Michel Warschawski
La publication du Rapport de mission de l’ONU sur la dernière guerre de Gaza est un pas important, à la condition qu’il y ait une réelle suite ; mais surtout, il est important pour la santé publique mondiale.
Au cours des deux décennies d’autorité néoconservatrice aux États-Unis, nous avons été témoins d’un effort conjoint de la Maison Blanche et d’Israël pour abolir les normes du droit international. Nous pouvons ici rappeler le commentaire stupide de George W. Bush affirmant que, dans le cadre de la guerre globale contre le terrorisme, il était indispensable d’abolir les restrictions infligées aux combattants par les Conventions de Genève ! Déjà au début des années 70, Israël avait décrété que la quatrième convention de Genève ne s’appliquait pas pour les Territoires palestiniens occupés.
Le rapport, et avant lui l’avis consultatif de la Cour pénale internationale sur les conséquences juridiques de la construction d’un mur dans les territoires palestiniens occupés, rappellent au monde que les leçons résultant de l’ère nazie ne sont pas oubliées, et que le monde n’est pas une jungle dans laquelle le plus fort domine forcément, mais une communauté civilisée, qui s’efforce d’agir en accord avec les lois internationales en protégeant les droits les plus fondamentaux des êtres humains. Et pour ceux qui soutiennent, à juste titre, que ces normes internationales sont violées chaque jour par une majorité des pays du monde, nous devons répondre qu’il vaut mieux qu’il existe des normes et des lois protégeant les faibles, même si elles ne sont généralement pas observées, plutôt que vivre dans une société sans loi qui permettrait aux plus forts de faire ce qu’ils veulent.
Les réponses des leaders israéliens étaient attendues : « rapport biaisé », « approche unilatérale » et nous avons même entendu que Goldstone était antisémite… ou un juif haineux envers lui-même. À la tête de cette campagne, et cela pouvait-il être autrement, se place Ehud Barak, qui a déclaré « non seulement ce rapport donne un prix au terrorisme, mais il l’encourage aussi !! ». Barak a ajouté que le Ministère de la Défense fournirait des conseils juridiques aux officiers contre lesquels des procédures judiciaires seraient susceptibles d’être engagées.
Conformément aux règlements du droit international, les recommandations du rapport doivent désormais être débattues au Conseil des Droits de l’Homme et au Conseil de Sécurité, qui devrait quant à lui, transmettre les recommandations à la Cour Internationale de la Hague ou à une cour spéciale internationale, afin que ceux qui sont suspectés de crimes de guerre soient jugés, et s’ils sont déclarés coupables, qu’ils se retrouvent derrière les barreaux pour de longues années. Mais ce même droit international offre toutefois un privilège aux grandes puissances, appelé le droit de veto. La diplomatie israélienne consacrera donc ces prochains jours à convaincre certaines de ces puissances de sorte qu’elles fassent valoir leur droit de veto et sortent ainsi Israël de cette situation. Elle va d’abord et avant tout faire pression sur la Maison Blanche.
La vraie épreuve de Barack Obama est donc arrivée : non pas de déclaration sur « La paix dans 2 ans » et « le droit des Palestiniens à avoir un état », mais composer avec de vraies politiques qui contredisent les valeurs qu’il prône et avec des recommandations claires de prendre des mesure légales. Obama décidera si le système du droit international sera autorisé ou non à faire ce qu’on attend de lui. À mon grand regret, je suis prêt à parier qu’il sera du côté d’Israël, i.e. l’utilisation de son droit de veto par les États-Unis au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Toutefois, le veto américain n’est pas la fin de l’histoire : bon nombre de pays dans le monde ont adopté des lois les autorisant à juger des personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Il nous appartient à nous, femmes et hommes d’Israël et d’ailleurs, qui craignons pour la santé publique mondiale et pour le droit international, d’unir nos forces pour placer ces criminels de guerre face au dilemme suivant : risquer d’être jugés s’ils se rendent dans les pays dans lesquels la loi le permet ou rester enfermés en Israël en renonçant au tourisme en Espagne ou à un congé sabbatique au RU. C’est précisément ce qui est arrivé à l’ancien commandant de l’Israeli Air Force qui a été obligé de rester dans l’avion à l’aéroport de Londres quand il a appris qu’un ordre d’arrestation l’attendait s’il foulait le sol anglais.
La constitution d’un « Observatoire sur les crimes de guerre israéliens » peut être une des contributions de la société civile dans les suites du rapport de l’ONU, en plus de la collecte de documentation et témoignages pertinents sur les actions des militaires israéliens à Gaza, en plus aussi de la surveillance des mouvements de ces mêmes suspects de crimes de guerre.
publié par Alternatives
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