Luis Lema
Certains se sont amusés à les compter : 559 mots sur un total de 5000. Dans son récent discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, destiné à expliciter les priorités de l’Amérique, Barack Obama a consacré davantage de temps au conflit israélo-palestinien qu’à n’importe quel autre thème, fût-ce la prolifération nucléaire ou le changement climatique. Mais la région s’impatiente. Et la décision des Etats-Unis de s’opposer, vendredi à Genève, à la résolution sur le rapport Goldstone (lire ci-dessous) n’a fait que confirmer l’idée, de plus en plus répandue dans le monde arabe, que la politique de l’administration américaine actuelle n’est que la continuation des précédentes, revêtue de beaux discours.
« Espoirs évaporés »
« Nos espoirs se sont évaporés », affirmait récemment un rapport interne du Fatah (le mouvement du président palestinien) censé rester secret. Oublié, le discours prononcé par Barack Obama au Caire, qui avait soulevé l’enthousiasme du monde arabe. Le président américain, estime ce rapport, « n’a pas pu résister au lobby sioniste, qui l’a amené à abandonner ses positions. » La vue est similaire de l’autre côté du spectre. Visiblement soulagée, l’Organisation sioniste américaine (The Zionist Organization of America, ZOA) applaudissait la position adoptée par Obama, qu’elle juge « basée sur les principes et la morale ».
Accord global
Les spécialistes de la question à Washington relativisent pourtant ces prises de position, destinées avant tout aux opinions internes. Après avoir conclu un accord, au moins tacite, avec l’administration américaine, ce sont bien les Palestiniens qui sont revenus à la charge en ramenant la question devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. « Franchement, les officiels américains n’ont pas prévu la tempête qu’allait soulever le rapport Goldstone, affirme Amjad Atallah, de la New America Foundation. Le Fatah doit aussi assumer la responsabilité de ne pas avoir expliqué clairement aux Américains ce qui était en jeu. C’était aux Palestiniens de faire en sorte de défendre leurs propres intérêts. »
L’action de Barack Obama se résumant à de beaux discours, le chercheur n’y croit pas. « Toutes les politiques commencent par des mots. Le président a articulé un très haut objectif, duquel il n’est pas redescendu. Il cherche un accord global sur le statut final (Jérusalem, frontières, réfugiés…), la fin de l’occupation qui a commencé en 1967, et des traités de paix avec la Palestine, le Liban et la Syrie », rappelle Amjad Atallah. Le travail sera encore long. « Les « discours » d’Obama représentent la fondation de l’édifice. Ils sont nécessaires mais pas suffisants. » Tandis que la diplomatie battait son plein à Genève, deux hauts fonctionnaires israéliens annulaient leur vol de retour à Tel-Aviv, priés de rester plus longtemps à Washington par George Mitchell, le responsable américain du Proche-Orient. Les négociateurs palestiniens suivront ce week-end. Et la rumeur veut que la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, s’envole bientôt pour la région afin de juger si les conditions sont réunies pour relancer les négociations de paix.
Certes, Barack Obama n’a pas obtenu de Benyamin Netanyahou le gel des colonies israéliennes, et aucune menace américaine n’a accompagné cette rebuffade. Mais à Washington, peu sont ceux qui interprètent cet épisode comme une pure victoire pour Israël. Plutôt que d’entrer dans une interminable négociation à propos du gel des colonies, comme le voulait « Bibi » Netanyahou, l’administration américaine a pris acte du refus israélien. Mais elle a montré qu’elle persévérait à s’en tenir aux questions relatives à un règlement final.
George Mitchell continue de répéter à qui veut l’entendre qu’il lui avait fallu sept cents jours avant de voir se dessiner la paix en Irlande du Nord, dont il fut le principal architecte. Au Proche-Orient, cependant, la montée de fièvre autour du rapport Goldstone montre assez que les choses ne seront pas plus simples. « Les Etats-Unis essaient encore d’éviter qu’Israël ait à rendre des comptes devant la justice internationale, poursuit Amjad Atallah, même au prix de défendre le Hamas par la même occasion. Mais surtout, au risque de perdre les gains accumulés grâce au discours du Caire et aux premiers succès face à l’Iran. Il y a un coût à rendre la position d’Israël plus confortable avant qu’il puisse accepter de mettre fin à l’occupation. »
publié par Le Temps