[ 27/03/2011 - 23:03 ] |
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Noam Chomsky La capitulation pathétique de Washington devant Israël alors qu’il le suppliait de geler l’extension coloniale de trois mois insignifiants (à l’exclusion de la région arabe de Jérusalem-Est) devrait être considérée comme les instants les plus humiliants de l’histoire de la diplomatie américaine. En septembre se termina le dernier gel des colonies, ce qui eut pour conséquence un arrêt des discussions avec Israël de la part des Palestiniens. Maintenant, l’administration Obama, prête à tout pour attirer Israël vers un nouveau gel et ainsi raviver les discussions, s’accroche à ce qu’elle peut, et prodigue des présents à un gouvernement israélien d’extrême droite. Parmi les cadeaux, il y a 3 milliards de dollars pour des avions de combat. Cette générosité se trouve aussi être un nouveau don du contribuable à l’industrie américaine de l’armement, qui est deux fois gagnante avec des programmes du développement de la militarisation du Moyen-Orient. Les fabricants d’armes américains ne sont pas seulement subventionnés pour développer et produire des équipements avancés pour un Etat qui fait pratiquement partie du service de renseignements militaires américain, mais aussi pour fournir des équipements militaires de qualité inférieure aux Etats du Golfe – avec actuellement une vente d’armes record de 60 milliards de dollars à l’Arabie Saoudite, ce qui est une transaction qui recycle aussi des pétrodollars pour une économie américaine en difficulté. Les industries civiles israéliennes et américaines de haute technologie sont très liées. Il n’est que peu étrange que le soutien le plus fervent des actions israéliennes provienne de la presse d’affaires et du Parti républicain, le plus extrême des partis politiques orientés vers les affaires. Le prétexte pour l’énorme vente d’armes à l’Arabie Saoudite est la défense face à la « menace iranienne ». Cependant, la menace iranienne n’est pas militaire, comme le Pentagone et les renseignements américains l’ont souligné. Si l’Iran venait à développer une capacité nucléaire militaire, l’objectif serait dissuasif, sans doute pour parer une attaque américano-israélienne. La vraie menace, de l’avis de Washington, est que l’Iran cherche à étendre son influence dans les pays voisins « stabilisés » par l’invasion et l’occupation des Etats-Unis. La ligne officielle est que les Etats arabes demandent une aide militaire américaine pour se défendre contre l’Iran. Vrai ou faux, l’affirmation offre un aperçu intéressant sur le concept de démocratie régnant. Quelle que soit la préférence des dictatures, les Arabes, dans un récent sondage de Brookings, classèrent ainsi les menaces majeures pour la région : Israël (88 pour cent), les Etats-Unis (77 pour cent) et l’Iran (10 pour cent). Il est fort intéressant de remarque que les officiels américains, comme révélé dans les câbles qui viennent d’être diffusés par WikiLeaks, ignorèrent totalement l’opinion publique arabe et se tinrent à l’avis des dictateurs en place. Les cadeaux américains pour Israël comportent aussi le soutien diplomatique, selon de présents rapports. Washington s’engage à opposer son veto à toute action du Conseil de Sécurité de l’ONU qui pourrait gêner les dirigeants d’Israël et à abandonner tout appel à un autre prolongement du gel des colonies. Par conséquent, en acceptant la pause de trois mois, Israël ne sera plus dérangé par le trésorier alors qu’il étend ses actions criminelles dans les territoires occupés. Que ces actions soient criminelles n’est pas mis en doute depuis fin 1967, lorsque l’éminente autorité légale d’Israël et juriste international Theodor Meron conseilla le gouvernement en disant que ses projets commencés de colonies dans les territoires occupés violaient la quatrième Convention de Genève, un principe central du droit humanitaire international, mis en place en 1949 pour condamner les horreurs du régime nazi. La conclusion de Meron fut approuvée par le ministre de la justice Ya’akov Shimson SHapira, et peu de temps après, par le ministre de la défense Moshe Dayan, écrit l’historien Gershom GOrenberg dans “The Accidental Empire”. Dayan informa les autres ministres : « Nous devons consolider notre emprise afin qu’avec le temps, nous réussissions à “absorber” la Judée et la Samarie (la Cisjordanie) et à les fusionner avec le “petit” Israël », tout en « démembr[ant] la contiguïté territoriale » de la Cisjordanie, tout cela en prétendant comme à l’ordinaire « que la mesure est nécessaire pour des objectifs militaires ». Dayan n’avait pas de doute, ni de scrupule, au sujet de ce qu’il recommandait : « Installer des Israéliens dans les territoires occupés est contraire, comme on le sait, aux conventions internationales, observa-t-il. Mais il n’y a finalement rien de nouveau là-dedans ». L’idée correcte de Dayan était que le chef à Washington pouvait s’opposer officiellement, mais avec un clin d’œil, et continuerait à fournir le soutien militaire, économique et diplomatique crucial pour les actions criminelles. Le caractère criminel a été souligné par plusieurs résolutions du Conseil de Sécurité, et récemment par la Cour internationale de justice, avec l’accord essentiel du juge américain Thomas Buergenthal dans une déclaration séparée. Les actions d’Israël violent aussi les résolutions du Conseil de Sécurité concernant Jérusalem. Mais tout va bien tant que Washington cligne de l’œil. A nouveau à Wasington, les super va-t’en-guerre républicains sont même plus fervents dans leur soutien aux crimes israéliens. Eric Cantor, le nouveau leader de la majorité dans la Chambre des représentants, « a lancé une nouvelle solution pour protéger l’aide apportée à Israël contre la récente réaction violente à l’aide aux pays étrangers, rapporte Glenn Kessler dans The Washington Post, donnant à l’Etat juif son propre compte de financement, l’écartant ainsi des fonds pour le reste du monde ». La question de l’extension coloniale n’est là que pour faire diversion. La vraie question est l’existence des colonies et les développements de leur infrastructure. Tout cela a soigneusement été planifié pour parvenir à la situation actuelle, avec Israël ayant déjà contrôlé plus de 40 pour cent de la Cisjordanie occupée, dont des quartiers de Jérusalem et Tel Aviv, la terre arabe, et les principales sources d’eau de la région, toutes du côté israélien du mur de séparation, qui est en réalité un mur d’annexion. Depuis 1967, Israël a largement étendu les frontières de Jérusalem, ceci en violation des ordres du Conseil de Sécurité et en dépit de l’objection internationale unanime (dont les Etats-Unis, au moins officiellement). La focalisation sur l’extension coloniale et les hésitations de Washington ne sont pas les seuls éléments de la farce des actuelles négociations. La structure même est une comédie. Les Etats-Unis sont décrits comme d’« honnêtes médiateurs » cherchant à servir d’intermédiaire entre deux adversaires récalcitrants. Mais s’il devait y avoir des négociations sérieuses, elles seraient conduites par une partie neutre, avec les Etats-Unis et Israël d’un côté, et le monde de l’autre. Il n’est plus vraiment un secret que pendant 35 ans, les Etats-Unis et Israël se sont tenus quasiment seuls en opposition à un consensus sur une résolution politique qui est presque acceptée par tout le monde, dont les Etats arabes, l’Organisation de la conférence islamique (dont l’Iran) et toutes les autres parties concernées. Dans des infractions spéciales et brèves, les deux Etats réjectionnistes ont préféré une extension illégale à la sécurité. A moins que la position de Washington ne change, la voie est coupée devant une résolution politique. Et l’extension, avec ses réverbérations à travers la région et le monde, continue. Truthout, 6 décembre 2010. Traduit de l’anglais pour Editions Palestine. |