Ben Lorber - Dissident Voice
Devant le Congrès américain en mai, le premier ministre
Benjamin Netanyahu a dit qu’Israël maintiendrait longtemps sa présence
dans la Vallée du Jourdain en Cisjordanie. Le mois suivant l’armée
israélienne intensifiait ses attaques contre les puits des Palestiniens
qui y vivent.
En
Palestine occupé, la question de l’eau est un problème d’une extrême
gravité... Les colons juifs utilisent en moyenne plus de 4 fois le
volume d’eau des Palestiniens. Le vol de cette précieuse ressource est
donc une constante de la politique sioniste.
Le 14 novembre deux puits ont été démolis à Baqa’a, à
l’est de Tammun, enlevant illégalement à des centaines de familles la
possibilité d’irriguer leurs terres. Le 13 octobre, des fermiers ont
reçu des ordres de démolition pour plusieurs puits de Kufr al-Deek, un
village de la ville de Salfit près de Naplouse. En septembre les troupes
israéliennes ont démoli 6 puits appartenant à des communautés bédouines
palestiniennes dans la Vallée du Jourdain et ont menacé d’en démolir 6
autres. Dans tous les cas les actions unilatérales des forces
d’occupation israéliennes (FOI) sont clairement illégales parce que ces
puits ont été construits avec l’autorisation de l’Autorité Palestinienne
dans des secteurs de la Vallée qui sont supposément sous contrôle civil
et militaire palestinien exclusif.
L’injustice est particulièrement flagrante dans la
Vallée du Jourdain. Le 8 septembre, 50 jeeps, camions et bulldozers de
l’armée ont encerclé Al Nasarayah, l’ont déclaré zone militaire
sécurisée, ont procédé à la destruction illégale de 3 puits et ont
confisqué le matériel d’adduction de l’eau attenant, les pompes qui ont
coûté 40 000 dollars chacune à installer. Cinq jours plus tard, l’armée
d’occupation est revenue à Al Nasarayah pour démolir 2 autres puits en
s’arrêtant en chemin pour détruire encore un puits à l’est de Tamoun. Le
jour suivant, les soldats des FOI sont entrés dans le village de Al-
Fa’ara, près de Naplouse pour photographier 6 autres puits qu’ils ont
l’intention de démolir et prendre leurs coordonnées GPS.
Les actions des Forces d’Occupation sont illégales en
vertu du droit israélien, palestinien et international parce que ces 6
puits avaient les permis nécessaires de l’Autorité Palestinienne et
qu’ils se trouvaient dans les 5% de la Vallée du Jourdain qui ont selon
les Accords d’Oslo de 1994 le label de zone A sur lequel l’Autorité
Palestinienne a les pleins pouvoirs civils et militaires. La raison pour
laquelle les Israéliens se livrent à ces actions apparaît au grand jour
dans le contexte d’autres décisions israéliennes récentes —le projet,
annoncé en septembre, de déraciner et déporter environ 27 000 bédouins
hors de la zone C de Cisjordanie (la plupart des Bédouins de zone C
vivent dans la Vallée du Jourdain) et la décision de la Division des
Colonies au début du mois de juillet d’octroyer 130% de terre cultivable
supplémentaire aux colons de la Vallée du Jourdain et d’augmenter de 42
à 51 mètre cubes la quantité d’eau attribuée aux colons pour irriguer
ces nouvelles terres.
Qu’ont en commun la destruction des puits des Bédouins
palestiniens de la Vallée du Jourdain, le transfert des citoyens
bédouins palestiniens hors de la Vallée du Jourdain et l’augmentation de
la terre et de l’eau pour les colons de la Vallée du Jourdain ?
Ensemble ces actions mettent en lumière la politique d’oppression et de
nettoyage ethnique de la Vallée du Jourdain que les Israéliens mettent
en oeuvre depuis que la Vallée est devenue une Territoire Occupé en
1967.
