Cisjordanie - 1 mars 2011
Par Middle East Monitor
Ramallah, en Cisjordanie, est considérée comme un phare de la réussite et le symbole du développement économique tandis que l'Autorité palestinienne court après la paix avec Israël. Tandis qu'une métropole tentaculaire commence à s'étendre et qu'on entend le bruit des constructions à travers toute la ville, Ramallah est considérée comme une preuve du progrès économique en Cisjordanie, en dépit du fait qu'elle reste sous l'emprise d'une occupation militaire et est étouffée par les checkpoints, les routes réservées aux colons et le mur d'apartheid. L'étranglement économique de l'ensemble de la Cisjordanie s'aggrave au fur et à mesure que les incursions "sécuritaires" augmentent et que les colonies illégales pénètrent plus profondément dans le territoire palestinien. Avec la croissance industrielle de la ville, Ramallah est devenue un mirage économique souvent cité par les partisans d'Israël contre les critiques de l'occupation.
Ramallah, juillet 2010
Colporter le mythe de la paix économique
A Londres, lors d'une récente session de questions au Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth à la Chambre des Communes, le député conservateur James Clappison a cité le développement économique de Ramallah comme un exemple de la prospérité en Cisjordanie et un signe d'amélioration. Le Secrétaire aux affaires étrangères, William Hague, a répondu en soulignant que Ramallah n'était pas représentative de la situation générale en Cisjordanie occupée.
Des hommes politiques comme Clappison et Louise Ellman (travailliste) cherchent souvent à justifier et à défendre l'occupation continue des territoires palestiniens en citant Ramallah comme un exemple de ce qui arrive lorsque les relations entre le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne s'améliorent. Pourtant, alors que Ramallah est utilisée comme exemple, elle dément elle-même ses propres succès ; à côté des constructions de nouvelles maisons et immeubles, il y a les camps qui abritent les réfugiés palestiniens de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Cependant, au plan international, les hommes politiques ont colporté le message que la paix dans la région s'enracinerait réellement avec le développement d'une harmonie économique entre Israël et la Palestine porté par l'Autorité palestinienne (basée à Ramallah), principal interlocuteur dans le processus de paix au point mort.
Pendant le mandat de Tony Blair au poste de premier Ministre de Grande-Bretagne et dans la perspective des élections palestiniennes de 2006, les pays du G7 ont souhaité une plus grande coopération économique entre Israël et l'Autorité palestinienne. Le député Ed Balls, alors Ministre du Trésor du gouvernement de Sa Majesté, a dit qu'il croyait que "la revitalisation économique [serait] un catalyseur pour la paix." Il y eut à l'époque des appels à la reconstruction de l'infrastructure en Cisjordanie, à la création d'emplois et à l'ouverture des frontières pour régénérer la communauté palestinienne. Depuis, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé à une "paix économique" entre Israël et la Palestine. Ce qui fournirait bien sûr un substitut commode à un véritable accord entre les deux parties, épargnant à Israël la peine d'avoir à répondre des nombreux abus qu'il commet avec son occupation. Beaucoup espéraient, au sein de la communauté internationale, que le développement économique créerait une économie prospère qui atténuerait les problèmes sociaux auxquels sont confrontés les Palestiniens vivant sous occupation illégale.
Pourtant, Israël a maintenu ses restrictions sur le développement, même si, selon la théorie, la revitalisation économique devait servir de force motrice pour la paix et la justice sociale. L'économie palestinienne est l'une des nombreuses victimes de l'occupation illégale des Territoires palestiniens, en dépit des affirmations que le développement industriel et commercial à Ramallah est beaucoup plus qu'une façade.
