mercredi 24 février 2010

Sarkozy et Abbas pour un Etat palestinien après les négociations

publié le mardi 23 février 2010
Franck Weil-Rabaud

 
Le président français n’a pas repris à son compte, ce lundi 22 février, l’idée de son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner de reconnaître un Etat palestinien avant même le règlement de la question des frontières avec Israël. Il a assuré que la France souhaite garder l’équilibre entre son appui donné à la création d’un Etat palestinien et l’apport de garanties nécessaires à la sécurité d’Israël. Pour Nicolas Sarkozy, sans accord entre les deux parties, une proclamation unilatérale serait vide de sens.
Deux présidents au diapason mais sans aucune possibilité de sortir de l’impasse. Voilà en résumé l’esprit de la rencontre entre Mahmoud Abbas et Nicolas Sarkozy. Le président palestinien a confirmé que la France restait l’un de ses plus fidèles soutiens dans la quête d’un Etat indépendant et viable. Le chef de l’Etat français a rappelé que la création de cet Etat était un préalable à une paix durable. Mais les deux présidents ont dû implicitement reconnaître que l’absence de négociations directes entre Palestiniens et Israéliens rendait cette perspective toujours aussi éloignée.
Nicolas Sarkozy a laissé entendre qu’il comptait évoquer son projet de conférence internationale sur le Proche-Orient avec son homologue américain fin mars à Washington. Mais le gouvernement américain, qui a proposé de servir de relais entre les parties dans le cadre de discussions indirectes, ne voit pas d’un très bon œil la proposition française. Elle a donc peu de chance de voir le jour, d’autant qu’Israël n’a guère montré d’enthousiasme à cette idée.
Reste la possibilité évoquée par Bernard Kouchner que la France reconnaisse un Etat palestinien proclamé de manière unilatérale [1]. Mais là, Mahmoud Abbas comme Nicolas Sarkozy ont souligné que cette éventualité était largement prématurée. En attendant, l’Etat palestinien, que la feuille de route souhaitait voir naître en 2005, est toujours virtuel.
[1] voir aussi Pierre Barbancey :

Mahmoud Abbas cherche
 les clés du dialogue

En visite à Paris, le président palestinien veut pointer le rôle que pourrait jouer l’Europe alors que Paris évoque une éventuelle reconnaissance d’un État palestinien avant même la négociation sur les frontières.
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est arrivé hier à Paris. Il doit s’entretenir aujourd’hui avec Nicolas Sarkozy, alors que la situation au Proche-Orient est toujours délicate. Si Abbas a accepté le principe de discussions indirectes avec Israël sous l’égide des États-Unis, il réclame des garanties de la part de Washington. Il n’a en revanche pas renoncé à son exigence d’un gel complet de la colonisation israélienne avant de reprendre des discussions de paix directes avec les Israéliens.
Visite de François Fillon à Damas et à Amman
Pour les pays occidentaux, le blocage entretenu par l’attitude israélienne ne facilite pas leur stratégie régionale alors que tout est fait pour isoler l’Iran. François Fillon était ainsi à Damas et à Amman ces derniers jours. Bernard Kouchner, dans une interview au Journal du dimanche, estime de son côté  : « On peut envisager la proclamation rapide d’un État palestinien, et sa reconnaissance immédiate par la communauté internationale, avant même la négociation sur les frontières. » Selon lui, « si à la mi-2011, le processus politique n’a pas mis fin à l’occupation, j’ai fait le pari que l’état d’avancement des infrastructures et des institutions palestiniennes créera une telle pression qu’Israël sera contraint de renoncer à l’occupation ». Le premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a pour sa part déclaré son intention de donner naissance à un État palestinien « dans les faits et sur le terrain » en 2011, quelle que soit l’avancée des discussions avec Israël. Les Palestiniens demandent que leur futur État soit fondé sur les frontières d’avant la guerre israélo-arabe de juin 1967, les seules reconnues par la communauté internationale, avec comme capitale Jérusalem-Est, à majorité arabe, occupée et annexée par Israël. Une perspective que refuse Israël. « Accorder une telle reconnaissance alors que les dossiers du conflit ne sont pas réglés ne ferait que jeter de l’huile sur le feu. Cela ne pourrait que pousser les Palestiniens à se montrer encore plus intransigeants et à rendre ainsi tout compromis impossible », a rapidement rétorqué un responsable israélien. Tel-Aviv veut éviter d’être acculé.
C’est sans doute ce qui explique l’opération menée contre un responsable du Hamas à Dubai, Mahmoud Al Mabhouh, qui a été assassiné. L’affaire fait d’autant plus de bruit que les membres du commando ont utilisé des passeports occidentaux, dont un français. Le chef même du groupe était en possession d’un faux document tricolore. Selon un journal britannique, qui cite des sources proches du Mossad, les services de renseignements israéliens que tout accuse, le premier ministre Netanyahou aurait donné son feu vert à l’opération.
Mandat d’arrêt contre les membres du commando
Interpol a lancé un mandat pour tenter d’arrêter les 11 membres du commando. Pour le chef de la police de Dubai, qui s’est dit « certain à 99 %, sinon à 100 % » que le Mossad est derrière l’assassinat, « ce n’est plus une affaire locale, mais c’est une affaire de sécurité qui touche des pays européens ».
Une affaire qui ne peut que mettre un peu plus de difficultés dans la reprise des discussions entre Palestiniens et Israéliens. Pendant ce temps, l’occupation se poursuit. Israël vient même d’ajouter à la liste de « l’héritage national » le tombeau des patriarches situé à Hébron, et la tombe de Rachel, à l’entrée de Bethléem, c’est-à-dire en territoire palestinien.
Pierre Barbancey, publié par l’Humanité http://www.humanite.fr/article27613...