Ed Pilkington et and Conal Urquhart
Jilani, Chinkin and Travers, trois membres de la mission, affirment que l’appel à se rétracter sur le rapport des Nations unies est une négation des droits des victimes palestiniennes et israéliennes [1].
Trois membres de la commission d’enquête des Nations unies sur la guerre de Gaza en 2008-09 s’en prennent au quatrième membre, le dirigeant du groupe Richard Goldstone, l’accusant quasiment de présentation inexacte des faits, dans le but de jeter le doute sur la crédibilité de leur rapport conjoint. Dans une déclaration au Guardian, les trois experts en droit international émettent de vives critiques du retournement spectaculaire de Goldstone, exprimé dans un commentaire du Washington Post au début du mois. Goldstone a écrit qu’il regrettait certains aspects du rapport qui porte son nom, spécialement la suggestion qu’Israël avait pu commettre des crimes de guerre en ciblant des civils palestiniens pendant les trois semaines de conflit. Les trois membres de la commission, l’avocate pakistanaise défenseur des droits humains, Hina Jilani ; Christine Chinkin, professeur de droit international à la London School of Economics ; et l’ancien soldat de la paix Desmond Travers – ont jusqu’à cet instant gardé le silence sur les remarques fracassantes de Goldstone. Mais la réponse qu’ils font aujourd’hui est dévastatrice.
Bien qu’ils ne désignent pas nommément Goldstone, ils réduisent à néant plusieurs des principales allégations de son article et ils laissent entendre qu’il a cédé à une pression politique intense.
Ils écrivent qu’ils ne peuvent laisser “ sans réponse les calomnies répandues sur les conclusions du rapport [Goldstone] ", ajoutant que ces calomnies "présentent les faits de façon inexacte dans une tentative pour en délégitimer les conclusions et jeter le doute sur sa crédibilité. " Dans leur critique la plus cinglante, les trois auteurs affirment que "les appels à reconsidérer le rapport ou à se rétracter, comme les tentative pour travestir sa nature et ses objectifs, bafouent les droits à la vérité et à la justice des victimes israéliennes et palestiniennes ". Ils mettent en évidence les "attaques personnelles et la pression extraordinaire subies par les membres de la commission d’enquête ", ajoutant : "si nous avions cédé aux pressions de toutes parts pour édulcorer nos conclusions, nous aurions commis une grave injustice à l’encontre des centaines de civils innocents tués pendant le conflit à Gaza , des milliers de blessés et des centaines de milliers de personnes dont la vie reste profondément affectée par le conflit et le blocus".
Cette commission d’enquête composée de quatre personnes fut mise en place afin d’enquêter sur des crimes de guerre commis à la fois par Israël et par le Hamas pendant la guerre lors de laquelle 1400 Palestiniens – dont plus de la moitié au moins étaient des civils – et 13 Israéliens ont trouvé la mort. Selon le rapport Goldstone, des Israéliens pourraient être tenus individuellement pour criminellement responsables de crimes de guerre potentiels.
Dans son article du Washington Post, Goldstone écrivait que des preuves étaient apparues depuis, émanant d’enquêtes menées ensuite par l’armée israélienne, qui montrent qu’Israël n’avait pas visé des civils de façon organisée. S’il avait su cela à l’époque, "le rapport Goldstone aurait été un document différent," écrivait-il.
L’apparente rétraction de Goldstone concernant des éléments-clé de la mission d’enquête qu’il dirigeait a fait les délices du gouvernement israélien qui s’en est emparé et qui a demandé que le rapport soit rejeté au vu de ses commentaires. Selon un ministre israélien, Goldstone lui-même a promis qu’il allait faire en sorte que son rapport soit "annulé".