La bulle de Ramallah
Ramallah est en fait une bulle, à l'intérieur de l'économie palestinienne de la Cisjordanie, qui ne demande qu'à éclater. En tant que siège de l'Autorité palestinienne et du Conseil législatif palestinien, ainsi que de nombreux immeubles gouvernementaux et politiques, Ramallah a bénéficié d'investissements financiers internationaux. Par exemple, 112 millions de livres sterling ont été données par le Service du développement international de Grande-Bretagne entre mars 2008 et 2011 pour financer un projet de gouvernement général et de société civile. Avec la croissance de Ramallah comme centre politique et administratif de la Cisjordanie, la ville a attiré une population croissante, avec des gens venant de toute la Cisjordanie à la recherche d'un emploi. Ce déplacement de population a entraîné une croissance du secteur privé, de sorte que Ramallah est lentement mais surement devenue le centre économique de la Cisjordanie. De nouveaux immeubles ont surgi dans toute la ville pour loger les nouveaux arrivants, les sociétés et autres entreprises commerciales et financières. En juillet 2010, des visiteurs faisaient remarquer que la croissance de la construction depuis leur première visite après la deuxième Intifada leur faisait penser au boom de la construction dans les Émirats Arabes Unis.
Bien que l'essentiel du développement économique soit financé par l'aide internationale, il faut signaler que la ville a bénéficié d'importants investissements venant d'expatriés, qui ont accéléré et intensifié les projets de construction. En parcourant Ramallah, on rencontre les caractéristiques de beaucoup d'autres villes modernes, comme des bowlings, des hôtels, des restaurants et des cafés, nouvelle impression cosmopolite que la ville encourage. La chaîne hôtelière de luxe Monvenpick a prévu d'ouvrir son premier hôtel palestinien à Ramallah.
Néanmoins, Janet Mikael, maire de Ramallah, a dit dans un entretien avec le Groupe de travail américain (American Task Force) sur la Palestine que si la croissante est bienvenue, Ramallah n'est pas la "nouvelle Jérusalem", et c'est là que réside le problème. Alors que la ville semble prendre son essor, le peuple palestinien continue d'espérer que Jérusalem soit la future capitale de son État. Ramallah est séparée de Jérusalem par un réseau de barrages et de checkpoints israéliens, le mur d'apartheid et autres incursions israéliennes dans les Territoires occupés qui rendent très difficile le moindre trajet entre les deux villes. Ce qui devrait être un trajet de dix minutes entre les deux villes est sujet à tellement d'obstacles placés par "les partenaires israéliens pour la paix" que le trajet peut prendre de nombreuses heures, selon les caprices des soldats aux checkpoints.
Dans l'entretien mentionné ci-dessus, le maire de Ramallah décrivait l'occupation et la colonisation de la Cisjordanie, illégales selon le droit international, comme les obstacles à la croissance économique de la ville, la "situation politique" empêchant la croissance. Toutefois, affichant la volonté omniprésente dans la ville, elle notait qu'en dépit de l'occupation, les Palestiniens continuaient à encourager sa croissance et ne voulaient pas laisser l'occupation les étrangler. L'occupation a sans aucun doute freiné la croissance au-delà du périmètre de Ramallah ; les entreprises ne peuvent pas faire de commerce avec les autres parties de la Cisjordanie parce que les transports entre les villes et les villages sont entravés par le mur, les routes réservées aux colons et les nombreux checkpoints et barrages routiers. L'occupation rend pratiquement impossible les exportations et les importations, de même qu'elle étouffe les aspirations commerciales, avec des effets désastreux sur la population active.
Ainsi Ramallah est dans sa propre bulle économique et alors que le Fond Monétaire International prévoit que l'économie cisjordanienne atteigne une croissance de 8 à 10%, l'effet en temps réel sera minime tandis que la pauvreté reste élevée, avec une estimation de 60% de la population vivant sous le seuil de pauvreté officiel.
