L’opinion
internationale est en train de changer à propos du siège de Gaza. De
plus en plus de dirigeants s’interrogent publiquement sur la rationalité
de resserrer le blocus de bande de Gaza jusqu’au point où celle-ci
explose. C’est ce que l’on peut comprendre de la déclaration du
président américain Barack Obama jeudi, lorsqu’il dit « qu’à long terme,
il doit y avoir une reconnaissance du fait que Gaza ne peut pas se
maintenir indéfiniment coupé du reste du monde ». Il en est de même de
la position de l’Union européenne.
C’est la demande centrale d’une délégation palestinienne unifiée au
Caire en ce moment : après tout le sang versé lors du premier tour des
hostilités, il est exclu que bande de Gaza revienne au statu quo. Mais
ce n’est pas un point de vue partagé par l’un des voisins de Gaza. En
effet, il peut être utile de se demander qui est le plus grand obstacle
dans les négociations de cette semaine : Israël ou l’Égypte ? La réponse
n’est pas évidente.
Des sources palestiniennes aux pourparlers du Caire ont déclaré que
les responsables égyptiens ont catégoriquement rejeté la formule « la
levée du siège » dans le projet d’accord de trêve. Les mêmes sources ont
indiqué que l’Égypte a refusé de transmettre à la délégation
israélienne la demande palestinienne pour l’ouverture d’un port à Gaza.
Le vendredi matin, la délégation du Hamas a demandé aux responsables
égyptiens de solliciter un accord israélien de principe pour mettre fin à
la fermeture des frontières et permettre la reconstruction de Gaza, en
échange de l’extension de la trêve. Les responsables égyptiens ont
prétendu que Israël avait refusé. D’un autre côté, il a été dit que
Israël avait offert de faciliter le siège mais que le Hamas avait
refusé... Allez comprendre.
Dès le début, Israël et l’Égypte ont lié la fin du siège à la
démilitarisation du Hamas et de toutes les factions armées à Gaza.
C’était comme demander aux combattants qui avaient, à leurs yeux,
résisté le mois dernier avec succès à une force militaire écrasante et
largement supérieure, de se lier les mains, de rendre leurs armes et
d’abandonner le combat.
La première initiative égyptienne pour un cessez-le-feu avait été
élaborée dans les conditions qu’il fallait pour être rejetée, et elle
n’avait même pas été présentée au Hamas avant d’être rendue publique. La
résistance palestinienne n’a depuis pas bougé de ses positions. Abu
Ubaydeh, le porte-parole des Brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche
armée du Hamas, a été encore plus clair jeudi soir : « Si nos demandes
ne sont pas satisfaites, y compris la création d’un port maritime, les
négociateurs doivent se retirer des négociations et mettre fin à cette
plaisanterie. »
Ce qui est clair à cette lecture, c’est que les responsables
égyptiens et israéliens travaillent main dans la main. L’Amérique a
toujours été accusée d’avoir un comportement biaisé dans le processus de
paix, mais la collusion de l’Égypte avec Israël est encore plus claire
et plus grossière dans les pourparlers du Caire.
Dès le premier jour, Abdel Fattah al-Sisi a surpris les responsables
israéliens par son obsession anti-Hamas. Comme le Wall Street Journal le
rapporte, quand Sisi a fermé presque tous les tunnels et n’a rien fait
pour assouplir le passage de fournitures par la voie terrestre, certains
responsables israéliens ont commencé à tirer la sonnette d’alarme au
sujet de la dureté des initiatives du Caire.
« Ils sont été fait en train d’étouffer Gaza à l’excès », a dit le
WSJ, citant les paroles d’un responsable israélien. À défaut d’autre
chose, Israël a appris au cours des huit dernières années la façon de
serrer le nœud coulant placé autour du cou de la bande de Gaza, et à
présent, un nouveau converti à la cause du blocus serre trop fort et
trop vite.
