Palestine - 12-07-2009 |
Par Jamalat Abou Youssef
Séminaire organisé par le conseil scientifique d’Attac, Paris, le 20 juin 2009.
Barack Obama, dans son célèbre discours au Caire à l'adresse du monde arabe et musulman, a parlé des droits de la femme et a affirmé la nécessité de respecter ces droits. C’était sa manière de dire que le gouvernement des USA n’avait aucune responsabilité dans la situation d’oppression que vivent les femmes dans le monde arabe et islamique. Obama a aussi réaffirmé la prétention américaine à justifier les guerres d'agression dans les pays arabes et islamiques au travers de la mise en œuvre du projet de nouveau Moyen-Orient.
En Palestine, la mise en œuvre de ce projet a commencé par la signature de l'accord d'Oslo, ce « projet de paix » qui a été fixé par les Etats-Unis.
Après cet accord, on a vu se développer les guerres dans la région : en Afghanistan, en Irak, en Somalie, au Soudan, etc.
L’accord d'Oslo, qui a été appelé à tort « un accord de paix », a été un processus systématique de destruction du potentiel de résistance de la communauté palestinienne en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, en prélude à la liquidation de la question palestinienne en tant que projet de libération nationale. Il s’agissait de supprimer les droits nationaux des Palestiniens, en particulier le droit au retour des réfugiés palestiniens.
La responsabilité d’incarner le projet de la résistance palestinienne a été transférée de l’OLP à la soi-disant « Autorité palestinienne », qui n’est en réalité que le faible instrument d’une autonomie administrative à l’intérieur de zones dont elle n’a même pas le contrôle et qui n’existe que grâce au financement des gouvernements européens.
Cette Autorité est au service de l'entreprise coloniale menée par les États-Unis.
Certes le Fatah avait une influence dominante au sein de l’OLP, mais il existait d'autres factions, se qualifiant elles-mêmes de « factions de gauche ». Elles ont aussi joué un rôle dans la mise en oeuvre de ce projet qui a impacté la structure socio-politique de la société palestinienne. Elles ont accepté d’entrer volontairement dans le piège d'Oslo, elles se sont impliquées dans le développement de ce qu’on appelle le phénomène des organisations non gouvernementales qui sont également financées principalement par des gouvernements ou des agences gouvernementales de l'ouest.
Et, bien évidemment, ceci a concerné aussi les organisations de femmes.
Les organisations de femmes palestiniennes ne viennent pas de nulle part.
L'expérience a commencé par une recherche progressive des femmes palestiniennes à trouver leur chemin dans les sociétés de Cisjordanie et de Gaza.
Lors de la 1ère Intifada, les femmes ont commencé à être collectivement une partie de la résistance politique au projet sioniste.
La société palestinienne, comme toutes les communautés dans le monde, est une société de domination masculine.
L'émergence des femmes dans la résistance est en soi un défi à cette communauté, comme il l'a été pour les femmes palestiniennes combattant sur les deux fronts : celui de l'occupation israélienne et celui de l'autorité patriarcale, dans la famille et dans toute la société.
Même dans les partis politiques, une large participation des femmes dans la lutte et la résistance a également révélé des attitudes réactionnaires dans toutes les organisations politiques, y compris les organisations palestiniennes de gauche.
Pendant la première Intifada, des militantes palestiniennes ont lancé le débat sur les priorités.
Est-ce que, dans la phase actuelle, la lutte nationale est la priorité, comme cela a été l'approche des nombreuses factions de l'OLP, ou est-ce que la lutte nationale et la lutte sociale pour l’égalité sont intimement liées entre elles et ne peuvent pas être séparées ?
Avant la signature de l'accord d'Oslo, l'état de la controverse était arrivé à la conclusion de la nécessité d'établir un lien entre la lutte contre l’occupant et la lutte sociale pour les droits des femmes. La résistance devait être un facteur de rééquilibrage des pouvoirs dans la société palestinienne, en faveur des femmes et de leurs droits individuels et collectifs, de leur recherche d'égalité. On ne devait pas séparer la lutte pour la libération nationale et la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes, pour une libération des femmes partie intégrante de la lutte contre la colonisation et pour la libération nationale.
Le dispositif de la « paix d’Oslo » s’est traduit pour les femmes palestiniennes par la destruction du lien entre lutte pour les droits des femmes et lutte pour la libération nationale.
L’action collective militante des femmes pour obtenir leurs droits, dans la dynamique de la lutte contre l’occupation coloniale, a été remplacée par des projets financés destinés à attirer la majorité des femmes militantes engagées dans la lutte. On a vu se multiplier des projets tels que « l'éducation civique, la notion de citoyenneté, les droits de l'homme, la participation des femmes à la prise de décision, » etc.
Vivant en Palestine occupée où les droits des Palestiniens sont violés à chaque instant, avons-nous besoin de prendre des leçons sur les droits de l'homme ?
Et quel est le sens d’enseigner aux femmes palestiniennes « la participation à la prise de décision » quand celles-ci sont parfaitement conscientes de vivre sous la menace de bombardements, en état de siège, contrôlées en permanence par l’armée israélienne lors de leurs déplacements ?
Quelle est la place pour « la décision des femmes palestiniennes » dans une situation d’occupation coloniale, où même l’autorité palestinienne mise en place par les accords d’Oslo est placée sous le contrôle du général américain Dayton ?
Devons-nous nous assimiler aux soldates israéliennes qui nous oppriment ou devons-nous rester nous-mêmes ?
Le projet d’Oslo n’est pas un échec et n'est pas terminé, mais il continue jusqu'à son objectif de liquidation du peuple palestinien.
À une époque où l'OLP a renoncé à la résistance, le Hamas a pu réaliser de grands avancées dans la communauté palestinienne grâce à sa résistance à l'occupation. Dans ces conditions, le Hamas est apparu comme une alternative pour la résistance populaire, une alternative à ces dirigeants et ces factions de l’OLP qui ont non seulement abandonné la résistance, mais qui sont passés de l’autre côté de la barricade en réprimant les Palestiniens qui résistent encore, comme on a pu le voir il y a quelques temps à Qalqiliya.
Les femmes du Hamas ne sont pas préoccupées et ne s’opposent pas à la domination masculine dans le Hamas. Cette organisation compte dans ses rangs une forte proportion de femmes, certaines d'entre elles occupent des postes importants dans l'organisation, notamment dans la prise de décision, à l'exception peut-être de la résistance armée, en raison de plusieurs facteurs et notamment de l'expérience négative des femmes de l’OLP engagées dans la résistance. L’OLP n’a alors organisé aucune protection des militantes engagées dans la lutte et qui ont été victimes des comportements réactionnaires et des attitudes sexistes et oppressives de certains chefs traditionnels des factions politiques.
Après cette expérience, le Hamas a pu considérer et proclamer qu’en séparant les femmes, il les protégeait de tels comportements.
Le Hamas a aussi été capable de développer la participation des femmes à la lutte. On peut prendre pour exemple l’action développée dans la ville de Beit Hanoun il y a un peu plus d’un an, quand les femmes ont appelé à la mobilisation et se sont rendues par centaines sur place pour protéger de leur corps des combattants armés cernés par l’armée israélienne.
Ces femmes montrent qu’elles ne sont pas intéressées par les questions de pouvoir qui mobilisent l’élite de Ramallah, ces femmes qui ne cherchent rien tant qu’une rencontre ou une photo en compagnie de Madame Rice ou de Madame Clinton !
Et pourtant ce sont elles qui, du point de vue du droit des femmes, jouent un rôle positif, car il restaure la place des femmes dans la lutte nationale et dans la communauté.
Ce n’est pas seulement le discours religieux du Hamas qui a conduit à l'augmentation du port du hijab. On doit comprendre que la montée de la religion en Palestine est d’abord la recherche de solutions susceptibles de rétablir un certain équilibre, après le chaos et la destruction de la société palestinienne par le projet d’Oslo.