La vérité économique
Dans un classement de la Banque Mondiale sur la facilité à faire des affaires dans 156 pays, la Palestine est au 135ème rang. Sans surprise, la Banque Mondiale indique que la Palestine reste l'un des pays les plus difficiles pour les entreprises, malgré une certaine croissance de l'économie de la Cisjordanie (gonflée principalement par les statistiques de Ramallah). Malgré les énormes ressources naturelles disponibles en Cisjordanie, le secteur agricole ne se monte qu'à 17% de la population active ; 68% de la population active travaille dans le secteur tertiaire. La Banque Mondiale a décrit l'occupation illégale de la Cisjordanie comme ayant créé "un ensemble fragmenté d'ilots ou d'enclaves sociales et économiques coupées les unes des autres" qui a étouffé l'économie palestinienne. Elle note que "l'appareil de contrôle (...) a une incidence sur tous les aspects de la vie palestinienne, y compris les possibilités d'emploi, de travail et de revenus."
A cause de l'occupation permanente, l'économie palestinienne est restée complètement tributaire de l'aide internationale. En 2008, l'investissement étranger a été estimé à environ 1,8 milliard de dollars, ce qui représente 487 dollars par Palestinien et par an en Cisjordanie. L'Autorité palestinienne étant l'un des principaux employeurs dans les Territoires palestiniens occupés, beaucoup de gens dépendent de l'aide internationale de "développement" qui finance l'AP pour payer leurs salaires. Bien qu'il y ait eu de nombreux appels pour que l'AP développe ses propres sources de financement, elle reste victime de l'occupation comme le reste de l'économie cisjordanienne, incapable de se centrer sur son propre programme économique national, tandis qu'elle court après un règlement de paix et des négociations avec Israël et que ses responsables sont des "esclaves salariés" redevables à la puissance occupante. L'économie de la Cisjordanie reste sous l'emprise des Israéliens, qui exercent un contrôle total sur les Territoires occupés. En novembre 2010, le Portland Trust rapportait que la Banque mondiale avait encore augmenté son financement à l'AP de 40 millions de dollars. Pourtant, malgré la contribution de l'aide internationale, l'économie de la Cisjordanie reste une victime de l'occupation.
La pauvreté en Cisjordanie - situation de crise
En juin 2010, la Commission européenne a financé un rapport de Save the Children qui déclarait que certaines des régions les plus pauvres de Cisjordanie étaient dans une situation pire que celles de la Bande de Gaza, qui est sous blocus israélien illégal (avec l'aide de l'Égypte et le soutien de l'Occident) depuis l'élection du Hamas en 2006. Malgré le blocus et les destructions provoquées par l'infâme opération israélienne Plomb Durci, qui ne sont toujours pas réparées, certaines parties de la Cisjordanie ont été si gravement endommagées par l'occupation d'Israël que les enfants qui y vivent sont confrontés à des conditions de vie pires que celles de leurs pairs à Gaza. Les zones les pires, selon Save the Children, se trouvent dans la Zone C - la partie de Cisjordanie sous contrôle administratif israélien direct ; les infrastructures sont anéanties et les autorités israéliennes refusent d'autoriser leur revitalisation.
Alors que les colonies illégales sont en expansion dans tous les Territoires palestiniens occupés, la population palestinienne doit arroser les terres qui lui restent avec une fourniture en eau virtuellement inexistante, puisqu'Israël a profité de son contrôle de la nappe phréatique pour la détourner des Palestiniens et la rediriger sur sa propre population et sur les colons illégaux. Israël a également imposé des restrictions sur l'utilisation de la terre, ce qui veut dire que seule une agriculture minimale peut être développée. La production agricole est alors confrontée aux restrictions d'exportations imposées par les forces d'occupation. Le rapport financé par la Commission européenne suggère que c'est le manque d'accès aux produits agricoles frais qui est une des raisons de la malnutrition des enfants en Zone C. Save the Children fait remarquer que le manque de nourriture fraiche est la raison de la plupart des maladies des enfants palestiniens, ce qui est le comble de l'ironie quand on sait que la région est extrêmement fertile et a des produits agricoles en abondance ; Israël est l'un des partenaires commerciaux principaux de l'Union européenne pour les produits agricoles, malgré son bilan catastrophique sur les droits de l'homme. L'accord commercial Union européenne-Israël fait bénéficier les produits israéliens de tarifs d'import-export très favorables, alors même qu'une grande partie des produits viennent des colonies illégales ; des compagnies comme Agrexco ont le monopole du marché des fruits et légumes dans l'Union européenne. Pourtant, selon l'étude de Save the Children, 44% des enfants souffrent de diarrhées, et près de 50% des familles n'ont reçu aucune aide humanitaire internationale pour combattre la pauvreté ou les problèmes de santé. L'enquête estime que 79% de la population de la Zone C n'a pas suffisamment de nourriture, le chiffre dans la Bande de Gaza est de 61%.
