Sanaa Khoury - Al-Akhbar
Des militants libanais anti-israéliens sont poursuivis en
justice par un promoteur de concert pour leur campagne de boycott contre
un groupe de rock britannique populaire.
Durant la campagne de boycott, l’an dernier.
(Photo archives al-Akhbar)
Samah Idriss, directeur de la maison d’édition Dar
al-Adab, a reçu ce jeudi une convocation du tribunal de commerce de
Beyrouth. Idriss est cité en justice pour son implication l’année
dernière dans la campagne libanaise de boycott contre le groupe de rock
britannique Placebo. Jihad el-Murr, qui dirige la société qui avait
organisé l’évènement, a déposé plainte le 10 juillet 2011.
El-Murr poursuit Idriss, ainsi que trois autres
organisations engagées dans la campagne : le Centre Aidoun pour les
droits des réfugiés, la Campagne pour le boycott des partisans d’Israël
au Liban, et la Campagne mondiale BDS au Liban. El-Murr, un homme
d’affaires qui se dit lui-même célèbre issu d’une grande famille,
demande 180 000 dollars US d’indemnisation pour le préjudice financier
pour sa société que lui aurait causé, selon lui, la campagne de boycott.
Les militants libanais avaient appelé au boycott pour
protester contre la représentation de Placebo à Tel Aviv quatre jours
avant la date de son concert à Beyrouth, programmé pour le 9 juin 2010,
au Forum de Beyrouth. Ce n’est qu’en juillet 2011, un an après la tenue
du spectacle, qu’el-Murr remarque « le préjudice financier »
qu’il dit avoir subi du fait de la campagne. Il qualifie la campagne
contre toute normalisation culturelle avec Israël à la fois de « calomnieuse et trompeuse ».
El-Murr soutient que la loi libanaise de 1955 permettant un boycott
limité d’Israël n’est pas applicable pour le concert de Placebo. « Le célèbre groupe de rock ne s’occupe même pas de politique » ajoute-t-il.
Idriss, qui est également rédacteur en chef du magazine al-Adab, avance un point de vue différent pour justifier le boycott de groupes comme Placebo. « Le
groupe a joué à Tel Aviv peu après l’offensive contre la flottille du
Mavi Marmara. Ce qui démontre une indifférence manifeste pour les crimes
perpétrés par l’occupation (israélienne). » Il poursuit, « Si
nous choisissions de rentrer dans la même logique que le plaignant,
nous pourrions dire que le concert du groupe en Israël, auquel 7000
personnes ont assisté, a rapporté plus de 3 millions de dollars US aux
organisateurs et tourisme israéliens. Par conséquent, les artistes qui
se produisent en Israël ne font pas que participer à absoudre les crimes
de l’entité sioniste, ils apportent aussi des revenus financiers à
Israël. Les boycotts culturels, artistiques et universitaires d’Israël
ne servent pas qu’à mettre moralement en avant les crimes israéliens ;
ils représentent aussi un effort pour réduire le soutien financier à
Israël. »
Idriss a évoqué l’action de Placebo dans le cadre du climat plus général du militantisme. « Le
boycott contre le spectacle de Placebo au Liban s’inscrit dans le
contexte des victoires de plus en plus nombreuses des campagnes BDS
mondiales. Des artistes de portée internationale, comme Carlos Santana,
Elvis Costello, et Gorillaz, ont suivi les appels BDS ». El-Murr
semble se préoccuper plus des pertes financières de sa société,
s’élevant à quelques milliers de dollars, que de la politique. En
revanche, des stars comme Roger Waters de Pink Floyd ont refusé de se
produire dans des spectacles à haut budget en Israël qui contribuaient à
camoufler la réalité de l’apartheid d’Israël. Dès que des informations
arriveront sur le procès, des écrivains, intellectuels et artistes ont
annoncé d’ores et déjà qu’ils seraient solidaires d’Idriss et de ses
amis.
Une de ces lettres de soutien vient de l’auteur et intellectuel public libanais Elias Khoury, qui écrit à Idriss, « Nous sommes avec vous dans cette bataille ».
Samah Idriss
(Photo Stefan Christoff - The Electronic Intifada)
Traduit de l’arabe. Article actualisé le 17 octobre
2011. Une version antérieure date par erreur la loi libanaise relative
au boycott à 1985, au lieu de 1955.
16 octobre 2011 - Al-Akhbar - traduction : JPP