Palestine - 5 avril 2011
Par Gilles Devers
Le Goldstone du rapport Goldstone a un doute. La capacité à douter, qualité du chercheur et du juriste, est une bonne chose. Celui qui est péremptoire en tout et qui s’interdit de douter est dangereux. Mais avec l’exploitation politique et médiatique, le doute perd ses toutes ses qualités.
Annuler le rapport Goldstone !... Quel honneur pour ce rapport, comme s’il s’agissait d’un jugement, prononçant des condamnations. Non, gardons le calme, et replaçons ce rapport dans la réalité des faits, et du droit.
Annuler le rapport Goldstone !... Quel honneur pour ce rapport, comme s’il s’agissait d’un jugement, prononçant des condamnations. Non, gardons le calme, et replaçons ce rapport dans la réalité des faits, et du droit.
Plomb durci
Plomb Durci, c’est une opération de l’armée israélienne qui a lourdement frappé la population qui vit à Gaza : 1 500 mots en moins de quatre semaines. La première guerre dans laquelle on dénombre plus d’enfants tués que de combattants.
Le monde entier a réagi : la puissance occupante – Gaza étant, comme toute la Palestine, un territoire occupé depuis 1967 – agressait la population occupée, qu’elle avait en toute illégalité soumise à un blocus.
Plus d’un millier de victimes civiles,… et dans un monde moderne, ce n’est ni à moi, ni à Goldstone, ni à qui que ce soit de dire si la loi internationale a été violée et si des crimes ont, ou non, été commis : c’est à la justice de le dire, selon les règles que les humains se sont donnés.
La justice n’est pas la guerre, et celui qui n’a pas commis de méfaits ne redoute pas la justice. Il lui apporte son concours, pour défendre le droit.
La déclaration de compétence du gouvernement de Palestine
L’opération militaire israélienne sur Gaza a pris fin le 18 janvier 2009. Le 22 janvier 2009, le ministre de la justice de Palestine remettait au procureur près la Cour Pénale Internationale une déclaration de compétence. La Palestine n’a pas ratifié le traité de la CPI. Cette déclaration d’attribution de compétence est fondée sur l’article 12.3 du statut.
Ci-dessous, le compte rendu selon la CPI.
http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/979C2995-9D3A-4E0D-81...
Ici, la page de la Palestine sur le site du bureau du procureur de la CPI.
http://www.icc-cpi.int/menus/icc/structure%20of%20the%20c...
La CPI est une juridiction indépendante. Elle ne doit sa souveraineté qu’à la ratification par nombre d’Etats du Traité de Rome de 1998.
Ici le statut :
http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-89...
Et là, la liste des Etats signataires (Ne cherchez ni les US, ni la Chine, l’Inde, ni la Russie… Pour la Turquie, c’est quand elle veut !)
http://www.icc-cpi.int/Menus/ASP/states+parties/
Le Conseil des Droits de l’Homme
Deux mois après cette déclaration, le Conseil des Droits de l’Homme, qui est une commission permanente de l’Assemblée Générale de l’ONU a désigné une fact finding mission, à savoir une commission chargée, avant toute procédure, de dire si des faits violant le droit international ont été commis. Je précise que le Conseil des Droits de l’Homme est un organe politique, dépourvu de compétence juridictionnelle, et qui n’a aucun lien organique avec la CPI. En revanche, désigner une mission de ce type, c’est son devoir premier.
C’est dans ce contexte qu’a été désigné non Goldstone, mais la commission Goldstone :
- Richard Goldstone, ancien juge à la Cour constitutionnelle d’Arique du Sud, et ancien procureur près du Tribunal pour l’Ex-Yougoslavie,
- Christine Chinkin, professeur de droit international à la « London School of Economics and Political Science »,
- Hina Jilani, de la Cour Suprême du Pakistan, chargée de nombreuses missions au sein de l’ONU et membre de la commission international d’enquête sur la Darfour,
- le Colonel Desmond Travers, un ancien officier irlandais, membre de l’équipe de direction l’Institute for International Criminal Investigations.
La commission a conclu que des faits relevant de la qualification de crime de guerre et de crime contre l’humanité ont été vraisemblablement étécommis. Elle a été vivement attaquée, et elle a toujours répondu à tout.
Goldstone fait cavalier seul
La semaine dernière, Goldstone se lâche dans le Washington Post :
Dès hier, Hina Jilani a répliqué, sur Middle East Monitor.
Que Goldstone ait soudain des doutes, plus de deux ans après les faits, et au point de renier les conclusions du rapport, surprend, pour le moins.
Depuis deux ans, les rapports se sont multipliés, et tous dans le même sens. Entre autres, on peut citer :
- Le rapport dirigé par John Dugard
- Celui d’Amnesty International
- Ou de Human Rights Watch
S’il a un doute sur les faits, Goldstone doit réunir la commission (Un travail collectif de 4 personnes) et demander de manière argumentée au Conseil des droits de l’homme d’être redésigné pour un complément de mission. Mais une tribune solitaire de quelques dizaines de lignes dans le Washington Post, ce n’est pas au niveau.
Surtout, le rapport n’est pas une pièce judiciaire. C’est de l’ordre du renseignement général. Heureusement, le droit pénal international s'affirme par les jugements. Il ne dépend pas de tel au tel rapport, aussi bien rédigé soit-il, mais en dehors de toute pièce d’accusation, de tout droit de la défense et en dehors de contrôle juridictionnel.
Alors qu’a fait l’ONU ?
Après bien de la peine, le Conseil de Droits de l’Homme a homologué le rapport de la Commission Goldstone, et a transmis le dossier à la maison-mère, l’Assemblée Générale de l’ONU.
L’AG ONU a à son tour homologué le rapport Goldstone. Elle n’a aucun lien avec la Cour Pénale Internationale. La seule instance de l’ONU ayant un lien organique avec la CPI est le Conseil de Sécurité. Par exemple, il a, avec la résolution 1970, saisi la CPI de l’affaire libyenne,... sans attendre un quelconque rapport Goldstone (Le double standard, on connaît).
Plomb Durci, c’est une opération de l’armée israélienne qui a lourdement frappé la population qui vit à Gaza : 1 500 mots en moins de quatre semaines. La première guerre dans laquelle on dénombre plus d’enfants tués que de combattants.
Le monde entier a réagi : la puissance occupante – Gaza étant, comme toute la Palestine, un territoire occupé depuis 1967 – agressait la population occupée, qu’elle avait en toute illégalité soumise à un blocus.
Plus d’un millier de victimes civiles,… et dans un monde moderne, ce n’est ni à moi, ni à Goldstone, ni à qui que ce soit de dire si la loi internationale a été violée et si des crimes ont, ou non, été commis : c’est à la justice de le dire, selon les règles que les humains se sont donnés.
La justice n’est pas la guerre, et celui qui n’a pas commis de méfaits ne redoute pas la justice. Il lui apporte son concours, pour défendre le droit.
La déclaration de compétence du gouvernement de Palestine
L’opération militaire israélienne sur Gaza a pris fin le 18 janvier 2009. Le 22 janvier 2009, le ministre de la justice de Palestine remettait au procureur près la Cour Pénale Internationale une déclaration de compétence. La Palestine n’a pas ratifié le traité de la CPI. Cette déclaration d’attribution de compétence est fondée sur l’article 12.3 du statut.
Ci-dessous, le compte rendu selon la CPI.
http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/979C2995-9D3A-4E0D-81...
Ici, la page de la Palestine sur le site du bureau du procureur de la CPI.
http://www.icc-cpi.int/menus/icc/structure%20of%20the%20c...
La CPI est une juridiction indépendante. Elle ne doit sa souveraineté qu’à la ratification par nombre d’Etats du Traité de Rome de 1998.
Ici le statut :
http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-89...
Et là, la liste des Etats signataires (Ne cherchez ni les US, ni la Chine, l’Inde, ni la Russie… Pour la Turquie, c’est quand elle veut !)
http://www.icc-cpi.int/Menus/ASP/states+parties/
Le Conseil des Droits de l’Homme
Deux mois après cette déclaration, le Conseil des Droits de l’Homme, qui est une commission permanente de l’Assemblée Générale de l’ONU a désigné une fact finding mission, à savoir une commission chargée, avant toute procédure, de dire si des faits violant le droit international ont été commis. Je précise que le Conseil des Droits de l’Homme est un organe politique, dépourvu de compétence juridictionnelle, et qui n’a aucun lien organique avec la CPI. En revanche, désigner une mission de ce type, c’est son devoir premier.
C’est dans ce contexte qu’a été désigné non Goldstone, mais la commission Goldstone :
- Richard Goldstone, ancien juge à la Cour constitutionnelle d’Arique du Sud, et ancien procureur près du Tribunal pour l’Ex-Yougoslavie,
- Christine Chinkin, professeur de droit international à la « London School of Economics and Political Science »,
- Hina Jilani, de la Cour Suprême du Pakistan, chargée de nombreuses missions au sein de l’ONU et membre de la commission international d’enquête sur la Darfour,
- le Colonel Desmond Travers, un ancien officier irlandais, membre de l’équipe de direction l’Institute for International Criminal Investigations.
La commission a conclu que des faits relevant de la qualification de crime de guerre et de crime contre l’humanité ont été vraisemblablement étécommis. Elle a été vivement attaquée, et elle a toujours répondu à tout.
Goldstone fait cavalier seul
La semaine dernière, Goldstone se lâche dans le Washington Post :
Dès hier, Hina Jilani a répliqué, sur Middle East Monitor.
Que Goldstone ait soudain des doutes, plus de deux ans après les faits, et au point de renier les conclusions du rapport, surprend, pour le moins.
Depuis deux ans, les rapports se sont multipliés, et tous dans le même sens. Entre autres, on peut citer :
- Le rapport dirigé par John Dugard
- Celui d’Amnesty International
- Ou de Human Rights Watch
S’il a un doute sur les faits, Goldstone doit réunir la commission (Un travail collectif de 4 personnes) et demander de manière argumentée au Conseil des droits de l’homme d’être redésigné pour un complément de mission. Mais une tribune solitaire de quelques dizaines de lignes dans le Washington Post, ce n’est pas au niveau.
Surtout, le rapport n’est pas une pièce judiciaire. C’est de l’ordre du renseignement général. Heureusement, le droit pénal international s'affirme par les jugements. Il ne dépend pas de tel au tel rapport, aussi bien rédigé soit-il, mais en dehors de toute pièce d’accusation, de tout droit de la défense et en dehors de contrôle juridictionnel.
Alors qu’a fait l’ONU ?
Après bien de la peine, le Conseil de Droits de l’Homme a homologué le rapport de la Commission Goldstone, et a transmis le dossier à la maison-mère, l’Assemblée Générale de l’ONU.
L’AG ONU a à son tour homologué le rapport Goldstone. Elle n’a aucun lien avec la Cour Pénale Internationale. La seule instance de l’ONU ayant un lien organique avec la CPI est le Conseil de Sécurité. Par exemple, il a, avec la résolution 1970, saisi la CPI de l’affaire libyenne,... sans attendre un quelconque rapport Goldstone (Le double standard, on connaît).
Pour ce qui est de Plomb Durci, L’AG ONU a dit que de tels faits devaient être jugés, sauf à donner une prime à l'impunité pénale. Elle a évoqué la compétence de la CPI, mais elle a rappelé que la justice internationale avait un caractère subsidiaire, et qu’il fallait privilégier le jugement par les autorités locales, Israël et la Palestine. C’est seulement en cas d’échec qu’il faudra appeler aux services de la justice internationale.
Voici cette résolution 64/10 du 5 novembre 2009 de l’AG ONU :
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/462/44/PDF...
Une analyse réitérée par la résolution 64/254 du 25 mars 2010 :
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/477/08/PDF...
Cette résolution du 5 novembre 2009 est tout à fait essentielle.
D’abord, et quelles que soient ses qualités ou ses défauts, le rapport Goldstone n’est qu’un élément parmi les nombreuses informations venues à la connaissance de l’AG ONU.
« Profondément préoccupée par les informations relatives aux sérieuses violations des droits de l’homme et aux graves infractions au droit international humanitaire commises pendant les opérations militaires israéliennes lancées dans la bande de Gaza le 27 décembre 2008, notamment celles qui figurent dans les conclusions de la Mission d’établissement des faits et de la Commission d’enquête établie par le Secrétaire général ».
Ensuite, et surtout, lisez le point 4 : l’AG ONU reconnaît à la Palestine la fonction juridictionnelle… . Or cette question est essentielle, car elle anéantit les critiques tombées sur la déclaration faite par le ministre de la justice de la Palestine le 22 janvier 2009 à la CPI.
Que disaient ces critiques ? La Palestine n’est pas un Etat, n’a pas de compétence juridictionnelle étatique et ne pouvait donner compétence à la CPI.
Et que dit l’AG ONU ? Le gouvernement de Palestine a une compétence juridictionnelle et doit chercher à l’exercer.
On lit :
« 4. Demande instamment, conformément aux recommandations de la mission d’établissement des faits, que la partie palestinienne procède dans les trois mois à des investigations indépendantes, crédibles et conformes aux normes internationales, sur les graves violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme qui ont été signalées par la Mission d’établissement des faits, afin que les responsabilités soient établies et que justice soit faite. »
L’argument essentiel opposé à la déclaration de compétence du 22 janvier 2009 tombe : La Palestine dispose de la compétence juridictionnelle, et n'ayant pas des moyens matériels de l’exercer, elle peut confier ce droit à la CPI, dans le cadre de l’article 12.3 du statut.
