« La normalisation d’Israël, – normaliser l’anormal – est un
processus nuisible et subversif qui s’acharne à camoufler l’injustice
et à coloniser la partie la plus intime de l’opprimé : son esprit.
S’impliquer dans ou avec des organismes qui servent cet objectif est
donc une des premières cibles du boycott, et une action que les
partisans de BDS doivent combattre ensemble. » (PACBI Octobre 2011)[1]
- Protestations au moment de la projection du film ’Dancing in Jaffa’. Les propagandistes pro-israéliens en sont réduits à se faire protéger par les flics de Valls... C’est vraiment minable...
Le 6 octobre 2014, une soixantaine de membres de plusieurs comités
BDS France des départements du Gard et de l’Hérault ainsi que des
militants BDS de la Région et du Vaucluse ont mené, en soirée, une
action de boycott culturel contre Israël, à Carpentras, à l’occasion du
4ème Festival du Film Israélien organisé par l’association
« Laissez-passer », qui inaugurait au cinéma le Rivoli, ce soir là le
Festival, avec le maire PS ( Michel Adolphe) son invité d’honneur : le
consul général d’Israël (Barnea Hassid) et la réalisatrice de Dancing in
Jaffa (Hilla Medalia).
UN FESTIVAL DE PROPAGANDE ISRAÉLIENNE :
Des organisateurs ouvertement pro-israéliens :
« Laissez-passer » qui est quasi exclusivement sponsorisée par les
associations communautaires juives sous la houlette du CRIF et le
Consulat Général d’Israël de Marseille, se présente comme un groupe « de
passionnés par le cinéma israélien » où « tous les sujets sont abordés
sans tabous » et admiratif de l’état israélien où : « Aucune censure
cinématographique n’est appliquée ». Leur objectif est clairement
annoncé : « Dans leur liberté de paroles, les productions du cinéma
israélien servent de passerelles pour engager des échanges et le
dialogue avec les spectateurs ignorant le vécu quotidien des
israéliens. » Sans doute pensent-ils que ce « vécu quotidien » saura
démentir la « désinformation » mondiale qui présente Israël comme un
pays colonial, d’apartheid coupable de nombreux crimes de guerre et de
multiples violations du droit contre le peuple Palestinien.
Le nom de l’association « Laissez-passer » témoigne avec cynisme de
l’ignorance voire de la négation de l’existence du peuple palestinien
pour qui les « laissez-passer », sont un des éléments clé du système
d’apartheid et d’occupation militaire permanent aussi bien en
Cisjordanie que dans la Bande de Gaza sous blocus total depuis 8 ans et
sans aucun laissez-passer pour nulle part !
Le cinéma comme outil d’une propagande politique à combattre :
Eyal Sivan un réalisateur israélien indépendant qui a toujours refusé
un centime de shekel d’Israël, déclare : « Le cinéma israélien a été
clairement désigné par les autorités israéliennes comme un produit
d’exportation dans lequel il vaut la peine d’investir : Limor Livnat,
ministre de la culture israélienne, ne cesse de le répéter : « Le cinéma
israélien prouve à chaque fois que la culture est la meilleure
ambassadrice de l’Etat » (…) Les détracteurs diront que la promotion par
les autorités israéliennes d’un cinéma qui peut être considéré comme
critique est un signe de santé démocratique[2]. (…) Il s’agit
naturellement de maintenir l’illusion démocratique, alors que le régime
d’apartheid dans les territoires occupés par Israël prive plus de trois
millions de personnes d’accès à la culture et à l’éducation, et cela
depuis plusieurs dizaines d’années. »
La présence du Consul Général d’Israël, qui court les festivals pour
soutenir les productions israéliennes et vendre Israël, atteste de la
volonté politique de diffuser une image mystificatrice d’Israël.
Là-bas et ici, une double opération de « normalisation » à combattre :
Ce film reprend un thème maintes fois traité dont l’idéologie est
porteuse des illusions trompeuses des accords d’Oslo. La culture est le
terrain privilégié de ces expériences où on réunit palestiniens et
israéliens, musulmans et juifs, adultes ou enfants, dans une activité
commune en faisant abstraction du contexte réel. Les auteurs prétendent
ainsi montrer qu’en « oubliant » ce qu’ils appellent le « conflit »,
palestiniens et israéliens sont capables (grande découverte !) de tisser
des relations normales de sympathie, d’amitié etc. Le message est qu’il
serait tellement plus simple et plus agréable pour les deux parties de
laisser de côté les assassinats, la colonisation, l’apartheid, les
emprisonnements, le blocus etc. tout comme les « roquettes du Hamas » et
les attentats suicides (quand il y en avait) etc. et avoir des
relations humaines « normales » comme si rien n’était. Evidemment ces
idées géniales sont toujours le fait d’Israéliens ([3]) ou d’étrangers
« bien intentionnés » convaincus de leur supériorité de jugement
occidental …
Un des derniers films de ce type est « D’une seule voix » où un
français organise une tournée de musiciens israéliens et palestiniens en
France et filme les péripéties… On y voit malgré tout comment les
Palestiniens sont contraints d’étouffer leur identité nationale
palestinienne…
La réalisatrice de « Dancing Jaffa » est plus habile (perverse ?)
puisque elle a demandé à un danseur de salon d’origine palestinienne par
sa mère et né en 1944 en Palestine, à Jaffa et parti en 1948 ( ?), de
tenir son propre rôle et de faire « danser ensemble » des enfants
israéliens et palestiniens. C’est donc un palestinien d’Israël qui est
mis en position d’initier cette opération de « normalisation » et c’est
lui qui a servi de bouclier pour la défense du film. Quand nous sommes
intervenus pour dénoncer la présence du consul, la réalisatrice qui ne
parle pas français mais qui a vu nos tee-shirts et compris le sens de
l’intervention, a immédiatement pris le micro pour dire que le
personnage central du film était un palestinien, comme si cela suffisait
faire taire toute critique à l’égard d’Israël.
Ce faisant elle a montré de façon éclatante comment la
« normalisation » qui établit une (fausse) égalité, une (fausse)
symétrie entre palestiniens et israéliens est une méthode pour protéger
Israël des crimes et des violations du droit. La présence palestinienne y
est utilisée pour protéger Israël et se retourne contre les
palestiniens eux-mêmes. Comme par hasard il y avait un prétendu
Palestinien dans la salle, venu de Rafah , qui avait perdu dix personnes
et qui soutenait l’événement (voir en annexe le message de la
réalisatrice sur la page FB du film).
Ce n’est pas un hasard si ce film a été choisi pour l’inauguration en
présence du Consul. Il reflète parfaitement la propagande déversée par
Israël en Europe depuis les accords d’Oslo : « Nous voulons la paix,
nous sommes pour le dialogue et ce film est un exemple de dialogue que
nous encourageons et qui nous permettrait de mieux se connaître » Voilà
en substance ce qu’à dit le consul d’Israël de sa voix sirupeuse, une
caricature de diplomate. A quoi nous lui avons répondu qu’il aurait dû
envoyer des enfants israéliens à Gaza pour danser avec les enfants
palestiniens au lieu d’envoyer les bombes et massacrer 570 enfants
palestiniens !
Voici ce que le PACBI ([4] association Palestinienne pour le boycott
culturel et universitaire d’Israël) déclare au sujet de ce prétendu
« dialogue » :
Dans tous ces contextes, le « dialogue » et l’engagement sont souvent
présentés comme des alternatives au boycott. Le dialogue, s’il survient
en dehors du cadre de résistance que nous avons souligné, devient un
dialogue pour le dialogue, et c’est une forme de normalisation qui
entrave la lutte pour mettre fin à l’injustice.
Le dialogue, les processus de « guérison » et de « réconciliation »
qui ne visent pas à mettre fin à l’oppression, indépendamment des
intentions qui les sous-tendent, servent à privilégier la coexistence
oppressive au détriment de la co-résistance, car ils présument de la
possibilité de coexistence avant l’obtention de la justice.
L’exemple de l’Afrique du Sud éclaire parfaitement ce point, où la
réconciliation, le dialogue et le pardon sont venus après la fin de
l’apartheid, et pas avant, indépendamment des questions légitimes
soulevées par la persistance de ce que certains ont appelé « l’apartheid
économique ».
Notes :
[2] C’est exactement le message de propagande diffusé par « Laissez-passer ».
[3] Même si certains palestiniens tombent parfois naïvement dans le panneau.
[4] (PACBI) Association Palestinienne pour le boycott culturel et
universitaire d’Israël. Le PACBI est une des associations à l’initiative
de l’appel de 2005.