Fadwa Nassar
17 novembre 2011
Dans la majorité des pays normalement constitués, les profanateurs de
tombes sont soit des groupes clandestins qui en veulent à la religion des
morts, à l’Etat ou la société, soit des groupes marginaux qui suivent des
pratiques démoniaques ou autres. Leurs crimes sont dénoncés par leur société et
leur Etat, par les médias et les parlementaires, etc.. Et ces groupes sont souvent
recherchés par la police et les services sécuritaires, ils agissent dans l’ombre
et craignent leur arrestation et condamnation.
Mais ce n’est pas le cas dans la colonie sioniste qui s’appelle Israël. Les
profanateurs de tombes sont payés par l’Etat pour accomplir ces crimes, ce qui
veut dire que c’est l’Etat colonial qui conçoit, dirige et protège la
profanation des tombes… pourvu qu’elles soient palestiniennes ! Si jamais
la « communauté internationale » ou les peuples du monde souhaitent
distinguer un Etat normalement constitué, donc légitime, même si son régime est
injuste, d’un Etat malade dont la fondation même est illégitime, ils doivent
prendre en considération comment cet Etat se comporte avec les morts, qui constituent
normalement l’histoire profonde du pays, le patrimoine humain qui a fait l’histoire
du pays, ces hommes et femmes dont le labeur quotidien ou les exploits ont
donné sens à la communauté vivant dans le pays. A partir de ce critère, ils
peuvent comprendre qu’ « Israël » n’est pas un Etat, mais une colonie
de peuplement et qu’il ne peut devenir un Etat normalement constitué, puisqu’il
fut fondé sur les massacres et le mensonge, l’injustice et la spoliation. Un
Etat qui finance et gère la profanation des tombes est un Etat malade, psychiquement et
moralement, et est voué à la disparition.
Lorsque les profanateurs du cimetière de Ma’manullah, dans al-Quds,
agissent, ils se cachent non de l’Etat, mais des Palestiniens en posant des barrières
tout autour du lieu où ils mènent leurs activités criminelles. Parce que les
Palestiniens et les autorités religieuses musulmanes de la ville surveillent de
près le crime de la destruction du cimetière, les sionistes sont contraints de
dresser autour d’eux ces barrières pour les empêcher de voir comment les os de
leurs morts sont déterrés pour être ensuite emmenés, personne ne sait où.
Ce n’est pas le premier cimetière palestinien que les occupants sionistes
profanent et détruisent. Depuis 1948,
des dizaines de villages et de bourgs, et même des villes comme Haïfa ou Yafa,
ont vu leurs cimetières profanés par les autorités bien officielles ou par les
colons, à la solde des autorités. Des tombes fracassées et des écrits racistes
témoignent du passage de ces hordes sauvages contemporaines que le monde
soi-disant civilisé enfante spécialement pour peupler la colonie sioniste en
Palestine. Ils se disent religieux ou croyants, ou tout simplement attachés aux
valeurs humaines, mais en observant leurs actes criminels, et en se rappelant toutes
les horreurs qu’ils ont commises depuis qu’ils ont colonisé le pays, on commence
à douter de ce que signifient religion, croyance et valeurs humaines.
Il y a quelques semaines, le cimetière de Yafa a été le théâtre de ces
criminels. Tombes musulmanes et chrétiennes, parce que c’est là où sont
ensevelis des Palestiniens, ont été profanées. La municipalité sioniste a
dénoncé le crime, sans cependant essayé de trouver les responsables, mais il s’agissait
d’un acte « provocateur », qui ne répondait à aucune raison d’Etat,
sauf celui de dire aux Palestiniens, en profanant leurs tombes, qu’ils sont
indésirables dans leur propre pays.
Mais par contre, que ce soit dans les villages d’al-Naqab ou d’al-Jalil, ou
des villages situés le long de Wadi Ara, les cimetières palestiniens sont
profanés et détruits par les autorités coloniales officielles, un jour pour
élargir une route, un autre jour pour construire une autoroute, là pour
installer une colonie, et ailleurs pour des travaux quelconques. L’essentiel demeure,
ce sont les cimetières palestiniens qui en sont les victimes.
La profanation et la destruction des cimetières palestiniens ne sont pas
des actes gratuits, dans la mentalité coloniale sioniste, caractérisée par sa
volonté de déraciner les Palestiniens et de falsifier l’histoire du pays. En s’attaquant
aux tombes, ces envahisseurs venus d’ailleurs et qui savent bien qu’ils ne
possèdent rien dans le pays, tentent par tous les moyens de couper les racines
des Palestiniens et de les priver de cette assise fondamentale de la continuité
démographique d’un peuple.
La profanation des cimetières s’élève au rang de crime contre l’histoire et
la civilisation lorsque ces colons s’attaquent au cimetière historique de Ma’manullah,
datant de plusieurs centaines d’années (avant les Croisades), où furent
ensevelis, autres autres, des dignitaires et des pélerins musulmans, à l’époque
où la ville d’al-Quds était une des principales villes musulmanes dont les
écoles accueillaient les musulmans du monde entier. Les musulmans ont continué
à y ensevelir leurs morts jusqu’à l’année 1927, lorsque le conseil musulman de
la ville jugea qu’il y manquait de place.
Dès 1948, lorsque l’Etat de l’occupation s’empare de la partie occidentale
d’al-Quds, où se trouve le cimetière, les profanations officielles du
cimetière commencent : une partie du cimetière est transformée en jardin
public, après avoir déterré les morts et rasé le sol, et en 1985, un parking y
est construit. En 2002, la municipalité sioniste déclare vouloir utiliser une
partie du cimetière pour y construire le siège du tribunal municipal, mais
sheikh Ikrima Sabri, le mufti d’al-Quds, résiste et mène une campagne pour
empêcher cette nouvelle profanation qui vise la partie encore intacte du
cimetière.
A présent, ce serait pour construire un musée « de la tolérance »,
que les sionistes envisagent de détruire l’histoire et le patrimoine
palestiniens en détruisant la partie encore non profanée du cimetière. En
réalité, leur musée de la tolérance, leur tribunal, leur parking et tout ce qu’ils
peuvent inventer, ne sont que des prétextes pour détruire la Palestine et la
mémoire palestinienne et falsifier l’histoire de la Palestine. C’est dans ce
sens qu’ils détruisent la ville d’al-Quds et surtout ses anciens quartiers, c’est
dans ce sens qu’ils s’attaquent à la ville d’al-Khalil, en Cisjordanie, comme
ils s’attaquent, à la ville de Yafa, sur la côte. C’est dans ce sens qu’ils s’attaquent
à la pierre et à l’humain, comme au végétal et à l’olivier qui a vécu dans ce
pays, alors qu’ils n’y étaient pas.
Ce nouveau crime sioniste n’est pas encore dénoncé par les organisations
internationales, dont l’UNESCO, qui refusent d’intervenir pour protéger le
patrimoine humain palestinien. Jusqu’à présent, l’UNESCO a fait preuve d’une
lâcheté exemplaire, refusant de prendre en compte la demande de protéger le
cimetière historique de Ma’manullah, lancée par des familles palestiniennes
maqdisies dont les aïeux sont enterrés dans le cimetière Ma’manullah, et parmi
elles, la famille Khalidi. Est-ce parce que ce sont des familles musulmanes, ou
des familles palestiniennes et arabes, ou est-ce parce qu’en face, ce sont les
protégés des puissances occidentales qui continuent à exercer un chantage à l’antisémitisme
chaque fois qu’une voix dans le monde réclame la justice ?
Transmis par l'auteur