Par Elia Zureik
Elia Zureik est professeur de Sociologie à l’Université de Queen, Ontario, Canada. Cet article a été publié originellement par Jadal, la lettre d’information de Mada, le Centre arabe de Recherche sociale appliquée.
Le mépris de la vie palestinienne est une des caractéristiques du comportement des autorités israéliennes envers leurs citoyens arabes depuis la création de l’Etat. Les Palestiniens constituent ce que le philosophe italien Giorgio Agamben appelle « homo sacer », concept selon lequel les lois de l’humanité ne s’appliquent pas à eux. Pour Israël, les Palestiniens existent dans des conditions de « vie nue ». Leur existence minimale est tolérée mais pas mise en valeur. Invariablement, la loi est suspendue lorsqu’il s’agit de traiter des griefs palestiniens. Israël est habituellement prompt à citer la « sécurité nationale » pour justifier ses actions meurtrières.
Octobre 2010 - les Palestiniens de 48 demandent justice pour les 13 morts d'octobre 2000
Pour les citoyens palestiniens de l’Etat, la vie se déroule dans un perpétuel état d’urgence où l’exception à l’application universelle du droit est la règle. L’Etat colonial d‘Israël vit à partir d’un prisme racialisé où l’ethnicité et la race gouvernent le traitement de ses citoyens. Comme dans tous les régimes coloniaux, le territoire et la population sont les deux éléments centraux qu’occupe le colonisateur, et Israël ne fait pas exception. Ces deux composantes constituent la pierre angulaire du sionisme moderne.
Les débats sur la démographie, la population et les colonies sont les expressions logiques du sionisme, et elles continueront d’être sa pierre angulaire jusqu’à ce qu’Israël parvienne à son objectif, à savoir se débarrasser du plus grand nombre possible de ses citoyens palestiniens et prendre le contrôle de davantage de terre.
Quand la loi est appliquée (même de façon minimale) dans de rares situations, c’est la preuve que l’exception est la règle. Par exemple, un policier qui a tué un citoyen arabe en 2006 a été condamné à 15 mois de prison – et ce fut une exception. Dans la majorité des cas, l’Etat traite avec indifférence les morts palestiniens dont il est responsable. Les condamnations clémentes associées à la conduite criminelle des membres de l’appareil sécuritaire sont une preuve supplémentaire du mépris total pour la vie arabe à l’intérieur d’Israël.
En effet, ce fut le seul cas dans lequel un policier ou un soldat fut condamné depuis les protestations de masse d’octobre 2000. En dépit du fait que 13 citoyens palestiniens d’Israël furent tués pendant les manifestations, aucune poursuite judiciaire n’a été lancée contre aucun des policiers impliqués, et tous les dossiers ont été fermés par le procureur général. Pire encore, aucune des recommandations légères de la commission d’enquête Or, qui recherchait des moyens de combler le fossé entre les Juifs et les Arabes dans de nombreux domaines de la vie en Israël, n’a été mise en œuvre par le gouvernement.
La déshumanisation des Palestiniens a sa place dans la rhétorique standard israélienne parmi les membres de l’élite dirigeants, et dans une très large mesure parmi le grand public –jeune et vieux- comme l’ont révélé d’innombrables sondages d’opinion.
. En août 2000, Ehud Barak a appelé les Palestiniens « les crocodiles. »
. Le Chef d’État-major israélien Moshe Yalon les a une fois décrits comme « une manifestation cancéreuse » et a assimilé l’action militaire dans les Territoires occupés à une « chimiothérapie. »
. En mars 2001, le ministre israélien du tourisme de l’époque, feu Rehavem Ze’evi, a traité Yasser Arafat de « scorpion. »
. Après que le Hamas ait remporté la majorité des sièges en 2007, lors d’élections démocratiques sous supervision internationale, Israël a resserré son emprise sur les Territoires palestiniens occupés et s’est lancé dans une politique systématique de punition collective en coupant les entrées de fonds et en réduisant drastiquement les livraisons de nourriture et autres produits essentiels à Gaza, au nom de la « sécurité. »
. Dov Weissglass, qui fut l’un des principaux conseillers des premiers ministres israéliens successifs sur la politique envers les Palestiniens, a décrit la choquante restriction des produits alimentaires et autres produits essentiels aux 1,2 millions de Gazaouis comme « une mise au régime. » En 2006, il a plaisanté avec cynisme : « C’est comme un rendez-vous avec un diététicien. Les Palestiniens vont beaucoup mincir, mais ils ne mourront pas. »
. Rafael Eytan (photo ci-dessus), ancien Chef d’Etat major israélien, faisait référence aux Palestiniens comme à « des cafards dans une bouteille. » L’ancien premier ministre Menachem Begin les appelait « les bêtes à deux pattes. » Dix ans plus tôt, le leader du parti Shas suggérait que Dieu devrait envoyer les « fourmis » palestiniennes au diable et les appelait « des serpents. »
. Plus récemment, en août 2010, le chef sépharade et rabbin Ovadia Yosef a déclaré que « Dieu devrait frapper » les Palestiniens « par un fléau. »
. Dan Schueftan, professeur à l’université de Tel-Aviv, a écrit dans le Maariv, en octobre 2009, que « les Arabes sont le plus grand échec de l’histoire de la race humaine. Il n’y a rien sous le soleil de plus cinglé que les Palestiniens. »
Ces positions individuelles sont incrustées dans l’opinion publique, où des données diffusées en septembre révélaient que 64% des jeunes israéliens entre 15 et 18 ans admettaient que les Arabes en Israël ne jouissaient pas des droits égaux pleins en Israël, et, dans ce groupe, 59% pensaient qu’ils ne devaient pas en jouir.
En octobre 2009, Netanyahu a déclaré que la judaïté de l’Etat devait être reconnue par les Palestiniens comme pré-requis à la paix.
Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères d’Israël et raciste assumé, a déclaré devant les Nations Unies, à New-York en octobre 2010, que « sans reconnaissance d’Israël comme Etat juif, nous ne pouvons pas parvenir à la paix. » L’implication de cette position théocratique est claire : elle exclut le retour de tout réfugié palestinien chez eux en Israël, et elle dépouille les citoyens non-juifs de l’Etat leurs droits humains universels.
Les Palestiniens en Israël sont au mieux considérés comme une « communauté suspecte » que les diverses institutions étatiques et le public juif surveillent de près. Le projet sioniste roule à plein régime, et en droite ligne avec le rêve des fondateurs de l’Etat, les dirigeants actuels et futurs ne prendront aucun repos tant que la présence palestinienne en Israël ne sera pas considérablement réduite.
Les dernières déclarations de Lieberman aux Nations Unies induisent un échange de territoire, avec transfert d’une importante partie de la population arabe d’Israël vers un Etat palestinien bantoustan en Cisjordanie. En conséquence, les pourparlers de paix en cours entre les Palestiniens et Israël sont un projet fictif pour parvenir à une véritable paix, à moins que la direction palestinienne ne succombe totalement aux diktats israéliens avec l’aide du gouvernement des Etats-Unis.
Octobre 2010 - les Palestiniens de 48 demandent justice pour les 13 morts d'octobre 2000
Pour les citoyens palestiniens de l’Etat, la vie se déroule dans un perpétuel état d’urgence où l’exception à l’application universelle du droit est la règle. L’Etat colonial d‘Israël vit à partir d’un prisme racialisé où l’ethnicité et la race gouvernent le traitement de ses citoyens. Comme dans tous les régimes coloniaux, le territoire et la population sont les deux éléments centraux qu’occupe le colonisateur, et Israël ne fait pas exception. Ces deux composantes constituent la pierre angulaire du sionisme moderne.
Les débats sur la démographie, la population et les colonies sont les expressions logiques du sionisme, et elles continueront d’être sa pierre angulaire jusqu’à ce qu’Israël parvienne à son objectif, à savoir se débarrasser du plus grand nombre possible de ses citoyens palestiniens et prendre le contrôle de davantage de terre.
Quand la loi est appliquée (même de façon minimale) dans de rares situations, c’est la preuve que l’exception est la règle. Par exemple, un policier qui a tué un citoyen arabe en 2006 a été condamné à 15 mois de prison – et ce fut une exception. Dans la majorité des cas, l’Etat traite avec indifférence les morts palestiniens dont il est responsable. Les condamnations clémentes associées à la conduite criminelle des membres de l’appareil sécuritaire sont une preuve supplémentaire du mépris total pour la vie arabe à l’intérieur d’Israël.
En effet, ce fut le seul cas dans lequel un policier ou un soldat fut condamné depuis les protestations de masse d’octobre 2000. En dépit du fait que 13 citoyens palestiniens d’Israël furent tués pendant les manifestations, aucune poursuite judiciaire n’a été lancée contre aucun des policiers impliqués, et tous les dossiers ont été fermés par le procureur général. Pire encore, aucune des recommandations légères de la commission d’enquête Or, qui recherchait des moyens de combler le fossé entre les Juifs et les Arabes dans de nombreux domaines de la vie en Israël, n’a été mise en œuvre par le gouvernement.
La déshumanisation des Palestiniens a sa place dans la rhétorique standard israélienne parmi les membres de l’élite dirigeants, et dans une très large mesure parmi le grand public –jeune et vieux- comme l’ont révélé d’innombrables sondages d’opinion.
. En août 2000, Ehud Barak a appelé les Palestiniens « les crocodiles. »
. Le Chef d’État-major israélien Moshe Yalon les a une fois décrits comme « une manifestation cancéreuse » et a assimilé l’action militaire dans les Territoires occupés à une « chimiothérapie. »
. En mars 2001, le ministre israélien du tourisme de l’époque, feu Rehavem Ze’evi, a traité Yasser Arafat de « scorpion. »
. Après que le Hamas ait remporté la majorité des sièges en 2007, lors d’élections démocratiques sous supervision internationale, Israël a resserré son emprise sur les Territoires palestiniens occupés et s’est lancé dans une politique systématique de punition collective en coupant les entrées de fonds et en réduisant drastiquement les livraisons de nourriture et autres produits essentiels à Gaza, au nom de la « sécurité. »
. Dov Weissglass, qui fut l’un des principaux conseillers des premiers ministres israéliens successifs sur la politique envers les Palestiniens, a décrit la choquante restriction des produits alimentaires et autres produits essentiels aux 1,2 millions de Gazaouis comme « une mise au régime. » En 2006, il a plaisanté avec cynisme : « C’est comme un rendez-vous avec un diététicien. Les Palestiniens vont beaucoup mincir, mais ils ne mourront pas. »
. Rafael Eytan (photo ci-dessus), ancien Chef d’Etat major israélien, faisait référence aux Palestiniens comme à « des cafards dans une bouteille. » L’ancien premier ministre Menachem Begin les appelait « les bêtes à deux pattes. » Dix ans plus tôt, le leader du parti Shas suggérait que Dieu devrait envoyer les « fourmis » palestiniennes au diable et les appelait « des serpents. »
. Plus récemment, en août 2010, le chef sépharade et rabbin Ovadia Yosef a déclaré que « Dieu devrait frapper » les Palestiniens « par un fléau. »
. Dan Schueftan, professeur à l’université de Tel-Aviv, a écrit dans le Maariv, en octobre 2009, que « les Arabes sont le plus grand échec de l’histoire de la race humaine. Il n’y a rien sous le soleil de plus cinglé que les Palestiniens. »
Ces positions individuelles sont incrustées dans l’opinion publique, où des données diffusées en septembre révélaient que 64% des jeunes israéliens entre 15 et 18 ans admettaient que les Arabes en Israël ne jouissaient pas des droits égaux pleins en Israël, et, dans ce groupe, 59% pensaient qu’ils ne devaient pas en jouir.
En octobre 2009, Netanyahu a déclaré que la judaïté de l’Etat devait être reconnue par les Palestiniens comme pré-requis à la paix.
Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères d’Israël et raciste assumé, a déclaré devant les Nations Unies, à New-York en octobre 2010, que « sans reconnaissance d’Israël comme Etat juif, nous ne pouvons pas parvenir à la paix. » L’implication de cette position théocratique est claire : elle exclut le retour de tout réfugié palestinien chez eux en Israël, et elle dépouille les citoyens non-juifs de l’Etat leurs droits humains universels.
Les Palestiniens en Israël sont au mieux considérés comme une « communauté suspecte » que les diverses institutions étatiques et le public juif surveillent de près. Le projet sioniste roule à plein régime, et en droite ligne avec le rêve des fondateurs de l’Etat, les dirigeants actuels et futurs ne prendront aucun repos tant que la présence palestinienne en Israël ne sera pas considérablement réduite.
Les dernières déclarations de Lieberman aux Nations Unies induisent un échange de territoire, avec transfert d’une importante partie de la population arabe d’Israël vers un Etat palestinien bantoustan en Cisjordanie. En conséquence, les pourparlers de paix en cours entre les Palestiniens et Israël sont un projet fictif pour parvenir à une véritable paix, à moins que la direction palestinienne ne succombe totalement aux diktats israéliens avec l’aide du gouvernement des Etats-Unis.
Traduction : MR pour ISM