Les maisons, les écoles et les routes n'étant pas entretenues à cause du refus de l'autorité israélienne de délivrer des permis de construire et des autorisations pour les travaux de restauration, l'infrastructure continue de se détériorer dans toute la Cisjordanie. Ce sont les caprices israéliens qui ont conduit à une pauvreté totalement créée par l'homme en Cisjordanie, et la communauté internationale ferme plus au moins les yeux. Pendant qu'Israël étrangle l'économie palestinienne et maintient son occupation militaire, les gouvernement occidentaux font l'autruche et décrivent Ramallah comme le phare de la réussite économique, concluant que si Ramallah a réussi à se développer de manière aussi efficace, alors la situation en Cisjordanie au sens plus large ne peut pas être aussi mauvaise que le prétendent les critiques.
Là est le danger, parce que le développement de Ramallah fait partie d'une tromperie massive colportée en toute bonne foi par les médias et citée en exemple par les hommes politiques. Il devrait être évident que ce ne peut être un reflet fidèle de la situation globale en Cisjordanie, tant que des zones de Cisjordanie seront pires que celles du "camp de prisonniers" de Gaza, comme l'a décrit l'an dernier le Premier ministre britannique David Cameron. Le mythe de la réussite économique masque la vérité - Israël continue d'infliger le supplice de l'occupation, par tous les moyens à sa disposition, y compris en détruisant l'économie palestinienne.
Ramallah est un mirage utile pour les autorités israéliennes mais derrière la façade de la paix et de la stabilité économiques, le gouvernement israélien continue de coloniser la terre qu'il occupe illégalement. La communauté internationale est aveuglée par la réussite économique limitée de Ramallah, pendant que le reste de la Cisjordanie occupée et la Bande de Gaza restent asphyxiées de la manière la plus brutale qu'on puisse imaginer.
Colporter le mythe de la paix économique
A Londres, lors d'une récente session de questions au Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth à la Chambre des Communes, le député conservateur James Clappison a cité le développement économique de Ramallah comme un exemple de la prospérité en Cisjordanie et un signe d'amélioration. Le Secrétaire aux affaires étrangères, William Hague, a répondu en soulignant que Ramallah n'était pas représentative de la situation générale en Cisjordanie occupée.
Des hommes politiques comme Clappison et Louise Ellman (travailliste) cherchent souvent à justifier et à défendre l'occupation continue des territoires palestiniens en citant Ramallah comme un exemple de ce qui arrive lorsque les relations entre le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne s'améliorent. Pourtant, alors que Ramallah est utilisée comme exemple, elle dément elle-même ses propres succès ; à côté des constructions de nouvelles maisons et immeubles, il y a les camps qui abritent les réfugiés palestiniens de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Cependant, au plan international, les hommes politiques ont colporté le message que la paix dans la région s'enracinerait réellement avec le développement d'une harmonie économique entre Israël et la Palestine porté par l'Autorité palestinienne (basée à Ramallah), principal interlocuteur dans le processus de paix au point mort.
