Chaim Levinson - Ha’aretz
Au cours des quinze dernières années, Israël a dirigé des centaines de millions de shekels récupérés en Cisjordanie vers les coffres de l’Etat. Cette initiative est illégale en vertu du droit international qui interdit à une puissance occupante de s’approprier le produit d’une activité économique dans un territoire occupé.
Le droit international interdit à une puissance occupante de tirer profit d’une activité économique dans un territoire occupé.
Suite à contestations par des avocats militaires, le procureur général adjoint a jugé que cette pratique devait cesser et a ordonné une enquête pour savoir si l’Administration civile israélienne en Cisjordanie devait être indemnisée rétroactivement.
« Suite aux réunions de travail d’une équipe interministérielle composée de représentants du ministère des Finances, du ministère de la Justice et de l’Administration civile, il fut décidé que... lesdites sommes seront inscrites au budget de l’Administration civile. Les aspects techniques du dossier devant être réglés au cours des prochaines semaines. »
Les fonds en question sont collectés par l’Administration civile et sont, pour l’immense majorité, israéliens. Ils comprennent des commissions et des redevances sur différentes activités, telles que des redevances sur des carrières et des taxes sur des enchères. Les sommes sont estimées à des centaines de millions de shekels (*), atteignant parfois jusqu’à 80 millions de NIS (nouveau shekel israélien) en un an.
Jusqu’aux accords d’Oslo, dans les années 1990, les fonds étaient transférés à l’Administration civile pour être utilisés pour les Palestiniens dans des dépenses d’exploitation ou pour des infrastructures et services sociaux dans les territoires. Les accords d’Oslo ayant imposé la fermeture définitive de l’Administration, les fonds en question furent affectés comme revenus à l’Administration foncière d’Israël et réorientés vers les coffres de l’Etat.
L’Administration civile, cependant, a continué de fonctionner dans les zones C de Cisjordanie, agissant sur l’infrastructure, l’urbanisme et la construction. Les fonds ont malgré tout été acheminés vers l’Etat, bien que le droit international interdise à une puissance occupante de s’approprier le produit d’une activité économique dans un territoire occupé. Les fonds collectés dans les zones occupées par les Américains en Iraq, par exemple, sont dirigés vers les Etats-Unis et, à l’exception de 5% qui s’en vont au Koweit, ils sont réutilisés pour un investissement direct en Iraq.
Ramifications budgétaires
Récemment, un avocat de l’Office de l’avocat général militaire indiquait que le transfert de tels fonds à l’Etat n’était pas abusif. Parce que la question est complexe et qu’elle a des ramifications budgétaires bien au-delà de l’armée, les autorités ont confié l’enquête à Malchiel Blas, avocat général adjoint.
Celui-ci a jugé que le transfert direct des fonds au budget de l’Etat devait cesser. Une équipe comprenant des fonctionnaires du Trésor, du ministère de la Justice et de l’Administration civile a examiné les implications de la décision de Blas.
Lors des réunions de cette équipe, l’Administration civile a demandé que l’argent soit à nouveau directement canalisé dans ses caisses. Le ministère des Finances, au contraire, a proposé qu’un fond soit ouvert pour l’argent, lequel serait alors réparti entre les différents ministères investissant dans les territoires, tels que les Transports, l’Agriculture et l’Industrie, le Commerce et le Travail.
Une autre question qui se pose est de savoir si l’Administration civile doit être indemnisée pour l’argent qu’elle a perdu au profit de l’Etat. Le ministère des Finances s’y est fermement opposé, et il prétend qu’au cours des quinze années écoulées, l’Etat a investi en Cisjordanie, en dehors des colonies, plus du double du montant qu’il a reçu. Le gouvernement doit prendre la décision finale.
« Ces revenus sont enregistrés comme une partie des revenus de l’Etat, et le ministère des Finances a budgétisé toutes les activités de l’Administration civile et celles militaires dans la région sur le budget de l’Etat, » indique le ministère de la Justice dans une déclaration.
« Récemment... il s’est avéré que la question devait être aménagée d’une façon qui fasse ressortir de façon évidente qu’il fallait enregistrer ces revenus fiscaux au budget de l’Administration civile, comme autorisé par la Knesset. »
Selon le ministère des Finances : « Il faut préciser que la question de savoir si les fonds doivent être enregistrés comme revenus de l’Etat ou revenus de l’Administration civile est une question technique, car en fin de compte, l’Etat d’Israël investit dans le secteur des sommes considérablement plus importantes que les redevances qu’il reçoit. »
7 avril 2010 - Ha’aretz - traduction : JPP