Si on raisonne à partir du droit fondamental, historique, on parvient à la même conclusion. La Palestine était une province arabe de l’Empire Ottoman, comme les autres qui sont toutes devenues des Etats indépendants : Egypte, Syrie, Irak Liban, Jordanie… Lorsqu’après l’éclatement de l’Empire Ottoman, suite à la première guerre mondiale, la Société des Nations (SDN) a organisé un partage de la dette de l’Empire en proportion des territoires des nouveaux Etats, la Palestine était considérée comme l’un d’eux, à stricte égalité. Un Etat sous mandat de gestion, comme les autres, car trop faible pour accéder sans délai à l’indépendance, mais ce mandat ne remettait pas en cause la souveraineté, qui est inaliénable.
En 1947, l’ONU a recommandé un plan de partage, mais elle ne pouvait donner ce qui ne lui appartenait pas, la souveraineté du peuple palestinien sur la Palestine. Seul le peuple palestinien pourrait, par un référendum librement consenti, renoncer à sa souveraineté. Il ne l’a jamais fait, et il reste titulaire du titre, même s’il ne peut librement l’exercer.
Titulaire du titre, il peut en confier l’exercice à la CPI par le jeu de l’article 12.3 du statut.
Qu’attend le procureur près la CPI ?
C’est la grande et la seule question. Le rapport Goldstone n’est qu’un document. On attend la justice. Et il ne s’agit pas de préjuger tel ou tel, car la présomption d’innocence est une règle universelle. Il s’agit d’instruire des faits de nature criminelle, au sens du statut, et de faire remonter l’enquête vers les auteurs, qui disposeront de tous les droits de la défense.
J’entends souvent : « Mais qu’attend le procureur pour ouvrir l’enquête ? » La question est autre, car le procureur n’a pas le droit d’ouvrir seul l’enquête. Ouvrir une enquête pénale internationale est une responsabilité lourde, et son rôle est plus limité.
Il existe deux cas dans lesquels le procureur près la CPI est obligé d’ouvrir une enquête : s’il est saisi par le Conseil de Sécurité (Cas du Soudan ou de la Libye) ou par un Etat (Cas pour le Congo, l’Ouganda...).
Ici, la situation est différente.
La Palestine n’a pas ratifié le statut de la CPI, mais a seulement donné compétence par le jeu de l’article 12.3, et un regroupement de 350 ONG a dénoncé les faits survenus pendant Plomb Durci.
Dans ce cadre, le procureur ne peut pas ouvrir l’enquête de lui-même. Après une phase « d’analyse préliminaire », il doit saisir une formation de la Cour, la chambre préliminaire, qui seule a capacité de dire si l’affaire relève de la compétence de la CPI et pour autoriser l’ouverture de l’enquête si les informations générales paraissent sérieuses. Si après cette enquête, autorisée par la chambre préliminaire et conduite par le bureau du procureur, les faits ne font pas apparaitre de charge, l’affaire bénéficie d’un non lieu. Si les griefs apparaissent sérieux, ils sont notifiés aux parties concernées, qui ont tout les moyens de défendre leurs droits.
Voici cette résolution 64/10 du 5 novembre 2009 de l’AG ONU :
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/462/44/PDF...
Une analyse réitérée par la résolution 64/254 du 25 mars 2010 :
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/477/08/PDF...
Cette résolution du 5 novembre 2009 est tout à fait essentielle.
D’abord, et quelles que soient ses qualités ou ses défauts, le rapport Goldstone n’est qu’un élément parmi les nombreuses informations venues à la connaissance de l’AG ONU.
« Profondément préoccupée par les informations relatives aux sérieuses violations des droits de l’homme et aux graves infractions au droit international humanitaire commises pendant les opérations militaires israéliennes lancées dans la bande de Gaza le 27 décembre 2008, notamment celles qui figurent dans les conclusions de la Mission d’établissement des faits et de la Commission d’enquête établie par le Secrétaire général ».
Ensuite, et surtout, lisez le point 4 : l’AG ONU reconnaît à la Palestine la fonction juridictionnelle… . Or cette question est essentielle, car elle anéantit les critiques tombées sur la déclaration faite par le ministre de la justice de la Palestine le 22 janvier 2009 à la CPI.
Que disaient ces critiques ? La Palestine n’est pas un Etat, n’a pas de compétence juridictionnelle étatique et ne pouvait donner compétence à la CPI.
Et que dit l’AG ONU ? Le gouvernement de Palestine a une compétence juridictionnelle et doit chercher à l’exercer.
