Michel Warschawski
L’État-providence a été tué par Benjamin Netanyahu alors qu’il était ministre des Finances et maintenant, en tant que Premier ministre, il transforme Israël en un État pirate qui est le moyen de l’enrichissement personnel à un niveau jamais atteint, même dans des puissances capitalistes comme le Royaume-Uni ou le Canada.
Il y a dix ans, Avraham Burg a écrit un article intitulé, « La révolution sioniste est morte » . Cet article a frappé l’attention internationale et il a été publié par la majorité des grands journaux du monde occidental. Une sorte d’éloge funèbre de l’État d’Israël ou, plus exactement, un éloge funèbre du rêve d’Israël d’être « une lumière pour les nations ».
L’ancien président de la Knesset soutenait alors que la vision sioniste était enterrée dans le sillage de deux phénomènes : l’occupation ininterrompue de millions de Palestiniens, et la corruption. Plusieurs jours après la publication de cet article, je l’avais rencontré et lui avais exprimé mon étonnement : « Le fait qu’occuper et dominer un autre peuple fassent d’Israël un État fasciste n’est pas pour surprendre. Mais la corruption ? En quoi diffère-t-elle de la corruption en Italie, en France ou en Espagne ? Tous les pays capitalistes sont contaminés par la corruption, et cela ne conduit ni à en faire des pays fascistes ni à la chute de leur régime démocratique. » Avraham avait souri et m’avait répondu : « Tu es un grand spécialiste de l’occupation, mais tu n’as pas idée de ce qui se passe dans l’institution politique, et tu ne te rends pas compte du niveau de la pourriture qui l’a contaminée ».
Plus de dix ans ont passé, et personne en Israël ne peut continuer d’ignorer le fait que l’État d’Israël est, effectivement, un pays corrompu. Le Premier ministre Ehud Olmert, le ministre des Finances Abraham Hirschzon, le ministre de l’Intérieur Ariyeh Deri et maintenant, on porte des accusations contre le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. A cela, il faut encore ajouter un Président reconnu coupable de viols en série et un vice-Premier ministre jugé pour harcèlement sexuel.
Les présomptions contre Yvet Lieberman sont même plus graves, à ce qu’en dit la presse, que tout ce que nous avons connu à ce jour, bien qu’il soit encore trop tôt pour savoir si les accusations seront maintenues, parce que Lieberman, tout comme les fameux mafiosos des États-Unis, est un expert pour exploiter (et créer) les vides juridiques, et tout comme il a réussi à faire durer l’enquête dont il fait l’objet pendant plus de cinq ans, il risque aussi de faire reporter le procès dans son affaire.
L’État d’Israël a besoin d’une double révolution : d’abord, d’une révolution démocratique, anticoloniale dans laquelle les citoyens palestiniens joueront, sans aucun doute, un rôle dirigeant. Cette révolution ne doit pas seulement mettre un terme à l’occupation coloniale de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, mais elle doit aussi procéder à un changement structurel qui transformera l’État d’Israël, d’État juif en État démocratique pour tous ses citoyens.
Ensuite, d’une révolution sociale qui donnera la priorité au monde du travail, au désavantage des quelques centaines de capitalistes qui ont un mépris absolu de la loi, comme si nous vivions dans un système féodal. L’État-providence a été tué par Benjamin Netanyahu alors qu’il était ministre des Finances et maintenant, en tant que Premier ministre, il transforme Israël en un État pirate qui est le moyen de l’enrichissement personnel à un niveau jamais atteint, même dans des puissances capitalistes comme le Royaume-Uni ou le Canada.
L’Institut national d’assurance d’Israël vient de publier ses données sur l’ampleur de la pauvreté en Israël : elle surpasse même celle aux États-Unis, et que dire des pays européens.
Plus Israël devient riche, et aujourd’hui il se situe au troisième rang des pays occidentaux, plus la plus grande partie de sa population devient pauvre, plus de 30 % des enfants en Israël vivent sous le seuil de pauvreté. Comme dans l’article de Moshe Negbi, nous étions en effet Sodome : alors que des groupes corrompus comptent leurs milliards, blanchissent de l’argent dans le monde entier et vivent dans un luxe choquant, des milliers d’enfants, dans la périphérie géographique et sociale, ne mangent de la viande qu’une fois la semaine, et tout cela se passe dans un État aussi riche que l’Espagne ou l’Italie.
Il y a plusieurs années, le journaliste chevronné Arieh Avnery écrivait un livre, « Les cris d’un pays corrompu ». C’était le cri de l’ « ancien Israël » à propos du déclin d’Israël dans une république bananière où capital et domination sont devenus un fait, et ne servent que les intérêts privés des capitalistes, lesquels ne perçoivent l’État que comme un outil dont le seul objectif est de les aider à augmenter leurs richesses. Depuis, la situation s’est encore empirée. Au début, l’État d’Israël était l’outil pour la dépossession des Palestiniens de leur pays. Aujourd’hui, il est pour les capitalistes toujours un outil de dépossession, mais des citoyens juifs.