La communauté internationale est-elle encore prête à financer la
reconstruction d'une bande de Gaza dévastée cet été par sa troisième
guerre en six ans ? La conférence internationale des donateurs qui se
tient dimanche au Caire le dira.
Le besoin d'argent est énorme. Mais les motifs de réticence sont considérables.
A quoi bon s'engager financièrement quand les bombes ont fracassé les
projets que vous souteniez; quand l'immuabilité du conflit
israélo-palestinien expose au risque d'une nouvelle guerre; quand la
guerre en Syrie proche vous met déjà à contribution; quand votre budget
est contraint par la crise ?
Les délégués d'une cinquantaine de pays, une trentaine de ministres
des Affaires étrangères, le secrétaire général des Nations unies, le
secrétaire d'Etat américain, les représentants de multiples
organisations humanitaires, financières ou politiques comme le Fonds
monétaire ou la Ligue arabe se réunissent au Caire pour apporter leur
réponse à la question et au désastre gazaoui.
La guerre de juillet et août entre Israël d'une part, le mouvement
radical islamiste Hamas, qui contrôle le territoire, et ses alliés
d'autre part n'a pas seulement fait plus de 2.100 morts palestiniens et
73 israéliens.
Selon l'organisation onusienne UNRWA pour les réfugiés palestiniens,
les combats ont détruit ou endommagé 80.000 maisons. Infrastructures et
entreprises ont subi le même sort. L'électricité et l'eau manquent.
Une économie à genoux
Le PIB devrait diminuer de 20% au cours des neuf premiers mois de
2014 par rapport à 2013. L'enclave exiguë et surpeuplée, dont une bonne
partie de la population vit sous le seuil de pauvreté et où 45% de la
population active et 63% des jeunes étaient au chômage avant la guerre,
reste sous blocus israélien et égyptien.
"Sans action immédiate", disait récemment Steen Lau
Jorgensen, directeur de la Banque mondiale pour les territoires
palestiniens, une reprise de la violence "reste un danger clair et réel".
L'inquiétude d'une nouvelle conflagration s'est atténuée à mesure que
le cessez-le-feu du 26 août tenait bon. Les besoins, eux, restent les
mêmes.
Le gouvernement d'union palestinien a établi en vue du Caire un plan
de reconstruction détaillé de quatre milliards de dollars. D'autres
chiffres encore plus importants ont été avancés. La reconstruction
devrait durer de longues années.
Quant à savoir si les donneurs répondront présent, "nos prévisions initiales nous disent que la conférence sera un grand succès", a assuré le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad al-Malki.
Les Américains ne lieront pas leur concours à un renoncement de la
part du président palestinien Mahmoud Abbas à son initiative en cours
(qu'ils réprouvent) pour forcer la marche vers la reconnaissance de
l'Etat palestinien, a-t-il dit.
Mais Riyad al-Malki veut surtout croire que le retour de l'Autorité
palestinienne dans la bande de Gaza, matérialisé jeudi par le premier
conseil des ministres du gouvernement d'unité soutenu par les rivaux du
Fatah et du Hamas et composé de personnalités indépendantes, rassurera
les donateurs.
Attention aux fausses promesses
L'Union européenne, grand pourvoyeur d'aide aux Palestiniens, avait
conditionné ses efforts au Caire à des progrès politiques entre
Palestiniens et Israéliens et entre Palestiniens eux-mêmes.
Or elle a vu depuis septembre des "développements positifs", côté palestinien mais aussi israélien, dit John Gatt-Rutter, représentant européen pour les territoires palestiniens.
La conférence pourrait produire un chiffre de promesses élevé, ne
serait-ce que parce que son hôte égyptien, co-organisateur avec la
Norvège habituée de l'exercice, a intérêt à un succès, dit une source
proche de la conférence.
Mais deux diplomates sous couvert d'anonymat mettent en garde contre les promesses non tenues. "Un certain pessimisme est de rigueur, les gens en ont assez de payer sans horizon politique", dit l'un d'eux.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon l'a dit lui-même: pas de
solution durable aux problèmes de Gaza sans règlement global entre
Palestiniens et Israéliens. Or les perspectives sont sombres.
Autre complication, les fonds levés auront bien des difficultés à
transiter vers Gaza en raison du blocus imposé par Israël à la bande de
Gaza depuis 2006 et qui concerne également les transactions financières,
estime l'ONG Oxfam.
"La majeure partie des financements promis lors de la conférence
(...) va languir sur des comptes bancaires pendant des décennies avant
d’avoir enfin un impact bénéfique sur les conditions de vie de la
population", craint l'ONG britannique.