vendredi 3 septembre 2010

Ces Eglises qui boycottent les colonies

publié le jeudi 2 septembre 2010
Sarah Irving

 
Les Églises ont depuis longtemps été un point central du combat de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions). Avec le développement du mouvement BDS, plusieurs Églises à travers le monde se sont impliquées progressivement dans le mouvement de boycott, et les derniers mois ont été marqués par quelques gros succès pour BDS.
L’Église méthodiste anglicane avaient déjà voté il y a quelques années plusieurs résolutions concernant Israël. En 2006, explique le Dr Stephen Leah, un vote pour le désinvestissement des compagnies qui profitaient de l’occupation avait été accepté par une large majorité des méthodistes. D’autres résolutions ont été également prises, condamnant la politique d’Israël envers Gaza et incitant les fidèles de l’Église à défendre une paix juste.
En juin, Lean et sa collègue Nicola Jones, pasteur de l’Église méthodiste, ont été à l’origine d’un débat virulent dans les médias britanniques après avoir fait passer une résolution sur le boycott d’Israël aux membres de l’Église. "Depuis 2009 nous avions lancé un travail de recherche qui servirait à donner des bases aux résolutions de l’Église méthodiste concernant la Palestine" explique Leah.
Suite à ce rapport, une motion sur le boycott des produits en provenance des colonies a été ratifié par les méthodistes. Christine Elliott, la secrétaire des Affaires étrangères de l’Église, déclarait à la presse que "cette décision n’a pas été facile à prendre ; elle a vu le jour après plusieurs mois de recherche, après avoir été minutieusement réfléchie et finalement soumise au vote. Le but du boycott est de mettre un terme à l’existence de l’injustice. Cette campagne dénonce la colonisation, qui reste un obstacle à la paix dans cette région. Nous sommes toujours ouverts au dialogue avec les autres communautés religieuses et avec les pratiquants de différentes confessions. Nous restons profondément attachés aux relations que nous entretenons avec nos frères et sœurs d’autres religions et nous nous engageons dans l’écoute et la compréhension, c’est pour cela que nous agissons comme des porteurs d’espoir tous ensemble."
"De mon point de vue, nous devrions boycotter tous les produits venant d’Israël"confie Leah. "Mais nous avons eu un gros débat là dessus, comme vous pouvez l’imaginer, et plusieurs personnes se prononçaient pour le boycott des produits des colonies uniquement. Donc à l’heure actuelle, la ligne politique de notre Église consiste à boycotter uniquement ces biens. Cependant, d’autres méthodistes veulent s’engager plus loin dans la voix du boycott." Bien que l’Église méthodiste soit la seule en Grande-Bretagne à soutenir le boycott des produits des colonies, Leah croit que l’opinion publique, au sein d’autres communautés religieuses, particulièrement dans L’Église réformiste unifiée, se rallierait au boycott si elle avait accès à plus d’informations à propos de la colonisation en Cisjordanie.
La résolution votée par les méthodistes ne s’arrête pas au simple boycott des produits issus des colonies. Elle encourage également les membres de l’Église à s’instruire et s’informer sur la situation en Palestine, et à s’engager dans des initiatives de volontariat en Palestine, pour observer les violations répétées des Droits de l’Homme. Les documents officiels de l’Église qualifient maintenant les colonies "d’illégales", et les dirigeants de l’Église ont demandé des précisions sur l’origine des produits vendus dans les principales chaines de supermarchés. Selon un porte parole de l’Église, leur rapport devrait être publié prochainement et l’on peut déjà trouver sur leur site internet des informations concernant les entreprises et labels qui exportent ou importent des produits issus des colonies en Cisjordanie.
Les réactions au boycott.
Sans surprise, cette décision de l’Église méthodiste a déclenché une vague de protestations au Royaume-Uni. Le Conseil des Chrétiens et des Juifs, basé à Londres, a déclaré que cette résolution sur le boycott allait "blesser le peuple palestinien". Le Conseil des députés juifs et anglais a publié un communiqué, déclarant que le vote de cette motion symbolisait "une journée vraiment triste, dans les relations entre juifs et méthodistes mais aussi pour tout ceux qui voudraient voir de réels engagements dans la résolution du conflit israélo-palestinien. La Conférence des méthodistes a publié un rapport truffé d’erreurs historiques et de conceptions erronées sur la religion juive et la politique israélienne." Le communiqué a accusé l’Église d’être "grossière, insensible et mal informée". Le Conseil a déclaré mettre un terme à toutes relations avec les méthodistes tant qu’il n’y aura pas de changements dans leur position.
En Israël, on qualifie cet engagement de "menace au multiculturalisme qui se développe partout en Europe." Le Jerusalem Post a déclaré que les méthodistes étaient "une petite communauté en déclin" [l’Église méthodique à 330.000 membres au Royaume-Uni]. Robin Shepherd écrit dans un article du Jerusalem Post, intitulé "la banalité des démons méthodistes" : "si l’Église méthodiste lance une campagne de boycott contre Israël, laissons Israël répondre de manière appropriée ; empêchons leurs représentants de rentrer en Israël, renvoyons leurs missionnaires, bloquons leurs financements, fermons leurs bureaux et taxons leurs églises. Si ils veulent la guerre, ils l’auront. Les agresseurs doivent payer le prix de leurs actions."
"Je pense que beaucoup de personnes s’attendaient à cela" a déclaré Leah, "la plus part des fidèles que je rencontre restent d’accord avec la position de l’Église. Ils disent que nous avons fait ce qui était juste." Leah cite des lettres du révérend Rob Hufton, membre de l’Église méthodiste, qui dénonce l’attitude d’Israël envers les mouvements pro-palestiniens ; attitude qui selon lui, est la vraie menace à l’interculturalité. Il critique la politique israélienne qui a transformé la Cisjordanie en "gruyère suisse". Il conclut en affirmant que "la situation est pire que ce que le rapport des méthodistes dénoncent. En tant qu’ Église, nous n’avons pas à nous excuser pour cela, et nous n’avons pas à subir ce genre de menaces."
Leah admet que les nombreux griefs que les méthodistes ont pu avoir avec des journaux sionistes comme le Jerusalem Post ou le Jewish Chronicles les font toujours quelque peu culpabiliser. Cependant, il est très enthousiaste quant au soutien apporté par diverses associations juives anti-sionistes, ainsi que sur les possibilités de dialogue désormais possible avec la communauté musulmane britannique. "Je pense que le plus important pour les méthodistes est de ne pas perdre courage face aux attaques de nos détracteurs et de continuer le combat contre l’injustice."
Derrière les attaques quasi hystérique de la communauté sioniste, se cache en réalité la peur de voir à quel point la campagne BDS se développe ses dernières années. La décision de l’Église méthodiste pourrait entrainer d’autres communautés religieuses à s’opposer publiquement à la politique israélienne. Malgré les commentaires du Jerusalem Post sur la marginalité de ce mouvement, une semaine après la déclaration des méthodistes, l’Église d’Angleterre, la plus grande Église protestante du Royaume-Uni, condamnait publiquement l’entreprise française Véolia pour sa participation au projet de tramway dans Jérusalem. "Une fois construit, le tramway renforcera la domination d’Israël sur les territoires occupés de Jérusalem-est et rapprochera les colonies de l’État d’Israël."
Des Églises australiennes et américaines s’engagent également en faveur du peuple palestinien.
En Australie, le Conseil National des Églises a également voté une motion fin juillet, de soutien au boycott des produits issus des colonies en Cisjordanie. Le Conseil a déclaré que le boycott des biens en provenance des colonies aiderait à "l’émancipation du peuple [palestinien] face aux injustices dont il est victime" et participerait à l’élaboration d’une paix "juste et définitive". Ce Conseil représente la majorité des Églises catholiques et anglicanes d’Australie.
Face à cela, des groupes de sionistes australiens, ont réagi avec colère en dénonçant ce boycott des "juifs de Cisjordanie". Robert Goot, président du Conseil Exécutif des Juifs Australiens a violemment condamné cette décision qui pour lui "fait revivre chez les juifs australiens des moments très douloureux, liés aux évènements du siècle précédent en Europe, quand les Eglises autorisèrent la répression contre le peuple juif."
Sans aller aussi loin que les Églises britanniques et australiennes, l’Église presbytérienne aux États-Unis, qui représentent plus de deux millions de croyants, a voté plusieurs résolutions en juillet en faveur du peuple palestinien. Durant l’Assemblée Générale, 82% des membres ont voté pour une résolution appelant à "la fin de l’occupation des territoires palestiniens" (affirmant également le droit pour Israël d’être reconnu et d’exister en tant que pays souverain). Les résolutions votées se prononcent également en faveur du "gel immédiat des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-est". L’Assemblée Générale a aussi critiqué l’entreprise Caterpillar pour les profits qu’elle réalise en Israël, allant à l’encontre de tous principes moraux et chrétiens. Les investissements de Caterpillar sont accusés de se faire au détriment d’une paix juste et durable et l’entreprise est appelée à s’engager dans le respect des Droits de l’Homme. Cependant, l’Église presbytérienne ne s’est pas engagé pour le boycott.
Publié par Electronic Intifada :