Pendant le mandat de Tony Blair au poste de premier Ministre de Grande-Bretagne et dans la perspective des élections palestiniennes de 2006, les pays du G7 ont souhaité une plus grande coopération économique entre Israël et l'Autorité palestinienne. Le député Ed Balls, alors Ministre du Trésor du gouvernement de Sa Majesté, a dit qu'il croyait que "la revitalisation économique [serait] un catalyseur pour la paix." Il y eut à l'époque des appels à la reconstruction de l'infrastructure en Cisjordanie, à la création d'emplois et à l'ouverture des frontières pour régénérer la communauté palestinienne. Depuis, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé à une "paix économique" entre Israël et la Palestine. Ce qui fournirait bien sûr un substitut commode à un véritable accord entre les deux parties, épargnant à Israël la peine d'avoir à répondre des nombreux abus qu'il commet avec son occupation. Beaucoup espéraient, au sein de la communauté internationale, que le développement économique créerait une économie prospère qui atténuerait les problèmes sociaux auxquels sont confrontés les Palestiniens vivant sous occupation illégale.
Pourtant, Israël a maintenu ses restrictions sur le développement, même si, selon la théorie, la revitalisation économique devait servir de force motrice pour la paix et la justice sociale. L'économie palestinienne est l'une des nombreuses victimes de l'occupation illégale des Territoires palestiniens, en dépit des affirmations que le développement industriel et commercial à Ramallah est beaucoup plus qu'une façade.
La bulle de Ramallah
Ramallah est en fait une bulle, à l'intérieur de l'économie palestinienne de la Cisjordanie, qui ne demande qu'à éclater. En tant que siège de l'Autorité palestinienne et du Conseil législatif palestinien, ainsi que de nombreux immeubles gouvernementaux et politiques, Ramallah a bénéficié d'investissements financiers internationaux. Par exemple, 112 millions de livres sterling ont été données par le Service du développement international de Grande-Bretagne entre mars 2008 et 2011 pour financer un projet de gouvernement général et de société civile. Avec la croissance de Ramallah comme centre politique et administratif de la Cisjordanie, la ville a attiré une population croissante, avec des gens venant de toute la Cisjordanie à la recherche d'un emploi. Ce déplacement de population a entraîné une croissance du secteur privé, de sorte que Ramallah est lentement mais surement devenue le centre économique de la Cisjordanie. De nouveaux immeubles ont surgi dans toute la ville pour loger les nouveaux arrivants, les sociétés et autres entreprises commerciales et financières. En juillet 2010, des visiteurs faisaient remarquer que la croissance de la construction depuis leur première visite après la deuxième Intifada leur faisait penser au boom de la construction dans les Émirats Arabes Unis.
Bien que l'essentiel du développement économique soit financé par l'aide internationale, il faut signaler que la ville a bénéficié d'importants investissements venant d'expatriés, qui ont accéléré et intensifié les projets de construction. En parcourant Ramallah, on rencontre les caractéristiques de beaucoup d'autres villes modernes, comme des bowlings, des hôtels, des restaurants et des cafés, nouvelle impression cosmopolite que la ville encourage. La chaîne hôtelière de luxe Monvenpick a prévu d'ouvrir son premier hôtel palestinien à Ramallah.
Néanmoins, Janet Mikael, maire de Ramallah, a dit dans un entretien avec le Groupe de travail américain (American Task Force) sur la Palestine que si la croissante est bienvenue, Ramallah n'est pas la "nouvelle Jérusalem", et c'est là que réside le problème. Alors que la ville semble prendre son essor, le peuple palestinien continue d'espérer que Jérusalem soit la future capitale de son État. Ramallah est séparée de Jérusalem par un réseau de barrages et de checkpoints israéliens, le mur d'apartheid et autres incursions israéliennes dans les Territoires occupés qui rendent très difficile le moindre trajet entre les deux villes. Ce qui devrait être un trajet de dix minutes entre les deux villes est sujet à tellement d'obstacles placés par "les partenaires israéliens pour la paix" que le trajet peut prendre de nombreuses heures, selon les caprices des soldats aux checkpoints.
