousse de plus en plus de citoyens à requérir le port d’arme.

« Rétablissons la peine de mort ». A l’instar de nombreux éditorialistes de la presse écrite, plusieurs députés du Likoud (le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahou) et du Shas (parti des ultraorthodoxes) ont lancé une campagne « visant à rétablir la loi et l’ordre en Israël ».

Ces élus sont portés par l’opinion publique de l’Etat hébreu choquée par une série de crimes crapuleux ayant causé la mort de vingt personnes au cours des quinze jours passés.

Le dernier en date de ces assassinats est celui de Léonard Karp, un paisible employé battu à mort par une dizaine de fêtards éméchés alors qu’il prenait l’air du soir sur la digue de Tel-Aviv. Mais avant cela, la découverte des corps féminins démembrés et brûlés avait déjà provoqué des réactions dans l’opinion. D’autant que ce double meurtre suivait l’attaque a priori gratuite du 1er août dernier contre un lieu de rencontre homosexuel (deux morts, seize blessés) ainsi que l’assassinat d’une fillette de 4 ans étouffée par son père.

Ces affaires dont on parle peu à l’étranger jettent une lumière crue sur la réalité israélienne. Celle d’une société violente et rude. En 2008, le Hamas, l’Iran et le Hezbollah figuraient toujours en tête de liste des préoccupations des dirigeants de l’Etat hébreu. Or, trois Israéliens en tout et pour tout ont été tués à la suite d’opérations terroristes. En revanche, 244 autres ont perdu la vie lors de règlements de comptes entre clans mafieux, à la suite de bagarres dans des lieux publics, ou dans le cadre de conflits familiaux.

Selon le ministère de l’Intérieur, le sentiment d’insécurité des Israéliens est tellement puissant que le nombre de demandes de port d’arme atteint désormais 200 à 250 par mois au lieu de 100 par mois en 2008. Une augmentation importante dans un pays où 200  000 civils, 154  000 vigiles ainsi que des dizaines de milliers de militaires ont déjà obtenu le droit de se promener armés.

Le lynchage de Léonard Karp a déclenché une crise de paranoïa sécuritaire en Israël. L’enterrement de cet homme discret a d’ailleurs été retransmis en direct par plusieurs chaînes de télévision et dans la foulée, des chroniqueurs connus tel Dan Margalit ont exigé « des policiers à tous les coins de rue et des patrouilles plus fréquentes ». Ils ont également plaidé en faveur de la revalorisation de la profession. Parce que le salaire de base n’est pas attractif (750 euros net par mois) mais aussi parce que les perspectives de carrière ne sont guère exaltantes.

Mais d’autres commentateurs tel Yaron Dekel estiment que la police pourrait mieux remplir son rôle « si elle n’était pas contrainte de consacrer une grande partie de son énergie à remplir des tâches sécuritaires » (contrôles d’identité antiterroristes, barrages sur les routes, etc.).

Ils dénoncent également le fait que la police mobilise souvent des centaines d’agents sur des dossiers prestigieux - la corruption alléguée d’Ehoud Olmert ou du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman - alors que les dossiers ordinaires de petits vols et de larcins sont négligés faute d’effectifs.

Quant à l’ex-ministre de l’Education Yossi Sarid, il estime que « l’insécurité est d’abord le résultat de la désagrégation de la société israélienne ». « Voilà des années que l’on réduit le budget de l’Education, que l’on licencie des professeurs et que l’on supprime des cours considérés comme "improductifs" », fulmine-t-il. « Voilà également des années que les nouveaux immigrants en situation sociale précaire sont abandonnés à eux-mêmes et que les services sociaux censés aider les familles en détresse sont négligés au profit des dépenses militaires ou sécuritaires. La violence, c’est dans tous ces manquements qu’elle trouve sa source, mais mes ex-collègues de la Knesset et du gouvernement feignent de ne pas le savoir. Ils préfèrent croire que tout ira mieux en donnant plus de pouvoir à la police. C’est facile et cela va dans le sens de ce que les gens de la rue veulent entendre même si cette approche ne mène nulle part. »

18 août 2009 - Le Temps