Daniel Schneidermann - @rrêt sur images
Opinion
Dissipons d’abord tout
malentendu. Je suis content pour l’ex-otage Gilad Shalit. Vraiment
content. Pour ses parents, pour ses frères, ses sœurs, ses cousines, sa
petite amie, ses copains de foot, ses amis de Facebook.
Le héros de la fête, c’était Gilad
Je suis aussi heureux que tous mes confrères
journalistes français, notamment des médias d’information continue,
toute la journée de mardi, nous aient fait vivre, minute par minute, les
étapes de la libération de l’ex-otage.
Il est arrivé en Egypte. Il est monté dans un hélico. Il
est descendu de l’hélico. Il a revêtu l’uniforme israélien. Il est
arrivé sur une base israélienne. Il a été accueilli par Netanyahu. Et
voilà, ses parents sont là. Etc, etc.
On sentait bien qu’ils faisaient l’effort méritoire de
traiter aussi le retour à Gaza des prisonniers palestiniens, histoire de
ne pas se coller encore le CSA sur le dos, mais bon, le héros de la
fête, c’était Gilad.
Ce n’était pas aussi haletant que la couverture live du
voyage en monospace de François Hollande de chez lui jusqu’à la rue de
Solférino, dimanche soir, sur BFM, mais quasiment.
Si profonde soit ma joie, il y a tout de même une
bizarrerie, dans cette affaire. Gilad Shalit, dit-on, est
franco-israélien. Dans franco-israélien, il y a franco, bien entendu. Sa
mère étant française, le soldat a hérité de sa nationalité française.
Il a même – rendez-vous compte – « regardé le Tour de France à la
télévision » a répété l’ambassadeur de France en Israël, au comble de
l’extase, devant tous les micros.
Mais dans franco-israélien, il y a aussi israélien.
Shalit est né en Israël. Il y a toujours vécu. Il a été capturé sous
l’uniforme israélien. C’est donc un événement de politique étrangère qui
s’est déroulé mardi. Un événement peut-être important, concernant deux
pays dont on peut penser ce que l’on veut – et Dieu sait que l’on pense
des choses – mais dont aucun des deux n’est la France.
Pourquoi cette liesse nationale ?
Et voici donc le motif de mon incompréhension. Le système médiatique en général distingue deux types d’événements :
•ceux qui concernent l’étranger (couverture sobre,
neutre, distanciée, images d’agences) ;
•et ceux qui concernent, de près ou de loin, la France (couverture
intime, usage abondant des prénoms, témoignages récurrents des proches,
etc).
Pourquoi les médias français ont-ils traité l’événement comme un
événement national, comme un retour d’otages français ? En quoi la
libération de Gilad Shalit – fort heureuse, répétons-le, aussi heureuse
que celle de chacun des quelque 1 000 Palestiniens libérés en échange –
mérite-t-elle d’être le sujet d’une liesse nationale ? C’est la question
matinale de ce mercredi.