Dans l'entretien mentionné ci-dessus, le maire de Ramallah décrivait l'occupation et la colonisation de la Cisjordanie, illégales selon le droit international, comme les obstacles à la croissance économique de la ville, la "situation politique" empêchant la croissance. Toutefois, affichant la volonté omniprésente dans la ville, elle notait qu'en dépit de l'occupation, les Palestiniens continuaient à encourager sa croissance et ne voulaient pas laisser l'occupation les étrangler. L'occupation a sans aucun doute freiné la croissance au-delà du périmètre de Ramallah ; les entreprises ne peuvent pas faire de commerce avec les autres parties de la Cisjordanie parce que les transports entre les villes et les villages sont entravés par le mur, les routes réservées aux colons et les nombreux checkpoints et barrages routiers. L'occupation rend pratiquement impossible les exportations et les importations, de même qu'elle étouffe les aspirations commerciales, avec des effets désastreux sur la population active.
Ainsi Ramallah est dans sa propre bulle économique et alors que le Fond Monétaire International prévoit que l'économie cisjordanienne atteigne une croissance de 8 à 10%, l'effet en temps réel sera minime tandis que la pauvreté reste élevée, avec une estimation de 60% de la population vivant sous le seuil de pauvreté officiel.
La vérité économique
Dans un classement de la Banque Mondiale sur la facilité à faire des affaires dans 156 pays, la Palestine est au 135ème rang. Sans surprise, la Banque Mondiale indique que la Palestine reste l'un des pays les plus difficiles pour les entreprises, malgré une certaine croissance de l'économie de la Cisjordanie (gonflée principalement par les statistiques de Ramallah). Malgré les énormes ressources naturelles disponibles en Cisjordanie, le secteur agricole ne se monte qu'à 17% de la population active ; 68% de la population active travaille dans le secteur tertiaire. La Banque Mondiale a décrit l'occupation illégale de la Cisjordanie comme ayant créé "un ensemble fragmenté d'ilots ou d'enclaves sociales et économiques coupées les unes des autres" qui a étouffé l'économie palestinienne. Elle note que "l'appareil de contrôle (...) a une incidence sur tous les aspects de la vie palestinienne, y compris les possibilités d'emploi, de travail et de revenus."
A cause de l'occupation permanente, l'économie palestinienne est restée complètement tributaire de l'aide internationale. En 2008, l'investissement étranger a été estimé à environ 1,8 milliard de dollars, ce qui représente 487 dollars par Palestinien et par an en Cisjordanie. L'Autorité palestinienne étant l'un des principaux employeurs dans les Territoires palestiniens occupés, beaucoup de gens dépendent de l'aide internationale de "développement" qui finance l'AP pour payer leurs salaires. Bien qu'il y ait eu de nombreux appels pour que l'AP développe ses propres sources de financement, elle reste victime de l'occupation comme le reste de l'économie cisjordanienne, incapable de se centrer sur son propre programme économique national, tandis qu'elle court après un règlement de paix et des négociations avec Israël et que ses responsables sont des "esclaves salariés" redevables à la puissance occupante. L'économie de la Cisjordanie reste sous l'emprise des Israéliens, qui exercent un contrôle total sur les Territoires occupés. En novembre 2010, le Portland Trust rapportait que la Banque mondiale avait encore augmenté son financement à l'AP de 40 millions de dollars. Pourtant, malgré la contribution de l'aide internationale, l'économie de la Cisjordanie reste une victime de l'occupation.
La pauvreté en Cisjordanie - situation de crise
En juin 2010, la Commission européenne a financé un rapport de Save the Children qui déclarait que certaines des régions les plus pauvres de Cisjordanie étaient dans une situation pire que celles de la Bande de Gaza, qui est sous blocus israélien illégal (avec l'aide de l'Égypte et le soutien de l'Occident) depuis l'élection du Hamas en 2006. Malgré le blocus et les destructions provoquées par l'infâme opération israélienne Plomb Durci, qui ne sont toujours pas réparées, certaines parties de la Cisjordanie ont été si gravement endommagées par l'occupation d'Israël que les enfants qui y vivent sont confrontés à des conditions de vie pires que celles de leurs pairs à Gaza. Les zones les pires, selon Save the Children, se trouvent dans la Zone C - la partie de Cisjordanie sous contrôle administratif israélien direct ; les infrastructures sont anéanties et les autorités israéliennes refusent d'autoriser leur revitalisation.
