dimanche 28 juin 2009 - 04h:36
Mel Frykberg
The Electronic Intifada
Dans un rapport, le Comité public contre la torture en Israël a accusé les forces de sécurité israéliennes de mettre aux fers les prisonniers palestiniens d’une manière douloureuse et dangereuse, ce qui correspond à une forme de torture.
Le rapport, L’enchaînement, une forme de torture et de maltraitance, qui se fonde sur les témoignages de plus de 500 prisonniers, a été réalisé en prévision de la Journée internationale des Nations Unies de soutien aux victimes de la torture, le vendredi 26 juin.
Il fait suite à un précédent rapport publié en mai par le Comité des Nations Unies contre la torture qui critiquait la maltraitance continue des prisonniers palestiniens par Israël.
Le rapport des Nations Unies a condamné le refus d’Israël d’autoriser l’accès à un centre de détention secret connu uniquement sous le nom de Centre 1391.
Le rapport du Comité public contre la torture en Israël (PCATI) stipule que différentes agences de sécurité d’Israël, surtout l’armée israélienne et les Services généraux de sécurité (GSS), connus aussi sous le nom de Agence israélienne de sécurité (ISA), enchaînent les prisonniers palestiniens en violation des normes internationales admises.
La mise aux fers n’est pas pratiquée dans l’optique de limiter les tentatives d’évasion, ou d’empêcher un prisonnier de s’échapper ou de représenter un danger, dit le PCATI.
« L’enchaînement est utilisé sans raisons valables et hors de propos, et consiste notamment à infliger des douleurs et de la souffrance, à punir, à intimider et à soutirer illégalement des informations et des aveux, en violation du droit national, des décisions de la Haute Cour de Justice et du droit international, » indique le rapport.
Certains de ces prisonniers mis aux fers ont subi des dommages définitifs à leurs membres - et des organisations de défense des droits de l’homme affirment que l’enchaînement n’est que l’une des formes habituelles de torture infligées aux prisonniers palestiniens.
L’organisation israélienne de défense des droits de l’homme, B’Tselem, dans son rapport de 2007, Interdiction absolue, torture et maltraitance sur les prisonniers palestiniens posait cette question, « L’Etat d’Israël respecte-t-il l’interdiction absolue de la torture et de mauvais traitements ? La réponse à cette question semble être non ».
« Au cours des dernières années, Israël a reconnu officiellement plusieurs fois que dans des cas de « bombe amorcée » [ticking-bomb,... risque de bombe - ndt], les interrogateurs de l’ISA ont employé des méthodes « exceptionnelles » d’interrogatoire, incluant des « pressions physiques ».
Le PCATI et d’autres organisations de défense des droits ont saisi avec succès la Haute Cour de Justice israélienne en 1999, demandant que certaines formes d’abus physiques soient proscrites. Cela incluait l’enchaînement abusif, les passages à tabac et les trépidations, recouvrir la tête des prisonniers avec des capuchons, les enduire d’excréments, leur faire subir des variations extrêmes de température, les attacher sur des chaises en des positions douloureuses, entre autres méthodes.
Une exception était faite en cas de « bombe amorcée », tel qu’avec des kamikazes potentiels. « Le problème, cependant, c’est que les interrogateurs se sont donné beaucoup de marge de manœuvre pour interpréter ce qui constitue un cas de "bombe amorcée", » dit Yohav Loef, de l’organisation PCATI.
« Les tribunaux tendent à accepter l’interprétation des interrogateurs et leur façon d’appliquer l’exception permettant l’usage de la force, plus que celle des détenus palestiniens, » dit Loef à IPS.
Wassam Ahmed, de l’organisation des droits humains Al-Haq est d’accord avec Loef. « La torture et les mauvais traitements contre les Palestiniens tant par les soldats israéliens lors des arrestations que par les agents qui interrogent sont monnaie courante. »
« En fait, les tribunaux israéliens ont entériné les mauvais traitements sur ces détenus en laissant une telle marge à l’interprétation du concept de "bombe amorcée". C’est l’exception qui est devenue la règle, » dit Ahmed à IPS.
« Toutes les investigations sur les abus de traitements allégués par des prisonniers sont effectuées par les services de sécurité eux-mêmes, même pas une enquête indépendante, » ajoute-t-il.
Avant la saisine de la Cour par le PCATI en 1999, la Commission Landau de 1987 avait été désignée pour examiner les méthodes d’interrogatoire de l’ISA. La commission a rédigé un rapport en deux parties plusieurs mois plus tard, mais seule la première partie a été rendue publique. « De toute évidence, ils avaient des choses à cacher. Le bilan tiré du rapport était que différentes méthodes de ‘pressions physiques’ étaient autorisées, » indique Loef à IPS.
Pendant ce temps, au début du mois de mai, le Comité des Nations Unies contre la torture a fait des auditions à Genève pour réexaminer si Israël se conformait à la Convention contre la torture (CAT). Dix experts indépendants de la Commission ont déclaré crédibles les rapports des organisations israéliennes selon lesquels les détenus palestiniens étaient systématiquement torturés en dépit de l’interdiction par la Cour suprême israélienne en 1999.
Le Comité a également critiqué le refus d’Israël de laisser la Croix-Rouge accéder au Centre 1391 tenu secret, surnommé le « Guantanamo Bay secret » d’Israël.
Le Centre 1391, un bunker presque entièrement souterrain à quelque cent kilomètres au nord de Jérusalem, sert à l’interrogatoire des musulmans non palestiniens et des prisonniers arabes des pays voisins.
De hauts responsables du Hezbollah, qui avaient été enlevés durant les années 80 au Liban par l’armée israélienne, ont été détenus dans ce centre pendant des années, de même que des prisonniers libanais de la guerre israélienne de 2006 au Liban.
Les méthodes d’interrogatoire pratiquées par l’armée israélienne au 1391 seraient de loin plus dures que celles utilisées par l’ISA dans ses centres de détention pour les Palestiniens.
L’installation fut incidemment découverte en 2002 par l’organisation israélienne des droits de l’homme Hamoked, alors qu’elle essayait de retrouver deux prisonniers palestiniens disparus de Cisjordanie et dont les familles avaient signalé la disparition. En raison de la surpopulation des installations pénitentiaires où les Palestiniens sont normalement détenus, les deux Palestiniens avaient été envoyés au Centre 1391.
Il était resté secret jusqu’en 2002 parce que les familles des Arabes des pays alentours n’ont pas les mêmes moyens pour retrouver les membres de leur famille que les Palestiniens peuvent le faire avec la Croix-Rouge, pour retrouver les leurs dans les autres centres.
Israël a refusé de donner le lieu exact du Centre 1391, et il a nié devant le Comité des Nations Unies que des prisonniers y seraient détenus.
Inter Press Service - 26 juin 2009, Ramallah, Cisjordanie occupée - The Electronic Intifada