Il n’y aura jamais de qualificatifs assez forts
pour décrire l’insoutenable vision des villages martyrs de la bande de
Gaza, entièrement dévastés et dépeuplés, qui portent les stigmates
profonds des atrocités commises par Israël, et même le titre glacial de
l’article paru dans Paris Match "La maison de l’horreur", digne d’un film d’épouvante, est encore au-dessous de l’effroyable réalité.
Photos à l’appui, qui sont autant de preuves
accablantes des massacres planifiés et mis à exécution par les criminels
de guerre israéliens, le reportage de Frédéric Helbert, envoyé spécial à
Gaza, révèle les coulisses de l’abomination, à l’aune d’un châtiment
collectif monstrueux qui a fait du village de Khouza’a un nouvel
Oradour-sur-Glane palestinien. Si le village martyr de la Haute-Vienne
fut érigé en symbole de la folie meurtrière nazi, le village défiguré et
martyrisé de Khouza’a ne hante guère les nuits de la communauté
internationale, toujours si prompte à nous rappeler à notre
imprescriptible devoir de mémoire quand il s’agit du nazisme, mais
incapable de reconnaître l’empreinte de la barbarie au Proche-Orient…
Les témoignages poignants des quelques rescapés de
ces crimes de guerre font tous le même récit terrifiant d’une offensive
israélienne d’une extrême violence, déterminée à rayer de la carte la
bourgade de Khouza’a et à exterminer sa population, d’abord sous une
pluie torrentielle de bombardements, suivie de l’incursion de chars
israéliens qui ont « entièrement encerclé, puis occupé (le village). Et le calvaire effroyable a commencé pour nous. Une punition barbare», comme le relate un Palestinien âgé qui croyait avoir tout vu, avant d’être confronté à l’innommable.
"Des crimes de guerres ont été commis contre une population sans défense", précise un chauffeur de taxi assis devant sa maison détruite. Son taxi jaune est enseveli sous les décombres. «Vous
en voulez la preuve? Il y en a partout mais allez au bout du village.
Vous y trouverez une des rares maisons intactes. On l’appelle "la maison
de l’horreur"».
La « Maison de l’horreur », c’est là où sept
jeunes Palestiniens ont été détenus pendant deux jours, alors que les
obus israéliens s’acharnaient à réduire en cendres leur village, avant
d’être froidement assassinés.
Extraits choisis d’un reportage aux confins de l’horreur à lire absolument :
« En apparence, vu de l’extérieur, rien ne
trahit ce que je vais découvrir. Moaz, 24 ans monte la garde devant une
bâtisse aux murs en béton gris, entourée de verdure. Le propriétaire lui
a confié les clés. Lorsque la porte en fer forgé s’ouvre, immédiatement
une odeur terrible de mort me prend à la gorge. Les chambres sont en
désordre mais intactes. C’est au bout d’un couloir que l’on découvre ce
qui devait être une salle d’eau. Cinq mètres carrés à peine. La pièce de
l’horreur à l’état brut. Des murs truffés d’impacts, maculés de sang. A
terre, les restes noirâtres en état de décomposition avancée des corps
de sept jeunes Palestiniens retenus prisonniers pendant deux jours,
alors que l’offensive battait son plein, avant d’être froidement
exécutés".
Et de poursuivre : "Moaz, qui était l’ami des
victimes livre un récit aussi méticuleux que possible : «Au début, mes
amis, dont 6 appartenaient à la famille Al Najjar, la plus importante du
village, ont tenté de se cacher au mieux alors que les bombardements
étaient intenses et que 3000 personnes environ n’avaient pas réussi à
fuir avant que le village soit totalement bouclé. Ils voulaient rester
ensemble, solidaires. Un jour, je ne me souviens plus lequel, ils ont
décidé de tenter de fuir à travers les ruelles du village, évitant la
route principale où les chars israéliens avaient pris position. Mais ils
sont tombés sur une patrouille israélienne. De sa fenêtre, un vieil
homme a vu le premier châtiment. Une balle dans le genou pour chacun
d’entre eux». Les sept Palestiniens capturés sont alors ramenés dans la
maison dont ils ne sortiront pas vivants. Un autre voisin raconte qu’il
entendait des cris affreux. «Comme ceux de gens que l’on torture.» Mais
personne ne pouvait rien faire. Deux jours plus tard, soudain, le même
voisin entend des rafales claquer. «J’ai compris tout de suite que
c’était la fin, une fin atroce pour des jeunes qui n’avaient rien à se
reprocher, et j’ai pleuré», bredouille-t-il, hanté par le souvenir.
