vendredi 24 décembre 2010

Résigné au froid avec Ankara, Israël se tourne vers les Balkans

24/12/2010
L'État hébreu cherche à éviter son isolement régional si le processus de paix continue de piétiner.
Israël est forcé de faire son deuil de ses relations privilégiées avec la Turquie, longtemps son unique allié stratégique dans la région, et se tourne désormais vers les Balkans.
« Il y a une étonnante et constante amélioration de nos relations avec la Grèce, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie et d'autres, avec lesquels notre coopération s'est accrue à tous les niveaux », a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Ygal Palmor. « Ce réchauffement est un développement naturel dont nous nous réjouissons, et ne constitue pas une mesure de substitution dirigée contre un pays tiers », a toutefois souligné M. Palmor, faisant allusion à la Turquie.
Les relations entre Israël et la Turquie, jadis alliés, sont au plus bas depuis l'incident du 31 mai, au cours duquel neuf Turcs ont été tués par un commando israélien sur un ferry turc qui transportait de l'aide humanitaire destinée à la population palestinienne de la bande de Gaza. Les deux pays sont liés depuis 1996 par d'importants accords portant sur la défense et la haute technologie. Épaulés par Washington, ils participaient régulièrement à des manœuvres militaires conjointes aériennes et navales. Signe de la confiance mutuelle, des négociations indirectes de paix syro-israéliennes étaient même menées par l'intermédiaire d'Ankara jusqu'à l'offensive israélienne contre la bande de Gaza pendant l'hiver 2008-2009. Le président américain Barack Obama a encouragé récemment Israël et la Turquie, « deux alliés-clés des États-Unis, à faire tout leur possible pour restaurer leurs relations », des pourparlers bilatéraux s'étant engagés en ce sens au début du mois à Genève. Mais, interrogé sur la réorientation d'Ankara en direction des pays arabes et surtout de l'Iran, ennemi juré de l'État hébreu, un haut responsable israélien reconnaît, en privé, que « les relations avec la Turquie ne seront plus jamais les mêmes ».
L'impact économique le plus visible est le tourisme : les quelque 300 000 visiteurs israéliens qui fréquentaient chaque année la Turquie ont déserté ce pays en 2010. Toutefois, la rupture est loin d'être consommée, puisque les échanges commerciaux bilatéraux ont augmenté de 30 % durant les onze derniers mois par rapport à la même période de 2009. Les importations israéliennes depuis la Turquie ont atteint 1,6 milliard de dollars et les exportations 1,2 milliard (contre respectivement 1,2 milliard et 974 millions en 2009), sans compter les échanges liés aux armements.
Mais parallèlement, Israël a profité du rééquilibrage de la politique de la Grèce, traditionnellement proarabe et hostile à Ankara, scellé en août par la visite à Athènes de Benjamin Netanyahu, la première d'un chef de gouvernement israélien, suivie d'accords de coopération militaire et économique. L'État hébreu envisage d'exporter vers l'Europe via la Grèce du gaz naturel émanant de gisements découverts au large de son littoral méditerranéen. Un accord dénoncé par la Turquie vient en outre d'être signé entre Israël et Chypre, délimitant les zones économiques des deux pays en Méditerranée.
Désormais privé de l'espace aérien turc pour les entraînements de son aviation, Israël, vu son territoire exigu, procède à présent régulièrement à des exercices aériens conjoints avec la Grèce, la Roumanie et la Bulgarie.
« Nos relations avec la Turquie sont au plus bas et nous avons donc cherché de nouveaux amis dans les Balkans. C'est très intéressant, mais c'est un pis-aller car Israël se trouve au Proche-Orient », explique à l'AFP Allon Liel, ex-ambassadeur d'Israël à Ankara. Il relève que la Turquie a récemment signé un « très important » accord de coopération économique et culturelle quadripartite avec la Syrie, le Liban et la Jordanie, et met en garde contre « l'isolement régional d'Israël, si le processus de paix continue de piétiner ».