Marwan Barghouti.
Marwan Barghouti s’adresse aux lecteurs de l’Humanité. Entretien exclusif.
Le leader palestinien toujours emprisonné, répond aux questions que nous avons pu lui transmettre jusque dans sa cellule.
Pensez-vous que la solution à deux États soit encore possible ?
Marwan Barghouti : La seule solution possible qui fait consensus internationalement et qui est acceptée par la majorité des Palestiniens et des Israéliens est la coexistence de deux États. À mon avis la création d’un État palestinien libre et indépendant souverain sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale et qui vivra à coté d’Israël en paix et en sécurité est l’unique solution. Sans la mise en œuvre de cette solution nous assisterons à la poursuite de ce conflit et de la violence. Il ne faut pas s’y tromper : les Palestiniens ne vont pas renoncer à leur rêve et à leur droit de créer cet État quelles que soient leurs souffrances. Je suis persuadé que la fin de l’occupation israélienne est plus proche que jamais et que le dernier jour de l’occupation israélienne sera le premier jour de la paix entre la Palestine et Israël.
Un État palestinien en 2010, est-ce possible ?
Marwan Barghouti : Avec l’absence d’un vrai partenaire israélien pour la paix il est difficile de penser que l’année 2010 va apporter un changement dans le processus de la paix déjà affaibli. Le gouvernement d’Israël refuse toutes les décisions prises par les Nations unies et le Conseil de sécurité, il refuse l’application de tous les accords de paix signés avec l’OLP, refuse l’initiative arabe et même la feuille de route. Israël refuse également la fin de l’occupation et son retrait sur les frontières de 1967, refuse de reconnaître le droit du Palestinien à choisir son avenir, refuse l’idée d’un État palestinien libre et indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale, refuse la résolution 194 de l’ONU sur les réfugiés, refuse la libération de plus de 10 000 prisonniers et détenus palestiniens, refuse l’arrêt de la colonisation et de mettre fin au blocus aveugle imposé contre Gaza. Malgré tout cela le peuple palestinien est capable de résister et de continuer sa lutte jusqu’à l’obtention de sa liberté et de son indépendance. Notre peuple ne va pas renoncer à ses droits fondamentaux quels que soient les souffrances, les difficultés et tout ce qui fait l’occupation israélienne. Le sort de l’occupation Israélienne ne sera pas meilleur que le sort du régime de l’apartheid en Afrique du Sud ou le sort du colonialisme et du fascisme dans le monde.
Le gouvernement israélien refuse de geler la construction. Comment peut-on briser cette rigidité ?
Marwan Barghouti : Malheureusement l’autorité palestinienne a négocié pendant vingt ans sans aucun arrêt de la colonisation qui menace le rêve palestinien de liberté et de création d’un État indépendant. La reprise des négociations ne pourra se faire qu’avec l’arrêt total de la colonisation et avec un engagement de la part d’Israël pour mettre fin à la plus longue occupation militaire et raciste de l’histoire contemporaine.
Quel rôle les Etats-Unis et l’Union européenne doivent jouer pour obliger Israël à arrêter cette colonisation ?
Marwan Barghouti : Les États-Unis n’exercent pas de pressions sur Israël, ce qui a encouragé ce dernier à continuer la colonisation. Pourtant, les États Unis pourraient faire arrêter la colonisation et l’occupation et même obliger Israël à reconnaître le droit des Palestiniens à l’autodétermination et à créer leur propre État. Mais en vingt ans de négociations les États-Unis n’ont pas eu un rôle impartial. L’Union Européenne joue un rôle très important au Moyen-Orient et dans ce conflit. Elle accorde beaucoup d’aides aux Palestiniens, elle les soutient pour résister et développer les institutions de leur futur État. Mais malheureusement l’Union européenne n’a pas exercé assez de pression sur Israël pour l’obliger à mettre fin à cette colonisation et à cette occupation. L’Europe devrait insister à jouer un rôle politique plus efficace et être un partenaire important comme les autres parties internationales pour sauver le processus de la paix.
Comment parvenir à la réconciliation entre les mouvements palestiniens ?
Marwan Barghouti : Le chemin de la réconciliation passe par le retour au dialogue national complet, le retour au document des prisonniers qui a été signé par toutes les factions y compris le Hamas et le Fatah, le respect de ce document et son application. Sans oublier le document de réconciliation proposé par les Égyptiens. Comme pour tous les peuples opprimés et tous les mouvements de libération, l’union nationale est l’entrée et la base de victoire.
Serez-vous candidat à l’élection présidentielle ?
Marwan Barghouti : La tenue des élections législatives et présidentielle et celles du conseil national de l’OLP est une revendication constitutionnelle et démocratique. Elles représentent une des formes de la souveraineté nationale et populaire. C’est une occasion pour renforcer le partenariat national et démocratique dont on a besoin parce qu’on est toujours dans la phase de la libération nationale. Pour ce qui me concerne, je ne prendrai ma décision que lorsqu’une date sera fixée pour les élections, que la réconciliation sera effective et que le scrutin se déroule en Cisjordanie, à Jérusalem et dans la bande de Gaza.
Entretien réalisé par P. B.