Retour dans la maison de l’horreur. Tout concorde. L’image des traces de
sang, les murs déchirés par les balles… Des douilles de fusil d’assaut
au sol. Et le magma de chair décomposée… Hier, raconte Moaz, «un des
parents de mes amis assassinés est venu brièvement voir. Il a fondu en
larmes et s’en est allé précipitamment."
Et de conclure en constatant, avec ce dépit plein d'amertume, ce que l'on ne sait que trop
: "A ce jour, je n’ai vu aucun enquêteur indépendant, aucun
responsable de l’ONU ou d’une quelconque ONG n’est venu enquêter dit-il.
Maintenant, nous le savons. Israël peut nous tuer comme il l’entend. En
toute impunité. Le sang du peuple palestinien ne vaut rien".
L'article ci dessous:
Notre envoyé spécial à Gaza raconte comment il a découvert la scène d'un massacre dans une maison du petit village de Khouza'a.
A l’heure d’une trêve respectée par toutes les parties, nombre
de réfugiés tentent de regagner leurs villages. Le plus souvent pour y
découvrir des théâtres de dévastation totale. A une demi-heure de route
de la ville de Gaza, le village-martyr de Khouza'a, qui fut un point
stratégique pour les Israéliens. Leurs forces, dès les premiers jours de
la guerre, ont franchi la frontière, pour occuper le village et en
faire une place forte. «Nous avons d’abord subi d’intenses bombardements
raconte un vieux Palestinien rescapé d’une offensive d’une violence
inouïe. Puis les les chars israéliens sont arrivés. Le village a été
entièrement encerclé, puis occupé. Et le calvaire effroyable a commencé
pour nous. Une punition barbare».
«Des crimes de guerres ont été
commis contre une population sans défense», ajoute un chauffeur de taxi
assis devant sa maison détruite. Son taxi jaune est enseveli sous les
décombres. «Vous en voulez la preuve? Il y en a partout mais allez au
bout du village. Vous y trouverez une des rares maisons intactes. On
l’appelle "la maison de l’horreur"». Après quelques minutes de marche,
je m’enfonce dans une petite ruelle. Elle mène vers le domicile d’un
médecin proche du Fatah -l’organisation rivale du Hamas- qui a fui.
En
apparence, vu de l’extérieur, rien ne trahit ce que je vais découvrir.
Moaz, 24 ans monte la garde devant une bâtisse aux murs en béton gris,
entourée de verdure. Le propriétaire lui a confié les clés. Lorsque la
porte en fer forgé s’ouvre, immédiatement une odeur terrible de mort me
prend à la gorge. Les chambres sont en désordre mais intactes. C’est au
bout d’un couloir que l’on découvre ce qui devait être une salle d’eau.
Cinq mètres carrés à peine. La pièce de l’horreur à l’état brut. Des
murs truffés d’impacts, maculés de sang. A terre, les restes noirâtres
en état de décomposition avancée des corps de sept jeunes Palestiniens
retenus prisonniers pendant deux jours, alors que l’offensive battait
son plein, avant d’être froidement exécutés. Tous les témoignages que je
vais recueillir pendant plusieurs heures concordent. Et confirment
l’insoutenable vision.
Des cris affreux, "comme des gens que l'on torture"
Moaz,
qui était l’ami des victimes livre un récit aussi méticuleux que
possible : «Au début, mes amis, dont 6 appartenaient à la famille Al
Najjar, la plus importante du village, ont tenté de se cacher au mieux
alors que les bombardements étaient intenses et que 3000 personnes
environ n’avaient pas réussi à fuir avant que le village soit totalement
bouclé. Ils voulaient rester ensemble, solidaires. Un jour, je ne me
souviens plus lequel, ils ont décidé de tenter de fuir à travers les
ruelles du village, évitant la route principale où les chars israéliens
avaient pris position. Mais ils sont tombés sur une patrouille
israélienne. De sa fenêtre, un vieil homme a vu le premier châtiment.
Une balle dans le genou pour chacun d’entre eux». Les sept Palestiniens
capturés sont alors ramenés dans la maison dont ils ne sortiront pas
vivants. Un autre voisin raconte qu’il entendait des cris affreux.
