L’accord conclu entre Israël et le Hamas sur la
libération prochaine du soldat Gilad Shalit, détenu à Ghaza depuis 2006,
en contrepartie de l’élargissement de 1027 détenus palestiniens, dont
27 femmes, n’a pas livré tous ses secrets.
Eclairage. S’il est, à première vue, légitime de se féliciter de la fin
du calvaire pour ces damnés des prisons israéliennes, il serait
pourtant hasardeux de crier victoire.Il y a, en effet, de gros soupçons
de deal entre les parties contractantes qui ne travaillent pas forcément
la cause palestinienne.Le mouvement Hamas a, pour l’instant, beau jeu
de bomber le torse et de brandir cet «accord historique» comme un
trophée de guerre. Cela va sans doute galvaniser ses troupes et lui
donner un peu plus d’aura par rapport à son frère ennemi, le Fatah. Son
patron Khaled Maâchal s’en est donné à cœur joie après l’annonce de
l’accord d’échange et en a profité pour louer les mérites de la
«résistance». Dans la forme, force est d’admettre que le Hamas a réussi
une spectaculaire opération de marketing politique. En face, le Fatah,
un peu groggy, ne pouvait que rire jaune.
Mahmoud Abbas, en voyage au Venezuela, a, certes, salué l’accord, mais a
décoché une fléchette en direction des deux protagonistes de l’échange
de prisonniers, précisant qu’il restait encore 5000 Palestiniens dans
les geôles israéliennes. Le président de l’Autorité voulait sans doute
troubler la fête du Hamas, soudainement remise à flot par… Israël.
Pour cause, le discours historique de Mahmoud Abbas devant l’AG de l’ONU au terme duquel il avait demandé officiellement la reconnaissance de l’Etat palestinien sur ses frontières de 1967 a été vécu comme une douche froide par le Hamas. Le mouvement islamiste a vainement tenté de dissuader Abou Mazen – comme l’ont fait Israël et les Etats-Unis ! – de porter la cause palestinienne devant la communauté internationale de l’ONU.
Pour cause, le discours historique de Mahmoud Abbas devant l’AG de l’ONU au terme duquel il avait demandé officiellement la reconnaissance de l’Etat palestinien sur ses frontières de 1967 a été vécu comme une douche froide par le Hamas. Le mouvement islamiste a vainement tenté de dissuader Abou Mazen – comme l’ont fait Israël et les Etats-Unis ! – de porter la cause palestinienne devant la communauté internationale de l’ONU.
Sauver le soldat Shalit
Au-delà du veto américain, l’initiative de Abbas fut un formidable
succès diplomatique. Se pose alors la question de savoir si l’accord
Hamas-Israël n’était pas destiné à contrebalancer la position de
l’Autorité palestinienne au profit du mouvement islamiste réputé pour
donner du grain à moudre à Israël sous le couvert de la résistance. Une
sorte de deal qui permettrait au Hamas de reprendre la vedette face à
son rival le Fatah et à Israël de discréditer et d’annihiler la volonté
de Abbas de poursuivre le processus de reconnaissance de l’Etat
palestinien.
C’est à peu près ce que pense Moukhaïmer Abou Saada, professeur des
sciences politiques à l’université Al Azhar, de Ghaza, interrogé par
l’AFP. Cette lecture paraît d’autant plus plausible que le Hamas n’a pas
vraiment gagné au change contrairement à ce qu’il prétend.Il a en effet
accepté la condition d’Israël de procéder au bannissement de 163 sur
450 détenus libérés de la première vague, résidant en Cisjordanie comme
l’a révélé hier le chef du service de sécurité intérieure israélien, le
Shin Beth, Yoram Cohen.
La joie des libérés ne sera qu’éphémère puisqu’ils seront expulsés à Ghaza pour certains et à l’étranger pour d’autres. Le Hamas a donc mis beaucoup d’eau dans son… vin, lui qui a toujours réclamé le retour des réfugiés de 1948 consent désormais à faire expulser d’autres…
La joie des libérés ne sera qu’éphémère puisqu’ils seront expulsés à Ghaza pour certains et à l’étranger pour d’autres. Le Hamas a donc mis beaucoup d’eau dans son… vin, lui qui a toujours réclamé le retour des réfugiés de 1948 consent désormais à faire expulser d’autres…
L’universitaire est formel : «Il est clair qu’Israël cherche à
affaiblir et marginaliser le président Abbas, surtout après son discours
historique à l’Assemblée générale des Nations unies il y a une
vingtaine de jours et le grand soutien populaire qu’il a acquis par ce
discours et ses positions politiques actuelles.» Il faut noter également
qu’une bonne partie des détenus concernés par l’accord avaient déjà
«consommé» une grande partie de leurs peines. Le Hamas a défoncé une
porte ouverte…
Jamais avec Barghouti…
Il y a enfin le cas de Marwane Barghouti, dirigeant de la deuxième
Intifadha, et Ahmad Saadat, le chef du Front populaire de libération de
la Palestine (FPLP, gauche radicale). Curieusement ces deux personnages
charismatiques ne sont pas concernés par cet accord. L’enfant terrible
de la deuxième Intifadha, Marwane Barghouti, qui faisait de l’ombre, y
compris à l’icône défunt Yasser Arafat par ses positions tranchées, et
son refus de la compromission et la corruption, a été «oublié» par le
Hamas. On devine aisément pourquoi. Connu pour être un authentique
résistant contre Israël et son refus d’adopter la mollesse du Fatah,
Barghouti gêne terriblement le mouvement Hamas qui développe une
résistance à «géométrie variable».
Ce jeune condamné en 2004 par un tribunal israélien pour cinq peines de
réclusion à perpétuité incarne l’aile radicale du peuple palestinien
pour le recouvrement de sa souveraineté sur ses terres, quitte à
recourir à l’action armée. Conclusion : la libération de Marwane
Barghouti n’intéresse ni le Hamas ni le Fatah. Cela étant dit, le fait
que le Hamas ait remercié les services secrets de l’Egypte, de la
Jordanie, du Qatar et de la Turquie qui ont parrainé les tractations –
des pays qui ont des relations avec Israël – accrédite la thèse d’un
marché. Israël n’a pas tardé d’ailleurs à renvoyer l’ascenseur à
l’Egypte en lui promettant des «excuses» suite à l’assassinat des
policiers au Sinaï.
Comme par enchantement, Netanyahu, qui avait exclu catégoriquement de
présenter ses excuses au gouvernement égyptien, est revenu subitement à
de meilleurs sentiments… Ce qui est présenté aujourd’hui comme une
victoire du Hamas pourrait être exploité diplomatiquement par Israël. En
enlevant l’épine Shalit, le cabinet Netanyahu souffle au niveau interne
en attendant de rallumer le front avec Hamas.