Adnan Abu Amer
Les Palestiniens de Gaza reconnaissent que l’armée de l’air
israélienne leur a causé d’énormes problèmes dans les affrontements
militaires précédents - problèmes restés longtemps sans solution
adéquate.
- 7 décembre 2012 - Des combattants des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du mouvement Hamas, montent la garde à Rafah, dans la bande de Gaza - Photo : Reuters/Mohammed Salem
La domination du ciel a donné à Israël le moyen d’atteindre ses
objectifs majeurs, tels que les assassinats et l’élimination des
emplacements d’armes, le tout à un coût minime. Les factions armées de
Gaza sont déterminées à contrer cette capacité par des missiles
anti-aériens dont elles sont à présent en possession, bien qu’en
quantités limitées.
Le Centre Al Mezan pour les droits de l’homme à Gaza, estime le
nombre de Palestiniens tués par l’armée de l’air israélienne à 911 sur
les 2269 tués de la période de 2008 à aujourd’hui. La plupart de ces
assassinats sont survenus au cours de la guerre menée en 2008-2009. En
revanche, la confrontation de 2012 a vu 143 Palestiniens assassinés par
l’ armée de l’air israélienne, sur un total de 171 morts.
Les combattants palestiniens ont essayé de se soustraire aux coups de
l’aviation israélienne dans les affrontements récents, en adoptant la
plus grande prudence dans leurs déplacements. Comme indiqué précédemment
dans Al -Monitor, les combattants ont évité les communications filaires
et sans fil, qui, à travers l’analyse des empreintes vocales auraient
pu être l’un des principaux moyens de les localiser et les exposer,
comme c’était le cas dans de nombreux assassinats.
En outre, Al-Monitor a appris qu’il y a quelques mois, les
Palestiniens avaient commencé à utiliser une tactique consistant à
couvrir les ruelles étroites avec de longs morceaux de tissu, des
couvertures, des toiles et des bâches contre les survols israéliens, de
façon à obscurcir la vision des avions de surveillance et les empêcher
de suivre les mouvements sur le terrain, réduisant ainsi le risque
d’être pris pour cible.
De nouveaux défis
Israël a reconnu en 2012 que 10 missiles anti-aériens Strela, tirés à
l’épaule, avaient visé ses avions de guerre. Cette évolution a surpris
les Israéliens et leur a imposé une nouvelle série de défis. Bien
qu’aucun des avions n’a été endommagé, le tir de missiles marque une
amélioration nette des capacités militaires du Hamas, lequel est resté
silencieux sur la question .
Ce nouveau développement est cohérent avec les informations
recueillies de sources militaires bien informées par Al-Monitor au sujet
de la situation dans la bande de Gaza, laissant entendre qu’au début de
janvier 2014, les combattants palestiniens ont mené un essai sur le
terrain, tirant un missile anti-aérien vers un avion israélien tournant
sur la frontière orientale de la bande de Gaza. Le missile a raté sa
cible, mais l’incident n’a pas été signalé par les journaux israéliens
et que brièvement mentionné par les médias pro-Hamas à Gaza. Les médias
israéliens ont noté qu’Israël avait déposé une plainte officielle auprès
de l’Organisation des Nations Unies à la suite d’un tir de roquette à
partir de Gaza après l’enterrement d’Ariel Sharon, tandis que les
sources militaires à Gaza disent qu’il s’agissait d’un test d’un missile
anti-aérien.
L’aile militaire du Hamas, les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, a
annoncé à plus d’une occasion que ses canons et ses missiles
anti-aériens avaient réalisé une percée qui aurait une incidence sur la
capacité des avions d’attaque de manœuvrer pendant le combat. Les
Brigades affirment avoir endommagé un hélicoptère israélien, qui a été
forcé d’atterrir, et abattu un drone de surveillance armé. Elles ne
fournissent pas les dates de ces incidents, mais diffusent des vidéos sur YouTube des restes de drones israéliens, qui selon elles, ont été abattu par des missiles anti-aériens du Hamas.
À la mi-septembre 2013, les Brigades al-Qassam ont révélé que leurs
troupes à Gaza possédaient des missiles anti-aériens SA-7, qui ont été
présentés au public lors d’un défilé militaire en présence de ce
contributeur Al-Monitor. Apparaissaient également des mitrailleuses
légères, des fusils de sniper, des lance-roquettes antichar RPG, ainsi
que des armes lourdes montées sur les véhicules à quatre roues motrices.
Des sources militaires israéliennes en 2012 ont attribué le fait que
ces armes soient disponibles, à l’effondrement du régime de Mouammar
Kadhafi en Libye qui a conduit à l’écoulement de quantités massives
d’armes sophistiquées dans la bande de Gaza. Selon un rapport
d’Al-Monitor datant de 2012, environ 1000 de ces missiles ont disparu
des stocks militaires de la Libye. Malgré les efforts américains pour
les localiser, quelques centaines d’exemplaires n’ont été jamais
retrouvés.
Al-Monitor a également appris de sources militaires dans la bande de
Gaza que le nombre d’armes anti-aériennes était de plusieurs dizaines et
qu’elles étaient réparties entre les principales factions armées. Le
flux de ces armes a considérablement ralenti après que l’Égypte ait
détruit les tunnels de contrebande le long de sa frontière avec la bande
de Gaza en juillet 2013. Cela a contraint les groupes armés
palestiniens à ne pas faire usage des armes anti-aériennes aussi souvent
qu’ils le souhaiteraient, puisque les fournitures de remplacement sont
peu nombreuses et espacées.
La défense aérienne
Al-Monitor a examiné un document militaire de l’unité de défense
aérienne de l’une des factions de Gaza. Ce document disait que l’ armée
de l’air israélienne a grandement contribué au ciblage de dizaines de
membres de la faction, par sa capacité à suivre leurs mouvements. L’
armée de l’air a également déjoué un certain nombre de plans au cours
des deux guerres précédentes en empêchant des unités palestiniennes de
tirer des roquettes sur les colonies israéliennes, ou en assassinant des
combattants s’avançant vers la frontière orientale de la bande de Gaza.
Le document qui est une synthèse écrite et destinée à toutes les
factions palestiniennes, ajoutait que l’unité s’est efforcé au cours des
dernières années d’élaborer des plans militaires pour faire face à
toute invasion israélienne de Gaza. Ils ont parfois réussi, selon le
document, à repousser des incursions terrestres, comme cela s’est
produit au cours de la guerre de 2008 sur la frontière sud de la ville
de Gaza. Mais l’armée de l’air israélienne était à l’affût des unités
armés palestiniennes d’avant-garde, fer de lance de la résistance face à
l’armée israélienne.
L’objectif principal de l’acquisition d’armes anti-aériennes était de
paralyser l’armée de l’air, mais cela reste un défi, étant donné le
petit nombre de ces armes dans la bande de Gaza et la difficulté d’en
acquérir plus en raison de la destruction des tunnels de contrebande par
l’Égypte.
En conclusion, le document déclarait : « Tant que l’ armée de l’air
israélienne aura pour rôle de déjouer tous les plans palestiniens de
défense de Gaza contre les invasions terrestre, elle devra être
attaquée, ses sorties aériennes déjouées, et il faudra mettre fin à ses
survols 24h sur 24 de l’espace aérien palestinien. »
À cet égard, les Brigades al-Qassam ont affirmé que leur unité de
défense aérienne a commencé ses opérations avec des capacités limitées,
composées de canons de taille moyenne et de mitrailleuses lourdes. Le
groupe affirme avoir réussi à poser une menace réelle pour l’aviation
israélienne en entravant ses missions, et d’avoir descendu trois
dirigeables de surveillance dans le sud et le nord de la bande de Gaza.
Mais sans préciser les dates des incidents ou fournir des preuves pour
étayer sa revendication.
Dans une ferme dans l’est de Gaza, un commandant de haut rang a dit à
Al-Monitor dans une interview : « La résistance a le droit de posséder
toutes les armes qui sont nécessaires pour faire face à la machine de
guerre israélienne. Gaza a été transformée en un terrain d’essai pour
tous les types de roquettes, les bombes au phosphore ou au vide, les
bombes à percussion lancées par l’ armée de l’air israélienne. Dans
toute nouvelle confrontation, la résistance ne donnera pas à Israël une
nouvelle occasion de répéter ses tactiques ».
Malgré le manque de moyens pour une réponse anti-aérienne soutenue,
le commandant sur le terrain [a affirmé que] les Palestiniens peuvent
[maintenant] s’engager dans la lutte pour le ciel. « Je peux dire que
l’époque où l’armée de l’air israélienne avait l’initiative et estimait
que l’espace aérien de Gaza était grande ouvert pour que ses drones,
hélicoptères et avions F-16 y manœuvrent librement du nord au sud, est
révolue depuis longtemps et ne reviendra jamais. »
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des arts et
responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open
University Education, ainsi que professeur spécialisé sur l’Histoire de
la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences
politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre
d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar