L’Orient le Jour
Accueillis par le président de MDM Olivier Bernard, les participants à cette conférence, essentiellement des représentants d’ONG locales et internationales, des journalistes et des acteurs sociaux, ont exposé une situation qui montre des lacunes des deux côtés, aussi bien de la part des médias que de celle des ONG elles-mêmes. Pendant près de quatre heures, les participants ont exposé des points de vue divers, ainsi que les difficultés dans les deux camps de faire parvenir aux destinataires un message clair et rassurant.
Les intervenants de la première séance, Pierre Micheletti (ancien président de Médecins du monde), Kamel Mehanna (président de l’association Amel) et Lynne Frangié (Médiateurs internationaux multilingues) ont mis l’accent sur les questions techniques, à savoir le problème de la langue, le développement de la culture « du press release » qui, au lieu de constituer une base de données pour les journalistes, se transforme en matière essentielle de l’information de presse.
Le Dr Mehanna a ainsi insisté sur le développement des moyens de communication et sur la place grandissante de l’information dans tous les secteurs de la vie, tout en déplorant le fait qu’ils ne sont pas suffisamment exploités pour répandre la culture des droits civiques qui continuent d’occuper des places secondaires dans les médias. En réalité, ce point a fait l’unanimité chez les intervenants, tous ayant admis que les sujets relatifs aux ONG n’intéressent pas beaucoup les médias, « sauf lorsqu’ils sont polémiques », a tenu à préciser le journaliste Bassam Kantar qui s’est référé au rapport de Human Rights Watch après la guerre de juillet 2006. Mehanna a souhaité que les ONG engagent des spécialistes de la communication surtout dans le monde arabe pour établir une stratégie globale dans ce sens, alors que Mme Magda Abi Fadel a préconisé une formation spécifique des journalistes pour qu’ils soient plus à même de couvrir les sujets relatifs aux ONG, de façon intéressante et en profondeur.
Les intervenants de la seconde séance, Christian Cardon (CICR), Farid Kamar (Ruwad Frontiers), Latifa Tayah (Institut Panos) et Scarlett Haddad de L’Orient-Le Jour ont tenté d’expliquer les raisons du manque d’intérêt relatif des médias arabes à l’égard des ONG surtout internationales. Outre le fait que le monde arabe vit constamment sur un volcan et que l’actualité politique et sécuritaire pèse lourdement sur les médias, les intervenants ont constaté que le manque de culture civique des populations arabes qui ploient souvent sous le poids des problèmes du quotidien les empêche de s’intéresser vraiment à ces sujets.
De plus, l’Occident ayant longtemps eu le monopole de l’action humanitaire, il y a chez les populations arabes une sorte d’amalgame entre les ONG occidentales et les politiques étrangères de ces pays souvent favorables à Israël. Ce qui suscite la méfiance des populations arabes, méfiance alimentée souvent par des régimes autoritaires, qui préfèrent maintenir les populations sous leur emprise. De même, le choix des ONG occidentales de certains partenaires locaux peu crédibles ou trop liés aux régimes en place ne renforce pas leur crédibilité auprès des populations concernées.
Enfin, il arrive aussi que les ONG occidentales se comportent avec une certaine hauteur avec les populations ayant besoin d’aide, ce qui provoque parfois une situation de rejet. C’est pourquoi une coopération plus étudiée entre les médias et les ONG est nécessaire pour mieux faire passer le message d’entraide, de solidarité et de conscience des droits auprès des plus démunis. Le représentant de Médecins sans frontières à Amman a insisté sur le fait qu’on ne peut pas intéresser les médias avec des rapports de 50 pages. Par contre, la modératrice Agnès Levallois a estimé que les ONG détiennent des témoignages vécus et poignants d’une certaine réalité sur le terrain qui devraient être de la plus haute importance pour les médias.
La dernière guerre de Gaza et le rôle des ONG pour témoigner de la misère des civils ont été largement commentés. Le représentant du CICR a expliqué que la discrétion de cette ONG était indispensable pour l’accomplissement de certaines missions, sinon celles-ci seraient suspendues et les membres des ONG se mettraient en danger. Tous les participants sont arrivés à la conclusion que le débat mérite d’être poursuivi et approfondi et qu’en filigrane, c’est la relation complexe entre l’Occident et le monde arabe qui doit être assainie. Mais comme le disait un acteur social, entre l’Occident et le monde arabe, il y aura toujours Israël. Une constatation peut-être un peu amère qui n’empêche toutefois pas la solidarité et l’espoir...