Ce 4 août 2014, trente pays ont
répondu à l’invitation de l’Iran à une réunion d’urgence du Mouvement
des Pays Non Alignés au sujet de l’agression israélienne contre la Bande
de Gaza [1]. Le Docteur Fayçal al-Miqdad, vice-ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, présidait la délégation syrienne.
Pour mémoire, voici la traduction du texte intégral de son intervention au nom de la Syrie.
_____________________________________________
Nous exprimons notre reconnaissance à la République Islamique d’Iran, direction et peuple,
pour nous avoir invités à cette importante réunion ministérielle
concernant la catastrophe vécue par Gaza, dans le cadre du « Comité
Palestine » du Mouvement des Pays Non Alignés.
Mesdames et Messieurs, notre réunion
d’aujourd’hui est exceptionnelle à tous points de vue. Comment
pourrait-il en être autrement alors que le monde entier assiste à une
« guerre d’extermination » menée par Israël contre un peuple qui ne
cherche qu’à vivre dans l’honneur et la dignité ? Et comment se
pourrait-il que le Mouvement des Non Alignés qui s’est toujours rangé du
côté des peuples, de leur indépendance et de leur souveraineté, ne
soutienne pas le peuple palestinien qui n’aspire qu’à construire son
État indépendant sur sa terre usurpée par la force des armes, des
tueries et des expulsions israéliennes ?
Cela fait bientôt un mois qu’Israël trempe dans le sang des Palestiniens,
détruisant leurs biens et assassinant, de sang froid, leurs enfants sur
les plages et les cours de récréation des écoles de l’UNRWA [ United
Nations Relief and Works Agency ou Agence des Nations unies pour la
Soutien et le Travail], sans que les responsables onusiens ne se
précipitent pour défendre leurs propres écoles censées soutenir et
trouver du travail aux réfugiés palestiniens.
Des responsables qui se sont si souvent autoproclamés « défenseurs » de
la Charte des Nations Unies, mais qui autorisent Israël à de tels
massacres !
Y’a-t-il encore un espoir de modifier
cette Organisation internationale ? Telle est la question fondamentale
que doit se poser le Mouvement des Non Alignés. Bien que le moment ne se
prête pas à une telle discussion, il n’est pas inutile de rappeler
qu’elle a pour préambule « le maintien de la paix et de la sécurité
internationales… afin de préserver les générations futures du fléau de
la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à
l’humanité d’indicibles souffrances ». Deux guerres mondiales au début
du siècle dernier et une troisième aujourd’hui, menée par Israël avec le
soutien de pays occidentaux
qui se prétendent attachés aux droits humains tout en agissant contre
un peuple qui ne se soucie, comme je viens de le dire, que de protéger
ses enfants et de défendre sa dignité et ses droits.
Monsieur le Président, si d’aucuns
pensent que le massacre qu’Israël a commis et continue de commettre
contre le peuple palestinien de Gaza est venu en réponse à l’assassinat
des trois jeunes colons, ils se trompent. Et si d’autres pensent que les
meurtriers israéliens ont étanché leur soif de sang palestinien, ils se
trompent encore plus. Malgré la couverture des occidentaux et de bien
d’autres, les crimes de guerre
et les crimes contre l’humanité, commis par Israël, resteront à jamais
imprimés dans l’esprit des enfants de Gaza et de toute personne qui
ressent l’humiliation infligée par cet Israël « ensauvagé » au point que
ses dirigeants ne veulent plus voir un enfant palestinien en vie.
Disant cela, je n’exagère pas.
Israël ne considère pas les Palestiniens
comme des êtres humains et les refusent tous. Absolument tous ! Un bon
palestinien est un palestinien dans un cercueil. Rien de plus ! Inutile
de nous fatiguer à analyser. Ce dernier massacre fait de la vérité une
évidence et prouve qu’il ne sera pas le dernier dans le répertoire du
« terrorisme israélien ».
Chers amis, mes chers frères, Israël ne
veut pas la paix. Israël veut la terre arabe et la paix à la fois. Il
veut les terres d’au-delà les territoires arabes occupés. Il veut
soumettre toute cette région à son hégémonie et exploiter ses peuples et ses richesses pour atteindre les objectifs des sionistes et des occidentaux.
Monsieur le Président, tout en
témoignant notre profond respect pour tous ceux qui expriment leur
indignation et ressentent la douleur du peuple palestinien qui résiste
face à ces massacres, nous disons que la cause palestinienne n’est pas
une cause étrangère à la Syrie, mais « la cause centrale » à laquelle
elle croit et pour laquelle elle a consacré une bonne partie de son économie et de sa politique. Si bien que le peuple syrien partage avec le peuple palestinien une même cause et un même destin.
Oui… la cause palestinienne est la cause
centrale et elle doit le rester pour nous tous. Disant « nous », je ne
parle pas de la patrie arabe ni des Pays du Mouvement des Non Alignés,
mais de chaque résistant qui voudrait que ce carnage cesse. Oui… quand
le peuple palestinien subit des agressions d’une telle horreur, « nous
sommes tous des Palestiniens » !
Monsieur le Président, ce n’est un
secret pour personne que tout ce que la Syrie a subi au cours de son
Histoire moderne, notamment ces trois dernières années et demi, n’aurait
pas eu lieu d’être si elle n’avait défendu la cause du peuple
palestinien en empêchant toutes les tentatives régionales ou
internationales visant à liquider la question palestinienne. Une vérité
réaffirmée par le Président Bachar al-Assad lors de son discours
d’investiture le 16 juillet. Je cite :
« … ce qui se passe en Syrie et
dans toute la région est directement en rapport avec la Palestine et ce
qui se passe dans les territoires palestiniens. Dans ce cas précis, se
distancier c’est comme regarder le feu dévorer la maison du voisin sans
rien faire pour l’aider à l’éteindre en pensant être à l’abri, alors
qu’il avance petit à petit.
Par conséquent, ceux qui pensent que
nous pouvons vivre en toute sécurité et nous distancier de la question
palestinienne sont dans l’illusion, car elle restera la question
centrale fondée aussi bien sur nos principes que sur les réalités qui
s’imposent et démontrent l’étroite corrélation entre ce qui se passe en
Syrie et ce qui se passe en Palestine ; d’autant plus que nous
n’ignorons pas l’étroite corrélation entre les politiques
internationales et régionales [notamment des États arabes] quand il
s’agit de notre région » [2].
Monsieur le Président, c’est de sang
froid et en quelques jours qu’Israël a assassiné 1800 enfants, femmes et
personnes âgées en Palestine, alors que le nombre de blessés n’est pas
loin de 10 000. Imaginez ce nombre considérable de tués et de blessés en
seulement quelques jours, alors que beaucoup se sont contentés de
rester spectateurs et que d’autres travaillaient à innocenter Israël
quand ils n’ont pas travaillé à imputer la responsabilité de cette
tragédie aux enfants de la Palestine !
Telle est la dégénérescence de la morale
qui gouverne les relations internationales dans le monde d’aujourd’hui.
Tel est le vrai visage d’Israël qui pratique la terreur en violant
toutes les lois et toutes les valeurs sur lesquelles s’est construite
l’Humanité.
Ceux qui tuent les gens de Gaza sont
ceux-là mêmes qui tuent le peuple syrien et par les mêmes moyens : « le
terrorisme israélien et le terrorisme takfiriste » du dit État Islamique
en Irak et au Levant ou Daech, de Jabhat al-Nosra, et des centaines de
divisions et de brigades qui reçoivent leurs ordres d’Israël et de
certains pays occidentaux dont la France, la Grande Bretagne et les
États-Unis. Ces mêmes États qui couvrent au Conseil de sécurité le
massacre du peuple palestinien et tous les crimes d’Israël contre la
Palestine. Ces mêmes États qui couvrent les attaques invasives de
l’Occident contre les pays en voie de développement sous de faux
prétextes, comme c’est actuellement le cas en Syrie.
Le procédé est toujours le même :
provocation de la discorde et désinformation médiatique à outrance.
Procédé qui a fait que même des pays Non Alignés ont opté pour la
neutralité, privant nos forces de la solidarité nécessaire aux pays qui
subissent ces agressions soutenues par un Occident, lui aussi,
ensauvagé. Un Occident qui confond l’assassin et la victime, couvre les
crimes d’Israël et le dote des armes les plus sophistiquées de l’arsenal
américain, français ou anglais.
Dans quel monde vivons-nous ? Est-ce là
le monde d’une humanité qui a prétendument atteint un haut degré de
civilisation ? Je pense, quant à moi, que l’humanité n’est jamais
descendue aussi bas, même aux époques les plus décadentes. L’histoire
n’a jamais témoigné d’une telle tuerie contre tout un peuple, au vu et
au su du monde entier, sans que personne ne puisse l’arrêter. Que
sommes-nous devenus ?
Nous devons nous poser cette question.
Que sommes-nous devenus pour rester des spectateurs de ce que subit le
peuple palestinien et d’oser exiger des palestiniens un peu de
« retenue » !? Que sommes nous-devenus pour leur demander d’abandonner
leur résistance et d’accepter l’injustice et les massacres d’Israël ?
Chers amis, il est du devoir de notre
Mouvement des Non Alignés créé par des pères fondateurs tels que Gamal
Abdel Nasser, Nehru et Sukarno, de se ranger du côté Palestinien,
conformément à nos valeurs et à nos principes fort éloignés de la
politique des deux poids deux mesures pratiquée par l’Occident. Une
duplicité constatée des centaines de fois à l’égard du droit
international et de la Charte des Nations Unies sous divers prétextes
que nous ne pouvons plus accepter.
Monsieur le Président, la victoire du
peuple palestinien n’est possible que dans le cadre d’une « union
nationale ». Nous sommes plus qu’heureux de voir toutes ses forces
réunies contre l’agression israélienne. Et s’il est vrai que les
catastrophes unissent les peuples, les crimes exterminatoires des
sionistes prouvent au peuple palestinien ainsi qu’à tous les peuples
arabes que, face aux crimes d’Israël, il n’y a pas d’autre alternative
que la Résistance. Faute de quoi, ils finiront par atteindre chacun de
nos foyers, non seulement dans notre région, mais bien au-delà.
Oui, les crimes exterminatoires
sionistes à Gaza ont définitivement prouvé au peuple palestinien ainsi
qu’à tous les peuples arabes qu’il n’y a pas d’autre alternative que de
résister et, surtout, qu’il n’est plus question d’offrir la moindre
concession à cet ennemi qui ne comprend que le langage de la force et du
défi.
Par conséquent, nous ne pouvons qu’exprimer notre gratitude à nos frères dirigeants des États d’Amérique latine,
au Venezuela, en Bolivie, au Chili, en Argentine et au Brésil, qui ont
retiré leurs ambassadeurs d’Israël en protestation contre l’agression
israélienne inhumaine contre Gaza. Nous espérons que tous les pays
exprimeront leur refus d’une telle agression par des dispositions
équivalentes.
Demander l’arrêt des agressions
israéliennes contre les Palestiniens ne suffit plus ! Il faut déférer
les responsables devant les tribunaux internationaux, car ils devront
payer pour leurs crimes. Et, imposer des sanctions
économiques, politiques, et financières à Israël est désormais un
« devoir humanitaire » pour l’empêcher de perpétuer ses crimes contre la
population palestinienne. En tout cas, j’espère que le communiqué final
[3] de cette réunion exceptionnelle reflétera cette nécessité.
Monsieur le Président, le but ultime
d’Israël est de « liquider la question palestinienne » et donc de
liquider le droit au retour de ce peuple vers ses terres, ses villages
et ses champs. Un but qui ne devrait échapper à personne. Il ne faut pas
nous laisser abuser par les apparences. Leur but ultime est
l’extermination du peuple palestinien et le transfert de ce qu’il en
reste vers des foyers d’immigration en Asie, en Afrique, et en Amérique latine.
Par conséquent, tenons-nous tous aux
côtés du peuple palestinien pour qu’il puisse récupérer ses droits
légitimes et édifier son État sur sa terre, avec Jérusalem pour
capitale. Quant à la Syrie, elle continuera à soutenir la résistance de
ce grand peuple jusqu’à ce qu’il puisse atteindre ces objectifs
légitimes quels que soient les sacrifices.
Encore une fois, merci Monsieur le
Président, merci à la République islamique d’Iran pour son soutien au
peuple palestinien et à son admirable résistance. Merci à vous tous.
Dr Fayçal al-Miqdad
Vice-ministre syrien des Affaires étrangères et des Expatriés
04/08/2014Source : Vidéo YouYube / Tv Syrienne : Al-Ikhbariya
Notes :
[1] Résumé des interventions des pays participants :
http://www.sana.sy/fr/?p=7553
[2] Discours d’investiture du Président Bachar al-Assad
http://www.mondialisation.ca/texte-integral-du-discours-dinvestiture-du-president-bachar-al-assad/5392232
[3] Communiqué publié au terme de la réunion
http://www.sana.sy/fr/?p=7627