Par Addameer > info@addameer.ps
Le 4 janvier 2010, une audience du tribunal militaire d’Ofer, situé près de Ramallah, en Cisjordanie occupée, a prolongé de 4 jours supplémentaires la détention arbitraire du coordinateur de la Campagne Stop the Wall, Jamal Juma’, 47 ans, prévoyant sa prochaine audience à Ofer pour jeudi matin 7 janvier 2010. Cela fait 20 jours, depuis le 16 décembre 2009, que Jamal, défenseur palestinien pour les droits de l’homme éminent, a été arrêté chez lui, à Jérusalem Est, et emmené pour interrogatoire.
Lors de l’audience du 4 janvier devant le juge militaire israélien Shmuel Fleishman, l’avocat de la défense de Jamal, Fathi Shbeitah, a plaidé contre la validité de la « preuve secrète » de l’accusation, à laquelle la défense n’a pas accès. Maître Shbeitah a de plus réitéré son argumentation selon laquelle les tribunaux militaires n’ont pas juridiction sur Jamal qui, en tant que résident de Jérusalem Est occupée, devrait être placé sous la juridiction du droit civil israélien.
Toutefois, les tribunaux militaires israéliens ont une large compétence sur le territoire palestinien occupé et peuvent poursuivre les Palestiniens pour des délits commis non seulement dans le TPO, mais aussi partout ailleurs.
Ainsi, en dépit de l’affirmation d’Israël que Jérusalem Est relève de la « Loi fondamentale » sur Jérusalem de 1980, la compétence des tribunaux militaires peut néanmoins être étendue aux résidents palestiniens de Jérusalem Est si le délit allégué a été commis dans ou a des liens avec la Cisjordanie. La pratique régulière montre que l’accusation n’apporte que très rarement la charge de la preuve d’un tel lien, et que des décisions arbitraires sont toujours prises pour étendre la période d’interrogatoire au maximum, pour permettre la plus grande souplesse aux officiers des Services de la sécurité israélienne (Israeli Security Agency – ISA) sur leur conduite pendant l’interrogatoire et pour réduire les protections légales garantissant le respect des normes internationales pour des procès équitables.
Addameer et Stop the Wall soutient que les distinctions juridiques compliquées entre les résidents de Cisjordanie et de Jérusalem Est dans de telles affaires sont un moyen utilisé par les autorités israéliennes pour accentuer la fragmentation administrative de la population palestinienne et l’« annexion » de Jérusalem Est occupée selon la « Loi fondamentale » sur Jérusalem de 1980, que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a déclaré nulle et non avenue dans sa Résolution 478.
Bien que le service d’interrogatoires de la police affirme avoir reçu autorisation tant du bureau de procureur de Jérusalem que du procureur militaire pour interroger Jamal selon les ordonnances militaires, aucune documentation de cette décision n’a été communiquée à l’avocat de Jamal à ce jour.
Lors de l’audience précédente du 24 décembre 2009 qui a prolongé la détention de Jamal, le procureur militaire a affirmé qu’il avait terminé son interrogatoire individuel de Jamal, mais a demandé, et obtenu, une extension de la détention de Jamal pour permettre une investigation plus large. Jamal a repris cette question à l’audience de lundi, et a précisé à la cour qu’aucun enquêteur ne l’avait approché pendant ses 12 jours supplémentaires de détention, après ses 8 premiers jours en garde à vue au Centre d’Interrogatoire Moskobiyya à Jérusalem, appelé également « Russian Compound ». Sa détention continue et inhumaine n’avait donc rien à voir avec des besoins d’enquête, a-t-il expliqué.
Jamal, qui souffre de problèmes cardiaques, a aussi témoigné devant le juge des conditions inhumaines de sa détention à Moskobiyya. Il a en particulier mis souligné que sa cellule était très humide et qu’il craignait pour sa santé. Jamal a également assimilé le traitement qu’il subit, dont les conditions d’incarcération, sa détention sans charge ni procès, et son uniforme orange, au traitement imposé aux prisonniers détenus par les Etats Unis, dans des circonstances similaires, à Guantanamo Bay, Cuba.
L’officier de police enquêteur représentant le Service de la sécurité israélienne (ISA) n’est pas venu à l’audience de lundi et, en conséquence, le juge n’a pu entendre les raisons de la demande du procureur de l’extension de la détention de Jamal. Néanmoins, le juge militaire Shmuel Fleishman, qui présidait l’audience, a décidé d’un prolongement de la détention de quatre jours, au terme duquel le procureur militaire aurait terminé son enquête. Le Juge Fleishman a fondé sa décision sur une « preuve secrète » remise par l’accusation et les autorités de la sécurité, qui, a-t-il dit, fournissait une raison suffisante pour penser que la libération de Jamal « menacerait l’ordre public ». Cependant, le juge militaire a ordonné qu’un examen médical de Jamal ait lieu dans les 24 heures après l’audience.
Contrairement aux séances précédentes, lors de la séance de lundi, Jamal n’avait pas les yeux bandés, il a donc pu voir les 45-50 observateurs qui remplissaient la petite salle du tribunal. Les observateurs, dont l’épouse de Jamal, des médias arabes et internationaux, trois consulats de différents pays européens à Jérusalem, et la Coalition Habitat International.
Un quatrième représentant consulaire n’a pu entrer parce qu’il est arrivé après le début de l’audience. Pendant qu’il s’est adressé à la cour pour demander la fin de sa détention, Jamal a également exhorté les défenseurs palestiniens des droits de l’homme à ne pas se laisser dissuader par la campagne d’arrestation d’Israël et à continuer leurs protestations légitimes contre le mur d’annexion et le régime illégal qui lui est associé.
Tant Addameer que Stop the Wall pensent qu’étant donné les exemples antérieurs de telles affaires dans les tribunaux militaires israéliens, il est vraisemblable qu’un prétexte de pure forme servira de motif à une nouvelle prolongation de la détention de Jamal lors de la prochaine audience, prévue le 7 janvier 2010.
Par ordre d’un juge militaire israélien, les détenus politiques palestiniens peuvent être détenus sans charge pour une première période allant jusqu’à 90 jours. Cette période peut être prolongée par une autre période allant jusqu’à 90 jours, sur demande du Conseiller juridique de secteur pour le territoire palestinien occupé, via un ordre émanant de la Cour militaire d’Appels.
De plus, Addameer et Stop the Wall observent que Jamal Juma’ n’est que le dernier d’une série de détenus arbitraires dans une vague récente d’actions policières israéliennes visant apparemment à réprimer les défenseurs des droits de l’homme à Jérusalem occupée et en Cisjordanie. Défenseur très actif des droits palestiniens, Jamal est le coordinateur de la campagne Stop the Wall et membre fondateur de plusieurs réseaux et ONG de la société civile palestinienne, tels les Palestinian Agricultural Relief Committees. L’objectif du travail de Jamal est de mettre fin aux violations associées au Mur d’annexion construit par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem, qui implique la défense des droits de l’homme à une habitation et à la terre, la liberté de mouvement, les moyens d’existence, la liberté d’expression, de réunion pacifique, un travail décent, dans un contexte de déplacements continus, de manipulation démographique et de transfert de population. Il n’a jamais été accusé ni condamné pour la moindre infraction.
Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
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