La question de l’eau est cruciale dans cette oppression
—et cruciale dans la lutte des Bédouins palestiniens pour rester dans
leur patrie et résister à l’occupation. En effet Israël ayant pris le
contrôle absolu de l’exploitation et de la distribution de l’eau des 3
nappes aquifères qui se trouvent sous la Cisjordanie et qui desservent
les deux côtés de la Ligne Verte, la population palestinienne de
Cisjordanie et de Gaza, et notamment la population bédouine de la Vallée
du Jourdain, a vu se tarir progressivement les sources d’eau —qui
autrefois coulaient à flot— autour desquelles ils avaient construit
leurs villages et comme ils ne pouvaient pas creuser des puits
suffisants à cause du blocage des administrations israéliennes, ils se
sont trouvés dans l’obligation de payer à leur oppresseur des tarifs
exorbitants pour avoir l’accès à un droit humain inaliénable de première
nécessité.
La lutte pour l’eau est une question de vie et de mort
encore plus cruciale pour les Bédouins de la Vallée du Jourdain que dans
le reste de la Cisjordanie. Le "drainage" des droits palestiniens à
l’eau dans la Vallée du Jourdain —pour reprendre le titre d’un rapport
du Centre de Développement Ma’an— a une histoire longue et tumultueuse.
Quand la Cisjordanie a été occupée en 1967, l’armée israélienne a établi
un règlement militaire stipulant que toute l’eau de la Cisjordanie
serait contrôlée par l’état et la société nationale des eaux, Mekorot,
s’est approprié les nappes phréatiques et les puits en service de
Cisjordanie pour l’usage d’Israël et de ses nouvelles colonies. Entre
1967 et les Accords d’Oslo de 1994, les Bédouins palestiniens de la
Vallée du Jourdain ont d’abord vu leur terres puis leur eau disparaître
derrières les grilles bien gardées des colonies où les colons
disposaient de grandes quantités de la seconde pour faire fleurir la
première.
La situation était de plus en plus désastreuse quand en
1995 il y a eu un rayon d’espoir avec l’Article 40 des accords d’Oslo II
qui établissait un accord intérimaire qui devait être revu dans les
cinq ans (mais qui est toujours en place aujourd’hui), selon lequel un
quart des ressources en eau de Cisjordanie serait contrôlé par
l’Autorité Palestinienne et un Comité conjoint des eaux serait
instauré ; il aurait pour fonction selon les termes du rapport de la
Banque Mondiale de 2009 intitulé ’Evaluation des restrictions du
développement de l’eau palestinienne : Cisjordanie et Gaza’, "de
contrôler la gestion des nappes phréatiques, les décisions étant prises à
l’unanimité des deux camps".
Cependant Oslo a apporté avec lui de nouveaux systèmes
d’oppression institutionnalisée. Depuis que Oslo I en 1993 a mis 95% de
la Vallée du Jourdain en zone C (sous total contrôle militaire
israélien) ni les communautés bédouines de la zone C, ni l’Autorité
Palestinienne, ni le fourmillement permanent d’ONG internationales ne
peut entreprendre de constructions de leur propre initiative et sans
permis, parce que, comme le dit le mouvement, issu de la base,
’Solidarité de la Vallée du Jourdain’ : "Dans la zone C, l’accès aux
services de base, comme celui de l’eau, est restreint grâce au système
de permis dissuasif de l’Administration Civile Israélienne. Chacun sait
qu’obtenir un permis pour construire quoi que ce soit —même pour de
l’eau— est extrêmement difficile voire impossible. Cela empêche les
Palestiniens de construire de nouvelles infrastructures et d’améliorer
les installations existantes."
A ces dispositions oppressives qui ont pour but
d’empêcher toute autonomie communautaire, s’ajoute le fait que les
Bédouins palestiniens qui vivent dans les 95% de la Vallée du Jourdain
en zone C sont privés de la possibilité d’améliorer leur accès à l’eau
par trois systèmes de contrôle bureaucratiques en cascade —le Comité
Conjoint des Eaux, où un groupe de décideurs israéliens et palestiniens
autorise ou refuse l’accès à l’eau ou les projets de rénovation déposés
par l’Autorité Palestiniennes des Eaux (pour les zones A, B et C) ;
L’Administration Civile Israélienne qui, si un projet est accepté par le
Comité Conjoint des Eaux, le soumet à une foule de restrictions
techniques et de contrôles bureaucratiques qui ont pour effet de
retarder sa mise en oeuvre pour ne pas dire l’empêcher complètement ; et
là dessus, se greffe l’armée israélienne, qui, au gré de sa fantaisie
et sans aucun respect des lois, ne cesse de détruire les puits, les
réservoirs d’eau et l’infrastructure des communautés bédouines des zones
A, B et C même quand ils ont les permis nécessaires.
Et donc les décisions consensuelles concernant l’eau
promises par les accords d’Oslo II, se sont transformées dans la réalité
en contrôle unilatéral institutionnalisé de l’opprimé par l’oppresseur
car, étant donné la structure du contrôle israélien, il devient
pratiquement impossible à l’Autorité Palestinienne et aux ONG de mettre
en oeuvre des projets valables et durables de développement des
infrastructures de la zone C de Cisjordanie.
Au niveau du Comité Conjoint des Eaux, selon le rapport
’Drainage’ de Mam’an, "le fait que les décisions doivent être
consensuelles signifie en fait qu’Israël a un droit de veto sur les
projets palestiniens... [de plus] Israël ne consulte pas ce Comité quand
il tire l’eau des nappes aquifères pour son usage personnel (que ce
soit pour les colonies israéliennes ou autre) en violation de la règle
de gouvernance de l’Article 40. L’accès aux données sur l’usage
israélien des ressources d’eau est dénié à l’Autorité Palestinienne
tandis qu’Israël dispose de toutes les données sur les ressources en eau
de Cisjordanie... Environ 150 projets concernant l’eau ou des
installations sanitaires attendent d’être approuvés par le Comité ’pour
des raisons techniques et sécuritaires’, et un seul projet d’un nouveau
puits palestinien dans la nappe aquifère occidentale a été accepté
depuis 1993. A l’opposé Israël peut construire des aqueducs vers ses
colonies illégales sans passer par le Comité Conjoint pour l’Eau. On
voit donc qu’Israël contrôle totalement les ressources hydrauliques de
la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Le rapport de 2009 de la Banque Mondiale confirme la
réalité non-consensuelle du ’processus de décision consensuelle’ du
Comité Conjoint des Eaux : "Le comité n’a pas rempli son rôle qui était
de fournir un cadre approprié à la gestion et au développement conjoints
des ressources... Les problèmes et les objectifs politiques ont limité
le nombre des projets approuvés... De profondes dissymétries —de
pouvoir, de capacité et d’information— ont remis en question le rôle du
Comité en tant que Comité ’Conjoint’.... Israël prend des décision
concernant l’eau unilatéralement et sans en référer au Comité...
Seulement un tiers (en valeur) des projets présentés au Comité Conjoint
entre 2001 et 2008 ont été réalisés... En conclusion : 1) Le processus
est généralement très lent ; 2) le taux de rejection des projets de l’AP
est élevé ; 3) le Comité Conjoint n’a presque jamais rejeté de projets
israéliens (un seul n’a pas été approuvé) ; et 4) les projets de creuser
des puits —et jusqu’à tout récemment — de construire des centrales
d’épuration ont bénéficié d’un très faible taux d’approbations... Pour
obtenir l’approbation de projets urgents concernant l’eau, l’AP est
contrainte de faire des compromis contraires à sa politique générale.
Une telle asymétrie dans l’équilibre des pouvoirs (Un des deux camps,
Israël a pratiquement tous les pouvoirs et n’a pas d’impératifs
d’urgence), ajoutée au constat des maigres résultats (en faveur des
Palestiniens) obtenus par le Comité Conjoint, a engendré une perte de
confiance des Palestiniens et une remise en question du bien fondé d’une
approche ’conjointe’ de facto de la gestion des eaux."
Deeb Abdelghafar, le directeur des Ressources
Hydrauliques de l’Autorité Palestiniennes des Eaux raconte comment "nous
avons soumis notre demande il y a deux ans pour creuser des puits dans
la partie nord de la Vallée du Jourdain [pour fournir] de l’eau aux
particuliers et aux cultures et nous savons qu’ils l’ont étudiée mais
nous n’avons toujours pas de réponse et nous ne sommes pas optimistes...
Il y a plus de 80 puits agricoles qui ont besoin d’être restaurés dans
la Vallée du Jourdain et le Comité Conjoint a gardé notre projet de
restauration de ces puits pendant 4 ans avant de le refuser."
