Palestine . Une guerre verbale s’est déclenchée cette semaine entre les dirigeants des mouvements Hamas et Fatah, détruisant l’espoir d’une réconciliation prochaine entre les deux entités.
Le dirigeant palestinien, Mahmoud Abbass, a tiré un trait sur sa proposition, lancée il y a un mois, de venir à Gaza sceller la réconciliation, incriminant l’influence de l’Iran sur les chefs du Hamas en exil. « Jusqu’à présent, le Hamas refuse de répondre oui ou non à cette initiative », a déploré M. Abbass, en référence à sa proposition de se rendre dans la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste Hamas. Le but essentiel de cette visite était de mettre fin à la division interpalestinienne et de former un gouvernement de personnalités indépendantes pour préparer des élections dans les six mois à venir. Le président de l’Autorité palestinienne s’était dit, le 16 mars, « prêt à aller demain à Gaza », répondant à une invitation lancée, la veille, par le chef du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Ce dernier avait convié à Gaza Mahmoud Abbass et son mouvement, le Fatah, pour « un dialogue national global direct en vue de parvenir à la réconciliation », lors d’une journée de manifestations de dizaines de milliers de Palestiniens pour la « fin de la division » entre les deux camps. Essayant de rejeter la responsabilité de l’échec de la réconciliation sur le dos du Hamas, Abbass a insisté sur le fait qu’il s’agit de divisions au sein même du Hamas. « S’ils sont divisés, ils ont une décision qui vient de l’Iran », a accusé M. Abbass, faisant référence à d’éventuelles dissensions entre le gouvernement Hamas à Gaza et la direction politique du mouvement installée à Damas. « L’Iran leur donne instruction de faire ceci ou cela et ils obéissent à ces instructions en échange de l’argent qu’ils reçoivent », a-t-il expliqué. « La direction est à Damas avec Khaled Mechaal (le chef en exil du mouvement islamiste) et c’est lui qui reçoit l’argent et le distribue à sa guise », a ajouté M. Abbass. « Pour cette raison, il l’utilise comme une arme et il a la haute main sur les décisions, c’est à lui que revient le droit de dire oui ou non », a poursuivi le dirigeant palestinien.
Partageant le même avis, un haut responsable du Fatah, Azzam Al-Ahmad, chargé des négociations sur la réconciliation, a annoncé : « Peu m’importe les divisions qui peuvent exister au sein du Hamas ; ce qui compte, c’est la position officielle. La personnalité la plus faible au sein du Hamas est Ismaïl Haniyeh ». Il a affirmé que « la direction militaire du Hamas à Gaza avait détruit la décision » du chef du gouvernement d’inviter M. Abbass. « Lorsque Ismaïl Haniyeh a invité Abou-Mazen (Mahmoud Abbass, ndlr) à Gaza, le lendemain, Ahmad Jaabari (chef de la branche armée du Hamas, ndlr), est allé voir son fils, Houmam Haniyeh, qui est responsable de sa sécurité personnelle, et lui a carrément dit : J’inviterais plutôt Israël à réoccuper la bande de Gaza que de laisser Abou-Mazen y mettre les pieds », a raconté Azzam Al-Ahmad.
Instructions iraniennes
En première réaction à ces déclarations, le Hamas a rejeté les déclarations du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass. « Les accusations faites par Abbass selon lesquelles le Hamas reçoit des instructions iraniennes pour bloquer les efforts de réconciliation (interpalestinienne) sont fausses. En vérité, c’est lui qui bloque les efforts », a expliqué le député du Hamas Yahiya Moussa.
Pour défendre la position de son camp, Yahiya Moussa a annoncé que « Abou-Mazen (Mahmoud Abbass) doit être honnête et révéler à son peuple la teneur des messages qu’il a reçus d’Israël et des Etats-Unis, l’empêchant de travailler pour la réconciliation avec le Hamas », a expliqué ce député dans un communiqué sur le site du Hamas, Ressalah. Bien qu’ils aient assuré accueillir favorablement les intentions de M. Abbass, les chefs du Hamas ne les ont pas acceptées telles quelles, considérant notamment que la réconciliation devait précéder la formation d’un gouvernement d’union ou la convocation d’élections. Malgré de nombreuses rencontres préparatoires, notamment la réception le 26 mars, à Ramallah, par M. Abbass, de représentants du Hamas en Cisjordanie, et des missions de bons offices de la Turquie et de l’Egypte, cette offre est restée lettre morte. Le Fatah et le Hamas, à couteaux tirés depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le mouvement islamiste en juin 2007, sont engagés depuis plus d’un an dans un processus de réconciliation jusqu’à présent infructueux.
Face au blocage du processus de paix, les dirigeants palestiniens, qui se réfèrent au « modèle sud-africain » d’émancipation non violente, se disent déterminés à proclamer leur propre Etat d’ici septembre, peaufinant leurs alternatives à des pourparlers avec Israël qui se sont révélés totalement stériles. Ces alternatives vont de la saisine de l’Onu et d’initiatives diplomatiques à des décisions plus radicales, comme la suspension des accords conclus avec Israël, voire la dissolution de l’Autorité palestinienne en septembre prochain.
Maha Salem