«Comme ceux de gens que l’on torture.» Mais personne ne pouvait rien
faire. Deux jours plus tard, soudain, le même voisin entend des rafales
claquer. «J’ai compris tout de suite que c’était la fin, une fin atroce
pour des jeunes qui n’avaient rien à se reprocher, et j’ai pleuré»,
bredouille-t-il, hanté par le souvenir. Retour dans la maison de
l’horreur. Tout concorde. L’image des traces de sang, les murs déchirés
par les balles… Des douilles de fusil d’assaut au sol. Et le magma de
chair décomposée… Hier, raconte Moaz, «un des parents de mes amis
assassinés est venu brièvement voir. Il a fondu en larmes et s’en est
allé précipitamment».
Il faudra
attendre la première trêve humanitaire pour que les cadavres soient
extraits de la maison et enterrés à la hâte tous ensemble. Les familles
veulent alors se rendre dans le cimetière le plus proche, mais il a été
ravagé par les chars israéliens. «Un sacrilège, murmure sur place un
homme en train de creuser une nouvelle tombe. Regardez par vous même».
De fait, le cimetière a été bombardé, avant que des chars ne le
traversent pour prendre position dans le village. La terre est
complètement retournée. En se penchant sur un caveau défoncé, on
distingue des squelettes, des crânes, des ossements. «Ce n’est pas un
crime infâme, ça?», hurle le gardien du cimetière.
Les sept jeunes
Palestiniens assassinés reposent désormais ensemble sous une tombe
encore fraiche, dans un autre cimetière situé à l’écart du village. «Il a
fallu faire vite, dit un employé. Car cette trêve là a été très vite
rompue». Je pars à la recherche des familles, mais elles demeurent
invisibles, murées dans leur chagrin. «Ils ne veulent pas parler
aujourd’hui», m’explique un de leurs proches. «Mais moi je peux. Et je
vous jure devant Dieu que ce qui a été accompli dans la maison de
l’horreur n’est pas le seul crime de guerre à Khouza'a. Il y en a eu
d’autres, beaucoup d’autres». L’armée israélienne s’est vengée
sauvagement selon lui d’un fait de guerre survenu en 2008. Un commando
israélien avait fait une incursion par delà la frontière. Ils sont
rentrés dans un ferme déserte qui avait été minée. Près de 10 soldats
sont morts. Pour les rescapés de la destruction de Khouza'a, village où
il faisait bon vivre disent tous ceux qui l’ont connu avant l’offensive,
c’est là qu’il faut trouver l’explication d’un tel acharnement et de
telles exactions.
"Ils nous ont tiré dans le dos"
D’autres
habitants racontent comment un groupe de 400 personnes, parmi
lesquelles de nombreux vieillards, des femmes, des enfants, ont tenté de
sortir pour échapper à la furie des bombardements en avançant sur la
route principale, mains levées, drapeau blanc hissé. «Ils ont d’abord
été contraints à faire marche arrière parce qu’un char a tiré à la
mitrailleuse lourde. Et ce n’étaient pas que des tirs d’avertissements.
Certains ont été touchés et sont morts sur le coup. D’autres ont agonisé
dans leur sang». Le jour suivant, nouvelle tentative. A hauteur de la
station-service de Khouza'a, réduite en miettes, l’armée israélienne les
a contraint à nouveau à stopper leur marche, et à ne pas bouger pendant
24 heures. Un père a vu son fils déjà blessé agoniser devant lui. Un
frère a, des heures durant, tenu dans ses bras sa soeur handicapée,
mortellement touchée par un tir de sniper alors qu’il la poussait sur
une chaise roulante. Un jeune Palestinien a réussi à appeler la
Croix-Rouge, qui a envoyé des ambulances. Mais interdiction leur a été
faite de passer à coups de «warning shots» tirés par les chars. «Puis
les Israéliens ont fini par nous laisser partir», raconte un blessé
retrouvé à l’hôpital Al Najjar, dans une commune voisine. «Mais ils nous
ont tiré dans le dos. C’est là que j’ai été touché, derrière l’épaule.
Je peux m’estimer "heureux"». Au moins quatre personnes dont un
vieillard de 92 ans sont morts à ce moment là.
Retour à Khouza'a,
dans la maison de l’horreur, une dernière fois. Là où a été récupéré,
parmi les douilles, le couteau d’un soldat israélien taché de sang.
Sinistre signature. Moaz veille toujours. «A ce jour, je n’ai vu aucun
enquêteur indépendant, aucun responsable de l’ONU ou d’une quelconque
ONG n’est venu enquêter dit-il. Maintenant, nous le savons. Israël peut
nous tuer comme il l’entend. En toute impunité. Le sang du peuple
palestinien ne vaut rien».