Maintenant, pensez à l’homme qui dirige « les négociateurs »
égyptiens dans les pourparlers. Le dossier palestinien a toujours été
entre les mains des services de renseignement général (SIG). Une des
premières choses que le responsable adjoint des Frères musulmans,
Khairat el-Shater m’a dit quand Mohamed Morsi est arrivé au pouvoir,
c’est que le SIG resterait le relais principal dans les relations avec
Israël.
Ce fut l’une des raisons pour lesquelles une des premières
initiatives de Sisi après son coup d’État militaire a été de reprendre
en main le SIG et d’imposer à sa tête son homme de main, en réalité
plutôt son mentor, le général Mohamed Farid El-Tohamy. En effet, le coup
d’État militaire avait été précédé d’une lutte intense entre le
renseignement militaire, dirigé par Sisi sous Morsi, et le renseignement
général.
Qui a rencontré les délégations palestinienne et israélienne ?
Tohamy. Qui est derrière ce que certains à Washington considèrent comme
une théorie du complot, à savoir que le Hamas menace l’État égyptien ?
Tohamy. Qui a encouragé Sisi à devenir candidat à la présidence ?
Tohamy.
Cette situation fait la différence avec les précédents cycles de
combats entre Israël et le Hamas. Israël a trouvé un partenaire si zélé
en Égypte qu’il peut se permettre d’ignorer les signaux en provenance de
Washington lui demandant de se réfréner. Mais il a peut-être trouvé un
partenaire qui en fait trop, et une voie plus avisée serait maintenant
des négociations directes en Israël et le Hamas.
Israël et les intérêts stratégiques de l’Égypte sont différents.
Israël veut juste la fin des tirs de roquettes et le contrôle des
tunnels. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu connait les
limites de ce qui est militairement acceptable et il l’a expliqué dans
une réunion du cabinet de quatre heures samedi dernier. Il faudrait des
semaines, voire des mois de guerre urbaine dans le centre de la ville de
Gaza, des dizaines de milliers de victimes civiles et des centaines de
victimes dans l’armée israélienne. Et à l’issue de cette guerre, Israël
se retrouverait à nouveau en charge de la population de Gaza.
Comme le Shin Bet le reconnaît lui-même, le Hamas a maintenu la paix
pendant plus d’un an après l’accord de cessez-le feu négocié par Morsi
en novembre 2012. Au cours des trois premiers mois, le Shin Bet a
enregistré une seule attaque : deux tirs de mortier en provenance de
Gaza. Et l’année 2013, a été la plus calme de toutes depuis 2003,
lorsque les premières roquettes artisanales ont été tirées.
Il n’y a aucune raison pour que Gaza ne retourne pas à cette
accalmie, si Israël applique la promesse faite [en novembre 2012] de
lever le siège. En effet avec un gouvernement d’unité dans la bande de
Gaza et l’Autorité palestinienne gérant les passages frontaliers de
Gaza, il y a tout lieu de s’attendre à ce qu’un accord soit applicable.
L’état-major israélien, qui reste la source la plus pragmatique de la
formulation des politiques, doit comprendre qu’après avoir échoué dans
l’option d’évincer le Hamas de Gaza, le seul autre choix reste la
négociation. Mais la première des conditions, c’est de rouvrir les
frontières.
En Égypte, un tel pragmatisme est loin d’être évident. Sisi et Tohami
n’ont rien à gagner à la normalisation des relations avec le Hamas et
plutôt beaucoup à perdre. La seule politique que connait Sisi, c’est
d’écraser son ennemi mortel, les Frères musulmans et son organisation
sœur du Hamas.
Pour le Hamas et les autres groupes de la résistance dans Gaza, la
situation est claire : ils sont confiants dans leur capacité à
poursuivre le combat. Ils ont le soutien de la population et ils voient
l’opinion internationale évoluer sur la question du blocus. Ils peuvent
également voir l’hésitation en Israël à l’idée de déclencher une autre
série de blitzkriegcontre Gaza.
Middle East Eye -
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib