La trêve proposée par Israël à Gaza, c’est un
peu l’histoire du voleur qui, ayant battu une vieille dame à mort pour
lui dérober sa montre, lui dirait : « Maintenant, je peux te donner
l’heure et nous ferons la paix… » Quant à la soi-disante médiation
égyptienne, elle relève du même registre : hypocrisie à tous les étages
de la pyramide.
Quand les Frères musulmans avaient
démocratiquement pris le pouvoir au Caire, au moins avaient-ils assoupli
le blocus sur Gaza. Et, assez intelligemment, avaient permis aux
bateaux iraniens d’emprunter enfin le Canal de Suez. Bref, ils faisaient
de la politique. N’insultaient pas le puissant voisin israélien et
ménageaient à la fois Ankara et Téhéran. Mais avaient peut-être
sous-estimé la puissance de « l’ami » saoudien, indéfectiblement lié aux
intérêts américains et finalement plus prompt à « s’arranger » avec «
l’entité sioniste » qu’à tenter de s’entendre avec « l’ennemi chiite
perse », ce « serpent dont il faut écraser la tête… », pour reprendre
les propres mots de Ryad. Quant aux Émirats, ils avaient bien autre
chose à faire, entre rachat du PSG français et organisation d’une
prochaine Coupe du monde de football à Doha…
L’Orient est parfois compliqué, mais il
n’est pas interdit de le décrypter. À Gaza, le Hamas est désormais bien
seul… Son allié syrien, bien que chiite, a plus à faire sur son front
intérieur que de venir au secours de ses « frères » arabes. Le
traditionnel soutien iranien tente de sauver son programme nucléaire
civil et se voit, devant le chaos irakien menaçant à ses portes, obligé
de redéfinir ses priorités géostratégiques. Le Liban fait ce qu’il peut,
tentant de sauvegarder ce qui lui reste de souveraineté.
Isolé, le Hamas l’est donc,
indubitablement. Acculé à la mer, mais se battant aussi à domicile. Donc
autrement plus motivé que ces conscrits israéliens se demandant parfois
pourquoi ils peuvent bien se battre.
Pourtant, si Tel Aviv gouverne mal, il se
défend bien. D’où cette « proposition de paix », sachant que si Tsahal
tentait une opération terrestre à Gaza, ils arracheraient au pire un
match nul. Et, tel que l’avait reconnu le chef d’État-major de cette
puissante armée, lors de son erratique opération au Liban contre le
Hezbollah : « Quand le faible fait jeu égal avec le fort, cela signifie
que le faible a gagné contre le fort… »
Du côté de Washington, tout a donc été mis
en œuvre pour convaincre le Premier ministre israélien de retenir ses
coups. Et du côté de la France ? Là, une fois de plus, consternation
générale.
Le 9 juillet, François Hollande fait part à
Benyamin Netanyahu de « sa solidarité de la France face aux tirs de
roquettes en provenance de Gaza. » Puis, se rappelant du traditionnel
tropisme pro-palestinien de la gauche de sa gauche, se ravise : « La
sécurité de toutes les populations civiles doit être assurée et
l’escalade doit cesser ! » Avant de faire la synthèse de ces positions
pour les moins contradictoires, lors de sa traditionnelle allocution du
14 juillet : « La France veut un État palestinien à côté d’Israël,
assure François Hollande. Israël a droit à sa sécurité, Israël peut se
défendre s’il est attaqué, et en même temps, Israël doit avoir de la
retenue, doit avoir de la réserve par rapport à ses actions. »
Bref, personne n’y comprend plus rien. Ou,
plutôt, ne comprend que trop bien. La France, jadis traditionnel soutien
de la cause palestinienne, est désormais aux abonnés absents. Le reste
de l’Europe demeure inaudible. Les Russes font ce qu’ils peuvent, tandis
que les pays du Proche et du Moyen-Orient préfèrent regarder ailleurs.
Les Gazaouis n’ont jamais été aussi seuls. À
court terme peut-être. Mais sur ce temps long, le temps de l’Orient, le
temps qui appartient à Dieu, qui sait ? Le communisme soviétique a mis
soixante-dix ans à agoniser, avant de s’effondrer sous son propre poids.
Qui dit que l’État hébreu survivra aussi longtemps ? Lui aussi
susceptible de crouler, plus sûrement sous ses propres incohérences et
son messianisme fou, que de pauvres missiles tirés avec les moyens du
bord…
Là, une fois encore, les Gazaouis, toutes confessions confondues, savent pourquoi ils se battent ; alors qu’en face…