On lit :
« 4. Demande instamment, conformément aux recommandations de la mission d’établissement des faits, que la partie palestinienne procède dans les trois mois à des investigations indépendantes, crédibles et conformes aux normes internationales, sur les graves violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme qui ont été signalées par la Mission d’établissement des faits, afin que les responsabilités soient établies et que justice soit faite. »
L’argument essentiel opposé à la déclaration de compétence du 22 janvier 2009 tombe : La Palestine dispose de la compétence juridictionnelle, et n'ayant pas des moyens matériels de l’exercer, elle peut confier ce droit à la CPI, dans le cadre de l’article 12.3 du statut.
Si on raisonne à partir du droit fondamental, historique, on parvient à la même conclusion. La Palestine était une province arabe de l’Empire Ottoman, comme les autres qui sont toutes devenues des Etats indépendants : Egypte, Syrie, Irak Liban, Jordanie… Lorsqu’après l’éclatement de l’Empire Ottoman, suite à la première guerre mondiale, la Société des Nations (SDN) a organisé un partage de la dette de l’Empire en proportion des territoires des nouveaux Etats, la Palestine était considérée comme l’un d’eux, à stricte égalité. Un Etat sous mandat de gestion, comme les autres, car trop faible pour accéder sans délai à l’indépendance, mais ce mandat ne remettait pas en cause la souveraineté, qui est inaliénable.
En 1947, l’ONU a recommandé un plan de partage, mais elle ne pouvait donner ce qui ne lui appartenait pas, la souveraineté du peuple palestinien sur la Palestine. Seul le peuple palestinien pourrait, par un référendum librement consenti, renoncer à sa souveraineté. Il ne l’a jamais fait, et il reste titulaire du titre, même s’il ne peut librement l’exercer.
Titulaire du titre, il peut en confier l’exercice à la CPI par le jeu de l’article 12.3 du statut.
Qu’attend le procureur près la CPI ?
C’est la grande et la seule question. Le rapport Goldstone n’est qu’un document. On attend la justice. Et il ne s’agit pas de préjuger tel ou tel, car la présomption d’innocence est une règle universelle. Il s’agit d’instruire des faits de nature criminelle, au sens du statut, et de faire remonter l’enquête vers les auteurs, qui disposeront de tous les droits de la défense.
J’entends souvent : « Mais qu’attend le procureur pour ouvrir l’enquête ? » La question est autre, car le procureur n’a pas le droit d’ouvrir seul l’enquête. Ouvrir une enquête pénale internationale est une responsabilité lourde, et son rôle est plus limité.
Il existe deux cas dans lesquels le procureur près la CPI est obligé d’ouvrir une enquête : s’il est saisi par le Conseil de Sécurité (Cas du Soudan ou de la Libye) ou par un Etat (Cas pour le Congo, l’Ouganda...).
Ici, la situation est différente.
La Palestine n’a pas ratifié le statut de la CPI, mais a seulement donné compétence par le jeu de l’article 12.3, et un regroupement de 350 ONG a dénoncé les faits survenus pendant Plomb Durci.
Dans ce cadre, le procureur ne peut pas ouvrir l’enquête de lui-même. Après une phase « d’analyse préliminaire », il doit saisir une formation de la Cour, la chambre préliminaire, qui seule a capacité de dire si l’affaire relève de la compétence de la CPI et pour autoriser l’ouverture de l’enquête si les informations générales paraissent sérieuses. Si après cette enquête, autorisée par la chambre préliminaire et conduite par le bureau du procureur, les faits ne font pas apparaitre de charge, l’affaire bénéficie d’un non lieu. Si les griefs apparaissent sérieux, ils sont notifiés aux parties concernées, qui ont tout les moyens de défendre leurs droits.
Que Richard Goldstone publie une tribune pour contester les travaux de la commission qu’il a présidé, sans en parler aux autres membres de cette commission et sans aviser l’organisme qui a mandaté cette commission, c’est curieux. Du point de vue du droit, c'est un épiphénomène.
Que le Procureur près la CPI, qui dispose de tous les éléments d’informations, qui est saisi par une déclaration du ministre de la Justice de Palestine, dont la compétence est reconnue par l’AG ONU, reste plus de deux ans sans prendre de décision, alors que son devoir statutaire est de saisir la chambre préliminaire de la CPI, seule compétente pour autoriser une enquête, est foncièrement anormal.
Que le Procureur près la CPI, qui dispose de tous les éléments d’informations, qui est saisi par une déclaration du ministre de la Justice de Palestine, dont la compétence est reconnue par l’AG ONU, reste plus de deux ans sans prendre de décision, alors que son devoir statutaire est de saisir la chambre préliminaire de la CPI, seule compétente pour autoriser une enquête, est foncièrement anormal.
Source : Les Actualités du Droit