Shahd Abusalama
J’ai eu pause d’une heure à l’université alors j’ai voulu
saisir cette chance de pouvoir visiter la tente de solidarité pour les
détenus palestiniens dans les locaux de la Croix-Rouge.
Najiyya tenant le portait de son époux, condamné à la prison à vie et ayant déjà passé 19 ans dans les geôles israéliennes
J’y vais chaque jour, et je vois les mêmes personnes que
j’ai commencé à intégrer comme faisant partie de moi-même. Lorsque
l’une d’elles n’est pas là, elle me manque, et j’ai passé ces derniers
jours plus de temps avec eux qu’avec ma famille.
Alors que j’arrivais à la tente, j’ai senti qu’il y
avait quelque chose d’étrange qui s’était passé. J’ai demandé à une amie
ce qui venait d’arriver. Elle a répondu : « Cette femme, Najiyya, vient
juste de s’évanouir quand elle a appris que son mari n’était pas inclus
dans l’accord d’échange [des prisonniers]. »
Je l’ai ensuite suivie des yeux avec compassion, partout
où elle allait. Elle m’a remonté le moral alors qu’elle s’avançait vers
moi et s’est assise dans une chaise vide à côté de moi. Elle me sourit,
malgré son chagrin. Je voulais qu’elle sache combien les gens comme
elle me donne une force spirituelle inébranlable avec leur incroyable
force et fermeté. Voir son sourire, tout en sachant qu’elle était brisée
à l’intérieur d’elle-même, me redonnait vie. Je ne pouvais pas
m’empêcher de sourire avec un regard d’admiration et de gratitude.
« Cela fait longtemps que j’attends qu’il me revienne ;
il y a 19 ans de séparation forcée entre nous. J’ai toujours imaginé
l’enfant à naître, mais l’emprisonnement de mon mari après moins d’un an
de notre mariage m’a empêché à jamais d’en avoir un. »
Elle m’a dit cela après que je lui ai demandé si elle se
sentait mieux. « Ils ont fait irruption dans notre maison en Octobre
1993 très tard le soir à l’intérieur de notre maison, et ils l’ont
enlevé d’une manière excessivement violente ». Elle a continué tout en
ayant du mal à retenir ses larmes. Elle se mit à regarder au loin et
tomba dans le silence, essayant de cacher tout ce qu’il y a comme
sentiments féminins en elle.
J’ai appris que son mari a été condamné à une peine de
99 ans dans les prisons israéliennes. J’ai été surpris par sa capacité à
rester forte et optimiste le jour où elle espérait bientôt être unie
avec son mari dans une maison chaleureuse, pleine d’amour et d’harmonie
et préparant l’arrivée de leur premier enfant.
Ma sympathie pour elle est devenue encore plus profonde
lorsque j’ai appris qu’elle était très proche d’avoir un enfant. Elle
était enceinte de 2 mois lorsque l’armée israélienne a attaqué sa maison
et tout renversé puis kidnappé son mari. C’était trop dur à supporter.
L’armée israélienne n’a pas seulement emmené son mari au loin, mais elle
a aussi tué l’enfant qu’elle portait. Si elle n’avait pas connue toutes
ces circonstances horribles, peut-être ce fœtus serait aujourd’hui un
jeune homme ou une jeune fille de 18 ans, et elle en aurait pris le
meilleur soin du monde pendant qu’elle aurait courageusement lutté
contre son destin si dur.
Mon affection pour elle n’a cessé d’augmenter car je
savais plusieurs choses à son égard. Elle était en une grève de la faim
depuis 6 jours, essayant de partager avec son mari et d’autres détenus
palestiniens leur bataille des estomacs vides. Elle a
refusé de rompre son jeûne en dépit de toutes les tentatives faite par
les gens autour d’elle pour la convaincre d’arrêter, surtout après
qu’elle se soit évanouie. mais elle a insisté pour aller au
rassemblement : « Salama, mon mari, souffre plus que simplement de la
faim. Permettez-moi au moins de ressentir comme si je vivais certaines
de ses souffrances, même si je sais que je suis loin de lui ! »
J’ai soudain réalisé que je n’avais plus de temps et
qu’il fallait que je revienne à ma conférence à l’université. Je devais y
aller mais je savais que je ne serai présente que par le corps, et que
mon esprit allait rester avec les prisonniers et leurs familles. Je n’ai
pas pu attendre la fin de la conférence pour revenir à la Croix-Rouge.
Je pensais revenir et trouver l’image habituelle des
gens assis et bavardant dans la tente, tout en entendant des chansons
pour la liberté de nos détenus. Mais ce n’était pas le cas. Il y avait
comme une urgence ; les gens couraient à l’intérieur de la Croix-Rouge ;
l’alarme de ambulance était très forte et sa lumière rouge clignotait à
l’endroit même. Mon cœur s’est arrêté de battre à l’idée que quelque
chose de grave s’était passé durant l’heure où j’étais à l’université.
J’ai eu peur de ce que j’allais savoir.
Je suis passé à travers la foule pour découvrir que la
même femme Najiyya avait à nouveau perdu connaissance. Elle ne pouvait
pas supporter sa terrible angoisse : son mari serait-il libéré ou non ?
Au début, elle avait appris que son conjoint le serait, puis ensuite que
non. Elle était entre la réalité et les illusions, comprenant
finalement que son mari va rester en prison à l’intérieur de sombres
cellules. J’ai appris qu’elle se promenait tout en parlant à elle-même,
inconsciemment, et soudain, elle s’est arrêter et a regardé une grande
bannière où se trouvait aussi l’image de son mari. Puis elle s’est
écroulée.
Je sais que peu importe combien la force d’un combattre
qu’elle a en elle... A la fin du jour elle n’est qu’un être humain. Le
fait que son mari ne va pas être libéré est terriblement difficile à
accepter pour elle, surtout après avoir longtemps espéré dans l’accord
d’échange de prisonniers.
Ceci n’est qu’un exemple de ce que vivent les femmes
palestiniennes et qui n’a pas d’équivalent dans toute autre partie du
monde. La femme palestinienne sera toujours un exemple de force, de
fidélité, de défi et de ténacité.
* Shahd Abusalam est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza. Son blog est appelé Palestine from my eyes.
15 octobre 2011 - Palestine from My Eyes - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinefrommyeyes.blogspot.com/
Traduction : Naguib
http://palestinefrommyeyes.blogspot.com/
Traduction : Naguib