Adri Nieuwhof - E.I
La semaine dernière le journal israélien, Haaretz rapportait que le consortium qui détient le contrat du projet de tramway controversé de Jérusalem Est a fait un sondage parmi les habitants (juifs NdT) de la ville pour leur demander si cela les ennuierait que des Palestiniens montent dans le tramway.
Le tramway est construit illégalement dans la partie occupée de Jérusalem - Photo : Anne Paq/Active Still
Le mauvais écho qu’a eu le sondage -qualifié de raciste même par les membres du gouvernement israélien- est un retour des choses ironique. Le géant français du transport Véolia, qui joue un rôle central dans le projet qui renforce l’emprise d’Israël sur Jérusalem Est occupée avait utilisé ce procédé douteux des sondages sur les Palestiniens pour donner une meilleure image à son implication dans ce projet.
Le 20 août Haaretz a révélé que Citypass, la holding dont les transports Véolia et une autre firme française Alstom font partie, a réalisé un sondage parmi les habitants de Jérusalem. Citypass a demandé aux habitants (juifs NdT) si cela les dérangeait que le tramway s’arrête dans des quartiers palestiniens de Jérusalem Est qui est occupée et s’ils voyaient un inconvénient à ce que les passagers, aussi bien juifs que palestiniens, y montent librement "sans subir de contrôle de sécurité".
Les responsables de la municipalité et le ministère des Transports israéliens ont qualifié les questions posées de "racistes". Le Directeur Général de la municipalité de Jérusalem, Yair Maayan, a fait un courrier à Citypass dont voici un extrait : "Nous sommes sidérés de voir qu’un consortium commercial privé ose se mêler de ces questions qui ne sont aucunement de son ressort, et ose poser de telles questions racistes et provoquer des luttes et des conflits dans la ville".
Le tramway de Jérusalem fait partie du "Plan Directeur des Transports à Jérusalem" élaboré par le gouvernement israélien et la municipalité de Jérusalem. Des militants ont fait pression sur Véolia et Alstom à cause de leur participation à ce projet qui a pour but de desservir les colonies israéliennes. La première ligne de tramway relie, en violation des règles internationales, Jérusalem Ouest (peuplée de Juifs NdT) à des colonies illégales établies autour de Jérusalem Est qui est palestinienne et se trouve en Cisjordanie occupée.
Les colonies israéliennes des territoires occupés de la Cisjordanie et l’annexion de Jérusalem Est sont illégales au regard du droit international. Leur illégalité a été confirmée par de nombreuses résolutions de l’ONU ainsi que par l’avis que la Cour Internationale de Justice a rendu au sujet du mur qu’Israël a construit en Cisjordanie occupée. En conséquence les militants soutiennent que Véolia est directement impliqué dans le maintien des colonies illégales de Cisjordanie et l’annexion de Jérusalem Est, la partie palestinienne de la ville. En mai 2006, les transports Véolia ont répondu aux critiques en disant "qu’ils allaient rechercher un avis légal indépendant afin de mieux comprendre la situation".
La firme s’est offert les services de Ove Bring, professeur émérite de l’université de droit international de Stockholm et du collège national de la défense suédois. Bring a dit à Véolia qu’étant donné que l’occupation d’Israël était illégale, on pouvait présumer que le projet de tramway était illégal aussi. Il a ajouté que la présomption d’illégalité pouvait être levée s’il s’avérait que la population palestinienne profitait du tramway.
Or l’Organisation Palestinienne de Libération (PLO) s’est opposée à la participation de Véolia au projet depuis le début. Dans un communiqué de presse du 11 juillet 2001, la PLO a déclaré que le projet "fait du tort aux Palestiniens et viole ses droits à l’auto-détermination". En 2005 la PLO a demandé à Véolia de ne pas participer au projet, et en 2007 la PLO a traduit Véolia en justice en France. Les objections ont été présentées à une conférence de presse en novembre 2009 tenue par le comité national (BNC) de BDS (Boycott, désinvestissement and sanctions) qui représente plus de 170 organisations civiles palestiniennes qui a déclaré son opposition au projet.
Véolia n’a tenu aucun compte des objections des organisations palestiniennes. La firme a déclaré sur son site Web que la controverse autour de sa participation au projet était " largement alimentée par quelques ONG (organisations non gouvernementales) pro-palestiniennes et la presse anglo-saxonne et scandinave" ("le trajet du tramways de Jérusalem").
Pour essayer d’échapper aux accusations des principales organisations palestiniennes, Véolia a commandé toute une série de sondages en 2007 et 2009 pour aller dans le sens que le professeur Bring leur avait suggéré. Véolia s’est vanté de ce que les sondages montraient que la population des quartiers palestiniens occupés de Jérusalem soutenait fortement le projet. Cependant on peut douter de la sincérité de ces sondages car l’entreprise n’a fourni aucun élément sur leur méthodologie, les questions posées ou les caractéristiques des personnes interrogées, et a refusé de clarifier ces questions.
Interrogé par Electronic Intifada, Bring a répondu : "Si Véolia ne veut pas s’expliquer sur l’information qu’ils détiennent, cela ne les met pas en position crédible pour affirmer que le tramway profite à la population palestinienne".
La mère, âgée de 83 ans, d’un habitant de Jérusalem Est, Ramzi Zaniniri, a été interrogée au téléphone. Elle a accepté de participer au sondage. Mais selon Zaniniri : "Les gens [des quartiers palestiniens] de Shuafat et Beit Hanina, comme ma mère n’ont aucune idée du trajet du tramway, ni s’il va être construit sur de la terre confisquée aux Palestiniens au non".
2000 mètres carrés de terre appartenant à Mahmoud al-Mashni qui habite à Shuafat ont été confisqués pour le projet du tramway et plus de terre encore sera confisquée pour construire le parking de la gare. "Ce n’est pas bon pour nous, cela profite seulement aux colonies juives" a expliqué al-Mashni à Electronic Intifada au cours d’un interview téléphonique. "Nous n’avons pas les moyens de payer le prix du billet. Un billet coûtera 15 shekels (4 dollars). Nos revenus sont très modestes. Le bus pour aller à Jérusalem Est ne nous coûte que quatre shekels (un dollar)".
Le 31 janvier 2008, le Jerusalem Post a rapporté que les habitants de Shafat considèrent le tramway plus comme un fardeau que comme un avantage. Abed Dari, un enseignant de Shuafat a dit au journal : "Ils disent qu’ils ouvrent une ligne de tramway pour faciliter la vie des habitants mais nous constatons que cela nous complique la vie. Ici tout le monde a besoin de la grand-route pour aller à Jérusalem mais beaucoup de voies sont bloquées par le tramway."
Selon al-Mashi, comme le tramway utilise la moitié de la largeur de la route qui traverse Shuafat, il n’est plus possible de traverser la rue. Le trafic est maintenant réduit à deux voies dans chaque direction causant des embouteillages quand les bus ou les voitures s’arrêtent au bord de la route. Aux heures de prière, les voitures stationnent en file près de la mosquée et il ne reste plus qu’une seule voie."
Véolia a toujours besoin de faire la difficile preuve que le projet de tramway profitera à la population palestinienne et est réalisé avec leur consentement. Car comme le militant palestinien Rifat Kassis a dit à Electronic Intifada : "On ne peut blanchir ce projet illégal grâce à un ’sondage d’opinion’ ou un autre qui peut être réalisé d’une manière sélective et trompeuse dans le but de faire croire que quelques Palestiniens des territoires occupés sont ’contents’ de ce projet clairement colonial qui cimentera l’occupation israélienne et son contrôle sur la ville occupée."
* Adri Nieuwhof est avocate, conseiller et défenseur des droits de l’homme, travaillant en Suisse.
26 août 2010 - The Electronique Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Tradution de l’anglais : Dominique Muselet
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Tradution de l’anglais : Dominique Muselet