dimanche 17 octobre 2010

« Je cherche toujours la tête de mon fils » - Beit Hanoun, Gaza

Gaza - 16-10-2010

Par Anne Paq 
La « zone tampon », la « no-go zone », le « no man's land » ... peu importe le nom, c'est une zone effrayante et dévastée. Elle peut aussi s'avérer mortelle pour les rares personnes qui osent encore s'y aventurer. Dans cette zone non définie si ce n'est par des balles, chaque semaine, des Palestiniens se font tirer dessus. Ils ne savent même pas d'où viennent les balles ou les obus.














Walid, le père du jeune Ismaël, devant le portrait de son fils tué par l'armée sioniste. (Photo Anne Paq/Activestills.org.)

Le 13 Septembre 2010, Ibrahim Abu Sayed, âgé de 91 ans, avec Hossam son petit fils de 17 ans, et son ami Ismail Abu Oda (16 ans), s'est rendu sur ses terres avec leurs animaux. La journée devait être belle et joyeuse, ils avaient préparé un barbecue et du thé, mais elle a viré au cauchemar. Il y un obus, puis un autre plus proche, et le troisième qui les a frappés directement, tuant les deux garçons et le vieil homme, et tous les animaux instantanément.
Les corps ont été mutilés. Pour le père d'Ismaïl à qui nous avons rendu visite, cela ne pouvait pas être une erreur : « Les soldats israéliens les connaissaient, ils se rendaient toujours sur les terres. Ils connaissent tous les agriculteurs de cette zone. Un homme de 91 ans et deux enfants sont-ils des terroristes ??! »
L'armée israélienne a reconnu que c'était une erreur. Une autre erreur mortelle.
Aujourd'hui encore un autre jeune a été blessé par balles dans le nord de Gaza alors qu'ils collectaient des débris pour les revendre.
Ces « erreurs » sont en réalité des actes de terreur contre les civils qui osent se tenir debout sur leurs terres, à la vue d'Israël. C'est peut-être le véritable crime pour les Palestiniens, de rester visibles, de rester à vue. Il est bien plus simple d'oppresser un peuple qu'on ne voit pas.
Alors que je travaillais au centre de la bande de Gaza, près de la zone tampon, on m'a dit de ne pas pointer mon appareil photo en direction du Mur alors que nous étions à au moins 1 km de la frontière. Ensuite, alors que nous voulions nous garer sur la route, un habitant nous a dit de ne pas laisser la voiture ici – « Ce serait suspect. » Alors j'ai demandé « Et est-ce qu'il est permis de respirer ? Est-ce que cela aussi, c'est suspect ? »
Ce qui est frappant à cet endroit, c'est que sur un côté (Est), on peut voir la frontière, et que de l'autre côté (ouest), on peut voir la mer... voila combien la bande de Gaza est minuscule. En poussant plus loin les habitants de Gaza de la frontière, les Israéliens les poussent à la mer, une expression bien trop familière.
Selon Walid, le père d'Ismaël, ils ont maintenant peur de retourner sur les terres. Il ne s'y rend que vers 6 heures du matin pour tenter d-e trouver la tête de son fils qui manque. Le matin même, il a dit qu'il avait ramassé un morceau sur un arbre, mais il n'était pas sûr qu'il était de son fils, il provenait peut être des animaux. Ismaël, nous dit-il, était un fils aimant et respectueux, qui était habile et très doué en mécanique.
Alors que Walid nous a montré les fléchettes qui étaient dans l'obus qui a déchiqueté Ismaël, j'ai senti comme si elles m'atteignaient en plein cœur. Je vais survivre, mais pas Walid ni les victimes de toutes les « erreurs », toutes aussi innombrables qu'inexcusables, à venir.

Un enfant palestinien travaille sur la terre, quelques mètres près de l'endroit ou il y a quelques semaines trois personnes se sont faites tuées par l’armée israélienne. (Photo Anne Paq/Activestills.org.)
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