Mais les trois autres membres de la mission affirment qu’ils "s’en tiennent fermement aux conclusions du rapport. Ils affirment que ni le Hamas ni Israël n’a produit de preuve convaincante qui en contredisent les conclusions. Les trois auteurs citent le rapport final de l’ONU sur la guerre de Gaza , écrit par un comité de suivi dirigé par la juge Mary McGowan Davies, lequel critique Israël pour la lenteur avec laquelle il a mené son enquête et pour son refus de considérer les allégations les plus graves sur sa conduite. "Les mécanismes qui sont utilisés par les autorités israéliennes pour enquêter sur les incidents se révèlent inadaptés pour établir véritablement les faits et toute responsabilité légale qui en découle."
La déclaration de Jilani, Chinkin et Travers va contrarier toutes les tentative d’Israël pour faire révoquer le rapport Goldstone. Le conseil des droits humains des Nations unies, qui a mandaté la commission d’enquête, a déjà fait savoir clairement que le rapport pourrait être retiré à la seule condition que les quatre auteurs, unanimes, déposent une plainte écrite formelle ou que l’Assemblée générale des Nations unies ou le Conseil des droits humains, votent son rejet.
L’Autorité palestinienne (AP) a fait savoir sa satisfaction après la déclaration des trois membres de la mission."[C’est] un rappel important de ce qui compte – que la vérité doit être établie et la justice rendue. Il est très troublant que des membres du comité dissent avoir subi des pressions pour édulcorer leurs conclusions," a déclaré Ghassan Khatib, porte-parole de l’AP.
"On ne doit pas permettre qu’Israël influe sur les résultats de ce qui doit être un processus objectif. On ne doit pas permettre non plus qu’ Israël enquête sur ses propres actions et qu’il se déclare non coupable. Nous rendons hommage aux membres du comité qui ont le courage de résister à la pression israélienne et qui insistent pour que justice soit rendue."
Le gouvernement israélien a répondu à ces tout derniers développements en réaffirmant sa position, à savoir que le rapport Goldstone était plein d’erreurs depuis le début. "La position d’ Israël sur le rapport Goldstone et le processus qui a mis en place la commission n’a pas changé. L’établissement de ce comité était basé sur des défauts fondamentaux du Conseil des droits humains des Nations unies. Le rapport a été traité de façon éminemment politique par un conseil qui manque d’autorité morale," a déclaré Yigal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.
"Nous considérons que la méthodologie, les travaux et les conclusions du comité ont été incroyablement déformés. Cela reste valide, tout comme l’engagement d’Israël de mener une enquête sur lui même, sans tenir compte des résolutions d’organismes étrangers. Nous pensons que nos enquêtes et la transparence qui les sous-tend sont le meilleur reproche à faire aux critiques de l’opération Plomb durci."
[1] voir la déclaration complète des trois experts, en anglais sur l’article source :
Goldstone report : Statement issued by members of UN mission on Gaza war
Statement issued by members of the UN fact-finding mission to Gaza, May-September 2009
Hina Jilani, Christine Chinkin and Desmond Travers
guardian.co.uk, Thursday 14 April 2011
In recent days some articles and comments appearing in the press with respect to the report of the United Nations (UN) fact-finding mission on the Gaza conflict of 2008-2009 have misrepresented facts in an attempt to delegitimise the findings of this report and to cast doubts on its credibility.
The mission that comprised four members, including Justice Richard Goldstone as its chair, came to an end when it presented its report to the UN human rights council in September 2009. The report of the mission is now an official UN document and all actions taken pursuant to its findings and recommendations fall solely within the purview of the United Nations general assembly which, along with the human rights council, reviewed and endorsed it at the end of 2009.
Aspersions cast on the findings of the report, nevertheless, cannot be left unchallenged. Members of the mission, signatories to this statement, find it necessary to dispel any impression that subsequent developments have rendered any part of the mission’s report unsubstantiated, erroneous or inaccurate.
We concur in our view that there is no justification for any demand or expectation for reconsideration of the report as nothing of substance has appeared that would in any way change the context, findings or conclusions of that report with respect to any of the parties to the Gaza conflict. Indeed, there is no UN procedure or precedent to that effect.
The report of the fact-finding mission contains the conclusions made after diligent, independent and objective consideration of the information related to the events within our mandate, and careful assessment of its reliability and credibility. We firmly stand by these conclusions.