Même si le Comité Conjoint des Eaux approuvait un
projet, sa mise en oeuvre serait handicapée par le fil rouge de
l’Administration Civile israélienne, continue Abdelghafar : "L’étape la
plus difficile du processus pour nous est l’Administration Civile parce
qu’elle comporte plus de 14 départements et chaque département doit
approuver le projet. Et nous ne pouvons jamais faire accepter un projet
parce que certains départements l’approuvent et d’autres non". Ayman
Rabi, directeur-adjoint du Groupe Hydrologique Palestinien pour le
Développement des Ressources en Eau et de l’Environnement, une ONG qui
travaille à l’amélioration des accès en eau et des installations
sanitaires dans les Territoires Occupés palestiniens est aussi contrarié
par la situation que Abdelghafar : "Il est très difficile maintenant de
faire quoi que ce soit dans la zone C et c’est ce qui gêne le plus
notre travail dans le secteur... nous devons demander des permis et nous
les demandons généralement à l’AP et eux ils présentent notre demande
au Comité Conjoint des Eaux... mais même si le Comité Conjoint approuve
le projet, l’Administration Civile Israélienne réclame d’autres papiers,
les démarches sont tellement longues et compliquées et ils font
tellement de difficultés quand le projet est en zone C qu’on finit par
se décourager de faire quoi que ce soit dans cette zone." Le rapport de
la Banque Mondiale cite un contributeur anonyme qui se plaint des mêmes
problèmes : " La première chose que nous demandons est une lettre de
l’Autorité Palestinienne des Eaux approuvant le projet. Ensuite nous
allons au Comité Conjoint. Puis il faut aller à l’Administration Civile
—et un délai de 2 ou 3 ans est normal. En fait aucun de nos projets pour
la zone C n’a jamais été accepté."
Etant donné que quasiment tous les projets de
construction d’infrastructure en zone C sont écrasés dans l’oeuf par le
double rouleau compresseur du Comité Conjoint des Eaux et de
l’Administration Civile israélienne, les ONG sont obligées de concentrer
leurs efforts, comme dit Abdelghafar, sur "les interventions civiles
d’urgence —en fournissant de petits camions citernes et des citernes, en
construisant des réservoirs pour recueillir l’eau de pluie— c’est de
l’aide humanitaire d’urgence". Même si on ne peut nier qu’elle soit
nécessaire, cette aide au coup par coup se fait au détriment de projets
d’avenir de grande envergure qui s’attaqueraient aux racines des
problèmes au lieu d’essayer seulement d’atténuer leurs conséquences.
Selon le rapport de la Banque Mondiale : "Face à la difficulté de mettre
en oeuvre des projets importants, il a semblé raisonnable de se tourner
vers des projets d’urgence à court terme, souvent de petits projets
menés par des ONG et ces petits projets constituent la plus grande
partie du développement du secteur hydraulique... mais une multiplicité
des petits donateurs et de projets rend la planification plus
difficile... Les ONG ont l’avantage d’être présentes sur le terrain et
de pouvoir répondre à la demande... Elles sont adaptables... mais
travaillent à court terme et sur une petite échelle" (p.63).
Dans le village de Hamsa, près du check point de Hamra
dans la Vallée du Jourdain, Abu Riyad, qui habite Hamsa depuis 30 ans
avec sa famille doit maintenant aller très loin chercher de l’eau
potable et de l’eau d’irrigation car deux énormes puits construits dans
des colonies voisines ont asséché les sources auxquelles se sont
approvisionnées des générations d’habitants de Hamsa. On peut lire dans
le rapport ’Drainage’ de Ma’an : "Comme il n’a pas l’eau courante, Abu
Riyad doit aller chercher de l’eau à Ein Shibleh. En plus il n’est pas
sûr de la qualité de l’eau et il ne sait pas si elle a été traitée. Il
ne paie pas l’eau mais cela lui coûte 200 shekels pour transporter 10
mètres cubes d’eau. Comme l’eau sert à tous les besoins de la famille,
la boisson des hommes et des animaux, la lessive, etc... Abu Riyad doit
transporter cette quantité d’eau tous les quatre jours. Avec
l’augmentation du prix de l’essence, l’eau représente une dépense de
plus en plus lourde pour la famille... la communauté reçoit très peu
d’aide. Les ONG locales et internationales donnent parfois des bons pour
avoir de l’eau ou des citernes gratuites mais c’est toujours pour une
période limitée et cela ne procure qu’un soulagement temporaire.
De fait, Abu Riyad a de la chance de ne pas payer l’eau.
Ayman Rabi du Groupe Palestinien d’Hydrologie se plaint que, dans
beaucoup d’opérations humanitaires de son organisation "ceux qui
reçoivent l’eau doivent participer aux frais, malheureusement. Cela ne
nous plaît pas mais cela a été convenu avec l’Autorité palestinienne des
Eaux. Nous avons demandé aux personnes de contribuer à hauteur de 10
shekels par mètre cube, bien que nous n’aimions cela, et nous leur
remplissons leur citernes quand ils nous le demandent."
De nombreuses organisations, au lieu de fournir de
l’eau, donnent des citernes aux communautés en péril pour que les
Bédouins puissent aller chercher l’eau aux points d’eau. Mais en offrant
des citernes au lieu d’amener l’eau courante à ces communautés, ces
ONG, avec les meilleures intentions du monde, aggravent le problème en
forçant les Bédouins à parcourir de longues distances, à travers une
myriade de check-points, pour aller chercher de l’eau dans les zones A
ou B où il y a toujours de l’eau. Le rapport de la Banque Mondiale
critique le fait que "les check-points de l’occupation et les
couvre-feux entravent sévèrement la circulation des camions citernes qui
vont chercher de l’eau pour les communautés... il y a 36 check-points
fixes en Cisjordanie, y compris le barrage du Mur de Séparation, qui
affectent sérieusement l’accès aux communautés des camions-citernes et
des équipes de maintenance... Etant donné les risques pour leur sécurité
personnelle qu’encourent les chauffeurs et les longues heures de route,
le prix de l’eau des camions-citernes à énormément augmenté".
On voit, avec le cas de Abu Riyad, à quel point cette
pratique est devenue coûteuse pour un Bédouin qui n’a pas d’autre choix.
Selon Fathy Khdirat de Solidarité de la Vallée du Jourdain, "utiliser
des camions-citernes de cette manière coûte 30 shekels aux Bédouins pour
un mètre cube d’eau alors que leurs voisins des zones A et B paient le
mètre cube d’eau entre un demi et 3 shekels". Le maintien de cette
inégalité fait l’affaire de l’Occupation en incitant les Bédouins à
passer de la zone C en zone A ou B.
De plus, les aides d’urgence à court terme reviennent
beaucoup plus cher aux ONG que ne reviendrait l’installation de
conduites d’eau permanentes qui relieraient les Bédouins aux points
d’eau. Pour une telle installation, il suffirait d’environ 7000 dollars,
soit 10 % des 700000 dollars qui ont été récemment dépensés en aides
d’urgence, selon Fathy Khdirat. Mais entre le Comité Conjoint des eaux,
l’Administration Civile israélienne et l’armée d’occupation, il est
impossible de construire des infrastructures hydrauliques permanentes
pour les Bédouins, et donc les organisations d’aide humanitaire n’ont
d’autre choix que de travailler dans le cadre restrictif et oppressif de
la loi israélienne. Selon le rapport de la Banque Mondiale ; "au mieux,
le rôle de l’AP se réduit à améliorer le service de l’eau et des
sanitaires des communautés palestiniennes dans le cadre des contraintes
imposées... les parties prenantes reconnaissent qu’un développement
aussi contingent et morcelé est inefficace et onéreux mais il ne voient
pas comment faire autrement".
Le système bureaucratique basé sur la corruption et la
contrainte dans lequel les organisations civiles et politiques
israéliennes et palestiniennes se débattent entraîne des atteintes aux
droits humains sur le terrain en violation du Droit à l’Eau inscrit dans
le Commentaire général n° 15 des articles 11 et 12 de la Convention de
Genève sur les droits économiques, sociaux et culturels du Conseil
économique et social de l’ONU de novembre 2002. Le document stipule que
"le droit à l’eau comprend à la fois des libertés et des droits. Les
libertés incluent le droit d’avoir un accès suffisant aux ressources
d’eau existantes en toute liberté... à l’opposé les droits incluent
l’accès à un système de distribution d’eau qui permette à tous de jouir
du droit à l’eau de manière égalitaire". La Convention donne la liste
des droits spécifiques à l’eau —le droits à ce que "l’eau soit
physiquement accessible : l’eau et les installations et les services
adéquats doivent être faciles d’accès pour tous les secteurs de la
population. De l’eau potable doit être accessible en quantité
suffisante... à proximité ou dans le voisinage immédiat de chaque
famille, institution éducative et lieu de travail..." ; le droit à ce
que l’eau "soit économiquement accessible : l’eau et les installations
et les services hydrauliques doivent être abordables pour tout le monde.
