mercredi 6 janvier 2010 - 09h:00
Heba Zaghloul - Al-Ahram/hebdo
Les dirigeants du Hamas relancent l’espoir d’une prochaine réconciliation interpalestinienne tout en maintenant leurs réserves vis-à-vis du document égyptien. La fermeture des tunnels le long des frontières entre l’Egypte et la bande de Gaza pourrait peut-être constituer une pression pour les pousser à reprendre le dialogue.
Le Hamas ne devrait plus tarder à signer un accord de réconciliation avec le Fatah du président Mahmoud Abbass. C’est en tout cas ce qu’a déclaré dimanche dernier Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, à l’issue d’un entretien à Riyad avec le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal. Selon lui, le Hamas se trouverait « dans la dernière phase » avant la signature d’un accord de réconciliation. Une déclaration qui se veut optimiste, mais qui n’a cessé d’être répétée ces derniers mois par différents dirigeants palestiniens, sans pour autant aboutir à une réconciliation interpalestinienne.
Riyad serait-elle à l’origine d’une nouvelle initiative qui remplacerait la médiation égyptienne ? En aucun cas, ont déclaré les responsables saoudiens et palestiniens. Il s’agirait là d’un soutien saoudien à l’initiative égyptienne et en coordination avec Le Caire, médiateur des négociations interpalestiniennes. La signature aura donc lieu au Caire et non pas dans d’autres capitales, s’est empressé de déclarer Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas à Gaza, démentant ainsi une rumeur selon laquelle le Hamas aurait demandé que Damas remplace Le Caire pour une éventuelle signature d’un accord interpalestinien.
Des déclarations qui peinent à dissimuler la tension entre Le Caire et le Hamas qui subsiste depuis des mois. Car, depuis 2007, date à laquelle le Hamas a pris le pouvoir à Gaza par un coup de force, Le Caire accueille les différentes factions palestiniennes pour des négociations qui ont abouti à la rédaction d’un document qui prévoit, entre autres, la tenue des élections palestiniennes législatives et présidentielles en juin 2010, le renforcement des forces de sécurité du Fatah sous la supervision de l’Egypte et la libération des détenus par les deux parties en Cisjordanie et à Gaza. En octobre dernier, le gouvernement égyptien n’avait pas caché sa frustration vis-à-vis du Hamas qu’il accuse d’avoir volontairement bloqué la réconciliation palestinienne. Le Hamas, après avoir déclaré dans un premier temps accepter le document du Caire, a finalement refusé de le signer, déclarant avoir besoin de plus de temps pour l’examiner.
Aujourd’hui, le Hamas semble vouloir rejeter la balle dans le camp de l’Egypte et du Fatah, en déclarant être prêt à une signature si le document prend en considération les réserves qu’il émet. « Nous voulons que ce document soit conforme aux points sur lesquels nous nous sommes entendus avec nos frères du Fatah et des autres organisations (palestiniennes) », a déclaré Mechaal. « Nous serons à ce moment prêts à le signer au Caire avec les autres organisations », a-t-il ajouté.
Divergence Hamas-Egypte
Autre sujet de tension entre Le Caire et les dirigeants du Hamas : l’éventuelle fermeture des tunnels le long de la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza. Selon Le Caire, ces tunnels servent au trafic d’armes et de drogues et pas seulement de produits alimentaires. Leur fermeture par une barrière métallique souterraine serait donc une nécessité pour la sécurité du pays, car elle empêcherait la circulation d’armes et de personnes en provenance de Gaza sur le territoire égyptien, évitant ainsi d’éventuels attentats anti-égyptiens. Ceci dit, les autorités égyptiennes expliquent qu’il ne s’agit pas de la fermeture des frontières. Loin de là. L’aide humanitaire arrive à Gaza par les frontières égyptiennes qui restent ouvertes aux cas humanitaires et aux Palestiniens qui font leurs études en Egypte.
Mais du côté de Gaza, les Palestiniens et les organisations craignent que la fermeture des tunnels rende encore plus dure la vie des Gazaouis qui subissent, depuis maintenant trois ans, le blocus inhumain imposé par Israël.
Pour certains analystes, il y a également une autre explication à la fermeture des tunnels. L’Egypte chercherait ainsi à honorer les engagements, pris l’année dernière vis-à-vis de la communauté internationale selon lesquels elle devait « sécuriser la frontière ». C’était la condition demandée par Israël pour accepter de mettre fin à son offensive meurtrière menée l’hiver dernier contre Gaza. Pour d’autres analystes, la fermeture des tunnels pourrait également être une manière de faire pression sur le Hamas pour que ce dernier fasse des concessions dans le dialogue interpalestinien. Car, fort du soutien populaire, le Hamas ne voyait peut-être pas l’urgence d’une réconciliation interpalestinienne. Un an après la guerre israélienne, non seulement le Hamas a survécu, mais aussi il a gagné en popularité. Ce qui ne semble pas être le cas de l’Autorité palestinienne, affaiblie par le manque de concessions israéliennes à son égard, et par les multiples échecs du processus de paix, à savoir la poursuite de la colonisation israélienne à l’intérieur et autour de Jérusalem et le maintien du blocus inhumain contre la population de Gaza.
Or, nul ne doute que, sans une entente interpalestinienne, la situation des Palestiniens ne pourrait s’améliorer. Et les Israéliens utilisent bien trop souvent ce prétexte pour justifier le blocage des pourparlers. Selon eux, il n’y a pas d’interlocuteur palestinien avec lequel négocier. Ainsi, le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, affilié à l’extrême droite, est allé jusqu’à mettre en doute la légitimité du président palestinien Mahmoud Abbass. « Notre partenaire palestinien Abou-Mazen (Mahmoud Abbass) est problématique. Représente-t-il le peuple palestinien ? Il est clair qu’il ne représente pas Gaza et que sa légitimité en Cisjordanie est mise en doute », a lancé Lieberman. Une déclaration peu encourageante qui ne va certainement pas dans le sens d’une reprise prochaine des pourparlers avec les Palestiniens, mais qui reflète les répercussions négatives de la rivalité interpalestinienne, dont profite l’Etat hébreu.
Une unité nationale palestinienne ne pourra peut-être pas mettre fin à la politique israélienne dans les territoires occupés qui sape tout espoir de paix, mais elle renforcerait sans aucun doute la position palestinienne .
Al-Ahram/hebdo - Semaine du 6 au 12 janvier 2010, numéro 800 (Monde arabe)