Dina Ezzat
Al-Ahram/Weekly
Al-Ahram/Weekly
Alors que des doyens appellent à plus d’efforts diplomatiques pour l’arrêt du conflit israélo-palestinien, Dina Ezzat constate qu’il existe des tensions persistantes dans les relations entre l’Egypte et la bande de Gaza sous la direction du Hamas.
Rencontre des Sages avec Meshaal à Damas
Gaza n’est pas un sujet dont les officiels égyptiens aiment beaucoup parler. Mais cette semaine, il en a beaucoup été question en raison des évolutions politiques, sécuritaires et humanitaires.
« Le blocus est l’une des plus graves violations des droits humains et doit être entièrement levé » a déclaré l’ancien Président des Etats-Unis, Jimmy Carter, mardi dernier ; il parlait du siège imposé par Israël sur la bande de Gaza depuis quatre ans et qui coûte cher à la population dense et appauvrie de la Bande, économiquement et socialement.
Carter s’exprimait depuis Damas après avoir rencontré des officiels syriens et des dirigeants du Hamas exilés dans la capitale syrienne. Carter conduit actuellement des pourparlers, et avec lui trois autres anciennes personnalités politiques, au cours d’une visite au Moyen-Orient afin d’impulser une action diplomatique urgente pour arriver à un règlement pacifique de la lutte israélo-palestinienne.
Avec Carter du groupe des « Sages » (Elders) - un comité de conseil indépendant formé il y a trois ans par le dirigeant historique de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela -, participent Mary Robinson, ancienne présidente de l’Irlande et haute commissaire des droits de l’homme à l’ONU, Lakhdar Brahimi, émissaire chevronné des Nations-Unies et ancien ministre des Affaires étrangères algérien, et Ela Bhatt, responsable dans le militantisme social en Inde.
La venue des Sages en Syrie est la troisième étape d’un circuit qui a commencé en Egypte, où ils ont rencontré le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Abul-Gheit, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, et un groupe de représentants de la société civile. La mission des Sages les mènera ensuite en Jordanie, à Ramallah et en Israël, à la recherche d’« une paix juste et sûre pour tous », déclare Robinson au Caire.
Au Caire, Robinson a souligné aussi que pour les Sages, la cessation immédiate du blocus de la bande de Gaza est une question prioritaire. C’est ainsi que les Sages ont discuté avec les responsables égyptiens du fonctionnement du passage frontalier de Rafah, seul point de liaison non contrôlé par Israël, entre la bande de Gaza et le reste du monde.
« Notre position reste inchangée. Depuis quelques mois, nous permettons au passage de Rafah de fonctionner quotidiennement pour les personnes qui peuvent prouver qu’elles ont un besoin urgent d’entrer dans la bande de Gaza et qui ont les documents nécessaires. Les autres ne peuvent ni entrer ni sortir ni traverser l’Egypte de manière non contrôlée, » dit un dirigeant égyptien.
Et le même dirigeant de dire que l’Egypte autorise le passage de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, « à partir du territoire égyptien et dans le cadre des règlements et restrictions jugés nécessaires par les autorités égyptiennes ». Ceci, explique-t-il, signifie que les cargaisons maritimes doivent être déchargées à Arish, vérifiées par les autorités égyptiennes et ensuite, elles doivent être dirigées sur des « points de passages pour cargaison, supervisés par Israël ». Ces règles, dit-il, devront s’appliquer au convoi d’aide humanitaire Lifeline 5 (Viva Palestina, qui réussit à entrer dans la bande de Gaza le jeudi 21 octobre - voir Viva Palestina a atteint Gaza - ndt), si ses organisateurs tiennent à ce que l’aide arrive jusqu’à Gaza. Le convoi doit être en train de charger son matériel au moment où cet article est mis sous presse par Al-Ahram Weekly.
« Nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de laisser entrer un présumé trafic d’armes de contrebande dans la bande de Gaza et Israël se plaindre que ces armes sont utilisées pour lancer des attaques sur des cibles israéliennes. C’est hors de question pour nous, » précise le même responsable. Si le Hamas, qui contrôle Gaza, veut plus de souplesse dans le fonctionnement du passage de Rafah, il doit laisser l’Autorité palestinienne (AP) revenir dans la bande de Gaza, affirment les officiels égyptiens en des termes non équivoques.
Le Hamas persiste dans son refus de signer un accord de réconciliation élaboré au Caire qui permettrait de réinstaller l’AP dans Gaza, car selon lui l’accord est partial au profit du Fatah qui contrôle l’AP. L’Egypte, pour sa part, refuse d’accéder à la demande du Hamas qui voudrait que soit modifié le projet d’accord. « Je ne suis pas sûr qu’un changement dans sa position intervienne dans un proche avenir, à moins que le Hamas ne veuille faire des gestes significatifs », dit un diplomate égyptien.
De tels gestes, selon ce même diplomate, doivent prévoir de la souplesse dans l’accord pour un échange de prisonniers, depuis longtemps en attente, et qui aboutirait à la libération du soldat israélien Gilad Shalit en échange de quelques centaines de prisonniers palestiniens, et à cesser d’utiliser des tunnels illicites à Rafah pour passer des armes de contrebande et faire entrer ou sortir des personnes.
Selon un responsable de la sécurité à Rafah, les autorités égyptiennes saisissent encore actuellement des armes de contrebande et des personnes. Pour l’Egypte, c’est un signe inacceptable du refus d’obtempérer du Hamas.
Les autorités égyptiennes refusent de répondre au Hamas qui demande la libération des personnes arrêtées. Selon des sources égyptiennes bien informées, le nombre de militants Hamas arrêtés par l’Egypte s’approche des 40. Le Caire refuse de négocier leur libération tant que le Hamas ne s’engage pas à suspendre les activités qui posent problème à l’Egypte.
Al-Ahram/Weekly - Publication n° 1020 du 21 au 27 octobre 2010 - traduction : JPP