Les coûts directs et indirects et les frais associés à la fourniture de
l’eau doivent être raisonnables..." ; et le droit à "la
non-discrimination : l’eau et les installations et les services
hydrauliques doivent être accessibles à tous, y compris aux secteurs les
plus pauvres et les plus marginalisés de la population, selon la loi et
dans les faits, sans discrimination".
Le rapport de Ma’an, ’Drainage’, explique que le Droit à
l’Eau tel qu’il est décrit dans ce document ne signifie pas que les
gens aient le droit d’avoir un accès illimité à de l’eau gratuite ou à
l’eau courante, mais il signifie que l’eau et les services liés à l’eau
doivent être bons marchés, que l’eau et les installations d’eau doivent
se trouver à proximité des habitations et que l’eau doit être utilisée à
bon escient. Ce droit n’est pas lié à la race, à l’âge, au sexe, à la
religion ni aux opinions politiques... le document stipule aussi que les
individus et les communautés peuvent participer aux décisions
concernant l’eau et les installations et services sanitaires au niveau
locale et national et avoir une influence sur elles".
Voici rapidement quelques faits tirés de ’drainage’ qu’il faut examiner à la lumière du Droit à l’Eau de l’ONU :
En octobre 2009, Amnesty International a noté que "180
000 à 200 000 Palestiniens vivant dans des communautés rurales n’ont pas
l’eau courante et même dans les villes et les villages
qui sont reliés au réseau de distribution d’eau, il n’ a pas souvent
d’eau au robinet."
Selon les travaux de WASH, le mètre cube d’eau acheminé
par des camions-citernes privés dans 290 communautés de Cisjordanie a
augmenté de 100 à 200% depuis le début de l’intifada.
40% des Palestiniens de la Vallée du Jourdain consomment
moins d’eau que la quantité minimale établie par l’Organisation
Mondiale de la Santé qui est de 100 litres cubes d’eau par jour.
56 000 Palestiniens de la Vallée du Jourdain consomment
environ 37 millions de mètres cubes d’eau par an tandis que 9 400 colons
seulement en consomment environ 41.
Les Palestiniens paient l’eau plus cher que leurs
homologues en Israël : Mekorot facture le mètre cube d’eau 1,8 shekel
aux Israéliens tandis que les Palestiniens le paient environ 2,5
shekels.
Il y a un consensus quasi universel sur le fait qu’il
existe dans la Vallée du Jourdain une politique systématique
d’oppression et de nettoyage ethnique qui ne concerne pas seulement
l’eau mais tous les aspects de la vie des 15 000 Bédouins qui ne sont
reliés à aucun système de distribution d ’eau dans les 95% de la Vallée
du Jourdain qui sont en zone C. Selon Deeb Abdelghafar de l’Autorité
Palestinienne des Eaux "la Vallée du Jourdain est une territoire unique
du point de vue israélien. Ils essaient de prendre le contrôle de ce
territoire et pour cela ils veulent en chasser les habitants en les
privant d’infrastructures hydrauliques adéquates... Ils font tout ce
qu’ils pour décourager les habitants de rester ici, ils veulent les
faire tous partir."
Des militants comme Fathy Khdirat de Solidarité de la
Vallée du Jourdain, un mouvement populaire qui travaille à la
construction d’infrastructures pour les Bédouins de la Vallée, sont
déterminés à encourager ceux qui vivent sous l’occupations à résister à
l’oppression et à demeurer dans leur pays natal. "J’ai passé toute ma
vie sous l’Occupation" souligne Fathy " et je veux que mes enfants aient
un meilleur avenir. Je suis né ici et je ne me tairai pas."
* Ben Lorber est un
militant américain du mouvement de Solidarité Internationale en
Cisjordanie et journaliste du Centre d’Information Alternative de
Bethlehem. Il tient un blog : http://freepaly.wordpress.com. On peut le joindre à : benjaminlorber@gmail.com
26 novembre 2011 - Dissident Voice - Pour consulter l’original :
http://dissidentvoice.org/2011/11/t...Traduction : Dominique Muselet