Cette défaite est inévitablement liée à la faillite du « projet laïque » de l’OLP.
Le fait que de plus en plus de femmes portent le foulard en Palestine n'est pas la seule expression de la forte baisse de leurs droits spécifiques de femmes. C’est aussi une conséquence de la dégradation de la situation des femmes au sein d’une société qui est devenue de plus en plus pauvre et qui subit en permanence les assauts de l’occupation et du blocus qui visent à briser sa capacité de résistance.
Oslo a contribué à détruire les relations collectives issues de la première Intifada et les a remplacées par les relations de clans et de tribus qui produisent un type de dirigeant particulier, exprimant la haine des femmes et notamment des femmes pauvres issues des classes populaires. Dès lors, la solution pour elles, pour être protégées, c’est de « se déguiser » et notamment de cacher leur tête pour sortir et pour être plus « libre » !
C’est ça aussi les résultats de la politique de l’autorité « laïque » de Ramallah !
17 ans après les accords d’Oslo, la Peuple palestinien est toujours dispersé, la population de Cisjordanie et de Gaza vit en état de siège permanent, subit l’Apartheid, la colonisation intensive et l’emprisonnement de plus de 11.000 des siens.
Le territoire est détruit, notamment son agriculture, et la population survit dans la dépendance d’une aide internationale de plus en plus conditionnée à un renoncement à ses droits, et notamment le droit au retour des réfugiés.
Le peuple palestinien est aujourd’hui dans une impasse.
Si l’Autorité palestinienne issue d’Oslo et contrôlée par Dayton s’efforce d’en tirer profit, d’autres, notamment les militants des forces islamiques, tentent de trouver une issue en proposant des solutions issues du passé, croyant peut-être ainsi rétablir l’équilibre d’une société confrontée à l’oppression coloniale et à la destruction.
Ces tentatives réussiront-elles ?
Verra-t-on émerger une alternative porteuse d’un nouveau projet de résistance, qui donnera leur place aux femmes dans leur lutte contre les discriminations et pour l’égalité de leurs droits ?
Il est aujourd’hui trop tôt pour répondre et on doit comprendre que les conditions actuelles d’existence de la population ne sont guère favorables à l’émergence de solutions politiques construites et débattues par les militants et les militantes palestiniens.
Certes, elles et eux seulement seront en mesure de trouver les réponses.
Mais le mouvement de solidarité a aussi des responsabilités.
Face à l’offensive permanente de nettoyage ethnique, face à l’apartheid qui se développe, il est urgent d’affaiblir l’Etat d’Israël par la campagne de boycott, par la défense intransigeante des droits nationaux du peuple palestinien, dont le plus important est le droit au retour des réfugiés et par un soutien sans réserves à sa résistance, sous toutes ses formes.
Certains s’obstinent dans l’idée que la solution résiderait dans le soutien à « la paix entre les deux peuples ». Le soutien à la lutte du peuple opprimé laisse alors place à un soutien à un « processus de paix » qui n’en finit pas.
Mais il n’y a pas de paix possible avec un Etat et une idéologie fondés sur la destruction du Peuple palestinien.
L’Etat israélien ne ferme pas les prisons. Au contraire, il les agrandit pour accueillir toujours plus de prisonniers, et notamment de militants qui refusent de céder.
En ce moment, dans le silence international et avec la complicité même de l’Autorité de Ramallah, Ahmed Saadat, secrétaire général du FPLP, est en train d’être liquidé.
Les dizaines de femmes militantes emprisonnées attendent en vain la mobilisation solidaire des femmes et notamment des féministes qui semblent plus facilement motivées par d’autres causes.
Quant à la population de la bande de Gaza, elle subit de la part des Israéliens un siège impitoyable auquel collaborent l’autorité de Abbas et Fayyad, le régime égyptien et la Communauté européenne.
Là aussi il est urgent d’exiger la fin du blocus et de dénoncer le rôle des gouvernements européens, dont celui de la France.