Also, it is the prerogative of the UN to take cognisance of any evidence subsequently gathered under domestic procedures that it finds credible and in accordance with international standards. Over 18 months after publication of the report, however, we are very far from reaching that point.
The mandate of the mission did not require it to conduct a judicial or even a quasi-judicial investigation. The mission and the report are part of a truth-seeking process that could lead to effective judicial processes. Like all reports of similar missions of the UN, it provided the basis for parties to conduct investigations for gathering of evidence, as required by international law, and, if so warranted, prosecution of individuals who ordered, planned or carried out international crimes.
In the case of the Gaza conflict, we believe that both parties held responsible in this respect, have yet to establish a convincing basis for any claims that contradict the findings of the mission’s report.
The report recommended that proper investigations and judicial processes should ideally be carried out first of all at the domestic level, with monitoring by the UN. If these proved inadequate, it laid down a roadmap for the continuation of such processes at the international level. In line with these recommendations, the UN human rights council appointed a committee of independent experts to monitor the independence, effectiveness and genuineness of any domestic proceedings carried out to investigate crimes and violations of international law pointed out in the mission’s report.
Many of those calling for the nullification of our report imply that the final report by the follow-up committee’s two members, Judge Mary McGowan Davis and Judge Lennart Aspergren, presented to the human rights council in March 2011, somehow contradicts the fact-finding mission’s report or invalidates it.
In the light of the observations of this committee such claims are completely misplaced, and a clear distortion of their findings. The committee’s report states that, according to available information, Israel has conducted some 400 command investigations into allegations by the fact-finding mission and other organisations. Command investigations are operational, not legal, inquiries and are conducted by personnel from the same command structure as those under investigation. Out of these, the committee reports that 52 criminal investigations into allegations of wrongdoings have been opened. Of these, three have been submitted for prosecution, with two of them resulting in convictions (one for theft of a credit card, resulting in a sentence of seven months’ imprisonment, and another for using a Palestinian child as a human shield, which resulted in a suspended sentence of three months). The third case, related to allegations of deliberate targeting of an individual waving a white flag, is still ongoing.
The committee has expressed serious concerns about the late start and slow pace of the proceedings, their insufficient transparency and the participation of victims and witnesses. Out of the 36 incidents relating to Gaza described in the fact-finding mission report, more than one third remain unresolved or without a clear status over two years after the conflict. The committee concluded that the slow progress could seriously impair the effectiveness of the investigations and prospects of achieving justice and accountability. Therefore, the mechanisms that are being used by the Israeli authorities to investigate the incidents are proving inadequate to genuinely ascertain the facts and any ensuing legal responsibility.
In addition, with regard to the issue of the policies guiding Operation Cast Lead, the committee states that there is "no indication that Israel has opened investigations into the actions of those who designed, planned, ordered and oversaw Operation Cast Lead". In other words, one of the most serious allegations about the conduct of Israel’s military operations remains completely unaddressed.
We regret that no domestic investigations at all have been started into any of the allegations of international crimes committed by members of Palestinian armed groups in Gaza which have fired thousands of rockets into southern Israel. The committee observes the same in its report.
We consider that calls to reconsider or even retract the report, as well as attempts at misrepresenting its nature and purpose, disregard the right of victims, Palestinian and Israeli, to truth and justice. They also ignore the responsibility of the relevant parties under international law to conduct prompt, thorough, effective and independent investigations. We regret the personal attacks and the extraordinary pressure placed on members of the fact-finding mission since we began our work in May 2009. This campaign has been clearly aimed at undermining the integrity of the report and its authors. Had we given in to pressures from any quarter to sanitise our conclusions, we would be doing a serious injustice to the hundreds of innocent civilians killed during the Gaza conflict, the thousands injured, and the hundreds of thousands whose lives continue to be deeply affected by the conflict and the blockade.
The report has triggered a process that is still under way and should continue until justice is done and respect for international human rights and humanitarian law by everyone is ensured.
Ed Pilkington à New York & Conal Urquhart à Jérusalem
publié par le Guardian
traduction : C. Léostic, Afps