Alors que les colonies illégales sont en expansion dans tous les Territoires palestiniens occupés, la population palestinienne doit arroser les terres qui lui restent avec une fourniture en eau virtuellement inexistante, puisqu'Israël a profité de son contrôle de la nappe phréatique pour la détourner des Palestiniens et la rediriger sur sa propre population et sur les colons illégaux. Israël a également imposé des restrictions sur l'utilisation de la terre, ce qui veut dire que seule une agriculture minimale peut être développée. La production agricole est alors confrontée aux restrictions d'exportations imposées par les forces d'occupation. Le rapport financé par la Commission européenne suggère que c'est le manque d'accès aux produits agricoles frais qui est une des raisons de la malnutrition des enfants en Zone C. Save the Children fait remarquer que le manque de nourriture fraiche est la raison de la plupart des maladies des enfants palestiniens, ce qui est le comble de l'ironie quand on sait que la région est extrêmement fertile et a des produits agricoles en abondance ; Israël est l'un des partenaires commerciaux principaux de l'Union européenne pour les produits agricoles, malgré son bilan catastrophique sur les droits de l'homme. L'accord commercial Union européenne-Israël fait bénéficier les produits israéliens de tarifs d'import-export très favorables, alors même qu'une grande partie des produits viennent des colonies illégales ; des compagnies comme Agrexco ont le monopole du marché des fruits et légumes dans l'Union européenne. Pourtant, selon l'étude de Save the Children, 44% des enfants souffrent de diarrhées, et près de 50% des familles n'ont reçu aucune aide humanitaire internationale pour combattre la pauvreté ou les problèmes de santé. L'enquête estime que 79% de la population de la Zone C n'a pas suffisamment de nourriture, le chiffre dans la Bande de Gaza est de 61%.
Les maisons, les écoles et les routes n'étant pas entretenues à cause du refus de l'autorité israélienne de délivrer des permis de construire et des autorisations pour les travaux de restauration, l'infrastructure continue de se détériorer dans toute la Cisjordanie. Ce sont les caprices israéliens qui ont conduit à une pauvreté totalement créée par l'homme en Cisjordanie, et la communauté internationale ferme plus au moins les yeux. Pendant qu'Israël étrangle l'économie palestinienne et maintient son occupation militaire, les gouvernement occidentaux font l'autruche et décrivent Ramallah comme le phare de la réussite économique, concluant que si Ramallah a réussi à se développer de manière aussi efficace, alors la situation en Cisjordanie au sens plus large ne peut pas être aussi mauvaise que le prétendent les critiques.
Là est le danger, parce que le développement de Ramallah fait partie d'une tromperie massive colportée en toute bonne foi par les médias et citée en exemple par les hommes politiques. Il devrait être évident que ce ne peut être un reflet fidèle de la situation globale en Cisjordanie, tant que des zones de Cisjordanie seront pires que celles du "camp de prisonniers" de Gaza, comme l'a décrit l'an dernier le Premier ministre britannique David Cameron. Le mythe de la réussite économique masque la vérité - Israël continue d'infliger le supplice de l'occupation, par tous les moyens à sa disposition, y compris en détruisant l'économie palestinienne.
Ramallah est un mirage utile pour les autorités israéliennes mais derrière la façade de la paix et de la stabilité économiques, le gouvernement israélien continue de coloniser la terre qu'il occupe illégalement. La communauté internationale est aveuglée par la réussite économique limitée de Ramallah, pendant que le reste de la Cisjordanie occupée et la Bande de Gaza restent asphyxiées de la manière la plus brutale qu'on puisse imaginer.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM