En réaction à l'admission de la Palestine à l'Unesco, Israël a décidé
d'agrandir ses colonies et de geler des avoirs palestiniens. Une perte
de 50 millions de dollars chaque mois.
2 250 nouveaux logements seront construits dans les colonies israéliennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Archives afp
«Moi, la paix, j'y crois plus. J'ai vu toutes les guerres depuis
1967. Si on veut un État palestinien, il faudra sans doute reprendre les
armes. Ou tout reprendre de zéro. Ou s'y prendre autrement. Enfin, je
ne vois pas de solution, déplore Saëb, gérant d'un petit hôtel de
Ramallah, la capitale de l'Autorité palestinienne. Toutes ces démarches à
l'ONU, c'est bien beau mais ça ne mènera jamais à rien. Ça nous
retombera même dessus, car on ne fait pas le poids face à Israël et aux
États-Unis. Tant qu'on ne détruit pas le mur idéologique entre
Israéliens et Palestiniens, à quoi bon… »
Saëb disait cela la
semaine dernière. Il ne savait pas encore que « les siens » auraient à
payer au prix fort cette adhésion à l'Unesco. Mais lui partage avec
nombre d'autres Palestiniens le sentiment que le désir d'un État
palestinien reste utopique et sujet à des sanctions toujours plus
sévères du tandem israélo-américain. « Ils feront tout pour nous
empêcher d'accéder à la reconnaissance, alors que la majorité des pays
membres de l'ONU nous soutiennent. Ils invoqueront des failles
juridiques, diront que ça doit passer par des négociations bilatérales…
», anticipe un professeur de l'université de Jérusalem-Est.
Constructions illégales
Lundi soir, la
Palestine est devenue le 195e État membre de l'Unesco. Une « victoire
diplomatique » pour Ramallah. « Une tragédie » pour Jérusalem. La
réponse du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, ne s'est pas
fait attendre.
D'une part, 2 250 logements seront construits à
Jérusalem-Est, à Gush Etzion et à Maale Adumim, en Cisjordanie. Des
colonies « qui resteront israéliennes dans tout accord futur de paix »,
a-t-il même précisé, alors que les constructions dans les territoires
palestiniens sont strictement illégales au vu des frontières de 1967 et
du droit international.
D'autre part, le Premier ministre
israélien a annoncé le gel du transfert des taxes récoltées au nom de
l'Autorité palestinienne. Ces fonds, d'un montant de 50 millions de
dollars par mois (30 % du budget de l'Autorité palestinienne), sont
prélevés, sous forme de droits de douane et de TVA, sur les produits
destinés aux Palestiniens qui transitent par les ports et aéroports
israéliens. Leur gel est contraire aux engagements internationaux
contractés par Israël et à ses obligations juridiques (1). Qu'en est-il,
alors, dudit « processus de paix » ? « Accélérer la construction des
colonies revient à accélérer la destruction du processus de paix, et le
gel des fonds palestiniens est un vol de l'argent du peuple », selon le
pouvoir palestinien.
Côté israélien, « la décision unilatérale de
l'Unesco place des obstacles inutiles sur le chemin de la reprise des
négociations », selon l'ultranationaliste ministre des Affaires
étrangères, Avigdor Lieberman. Cette mini-crise n'est qu'une péripétie
dans le long bras de fer entre cette Palestine divisée et un État
d'Israël qui s'abrite derrière la protection américaine pour jouer la
montre avec le développement des colonies.
Les Palestiniens, mais
aussi de plus en plus d'Israéliens, condamnent la colonisation. « Pour
eux, toute la terre palestinienne est la leur », lance, indignée, Maïa,
militante israélienne pour la paix. « Ils nous étranglent à petit feu et
si ce n'est pas avec des armes qu'ils nous font la guerre, c'est de
façon bien plus subversive, s'offusque Sharmila, étudiante en sciences
politiques. Bientôt, toute la Cisjordanie ressemblera à Gaza. On vit
dans une prison à ciel ouvert. »
Pauline Garraude, à Ramallah.
(1) Benyamin Netanyahou a aussi ordonné hier le gel de la contribution d'Israël à l'Unesco, soit 2 millions de dollars.