entretien avec Omar Barghouthi
A Rome pour une journée de travail sur le boycott promue par International Solidarity Movement ISM (Italie), Forum Palestine et Regard sur le Moyen-Orient, Omar Barghouti ne se décourage pas face aux « difficultés de l’Italie dans l’adhésion au mouvement BDS » contre Israël. L’intellectuel palestinien promoteur du BDS raconte l’expérience de la France où, en novembre 2008, Français et Palestiniens ont lancé le boycott de Véolia, la société qui est en train de contruire le métro qui reliera les colonies de Jérusalem occupée au centre de la Ville. « Dès lors », rappelle Barghouti, « Véolia a perdu 8 milliards de dollars de contrats en France, en Suède, en Grande-Bretagne, en Iran et en Australie et a annoncé qu’il se retirera du projet. »
M.C Les massacres de Gaza ont fait gagner des consensus à la campagne BDS. Comment avance votre travail ?
O.B. Pendant la guerre d’agression contre Gaza, la réponse a été émotive. Après les massacres, la campagne de s’est pas arrêtée mais elle a fourni un instrument de protestation institutionnalisée contre les politiques israéliennes. Et dans les derniers mois nous avons enregistré des adhésions dans des pays jusqu’alors « froids » comme la France, l’Italie, la Hollande, la Belgique. En France, la Fédération syndicale unitaire FSU (enseignants, 168.000 membres) a adhéré. En Italie, La FIOM (Fédération italienne des Ouvriers métallurgistes) même si son boycott est plus symbolique qu’opérationnel.
M.C. L’Autorité » palestinienne (ANP) collabore avec Israël et Etats-Unis, Hamas cherche une reconnaissance internationale, et la société palestinienne propose le boycott. Trois stratégies différentes, n’est-ce pas trop ?
O.B. A partir du processus d’Oslo, l’ANP n’a obtenu aucun résultats pour les droits des Palestiniens. Les dites « négociations » entre dominants et esclaves se sont avérées totalement inutiles, car la seule façon d’abattre les privilèges des colonisateurs est la résistance. Et maintenant, la direction du Hamas est en train d’essayer de suivre la voie déjà empruntée par l’ANP dans les années 90. La majeure partie de la société civile est pour la résistance et BDS est une forme de résistance non-violente.
M.C. Pourquoi voulez-vous isoler Israël ?
O.B. Notre appel est pour mettre fin à l’oppression israélienne des Palestiniens, en particulier l’occupation/colonisation, le système de discrimination raciale vis-à-vis des citoyens non-juifs de l’Etat d’Israël et la négation du droit au retour des réfugiés palestiniens. Ces trois conditions persistent et l’occupation/colonisation est de plus en plus dure. Les motifs pour le boycott sont toujours plus valides. En quatre ans, nous avons obtenu beaucoup plus que l’ANP en quinze ans d’inutiles négociations : nous avons réussi à isoler Israël dans des secteurs toujours plus larges de la société internationale. Nous n’avons pas encore vu les résultats sur le terrain mais nos camarades sud-africains ont eu besoin de 25 ans pour récolter les premiers fruits.
M.C. Qu’est-ce que vous proposez de boycotter ?
O.B. Une décision morale et individuelle avant tout : ne pas acheter de produits israéliens parce qu’ils sont souillés du sang palestinien. Puis doivent être boycottées les institutions qui soutiennent l’occupation. Et dans quelques cas, les individus : je ne comprends pas pourquoi en Italie a été invitée la chanteuse Noa, qui a soutenu et justifié les massacres de Gaza. Si un chanteur ghanéen, américain ou brésilien avait soutenu que les femmes ne sont pas des êtres humains, je suis sûr que les Italiens l’auraient boycotté. Pourquoi cette hypocrisie quand il s’agit d’Israël ? Pourquoi accepter qu’un Etat se comporte au-dessus des lois des nations ?
Entretien Michelangelo réalisé par Cocco
publié par el Manifesto le 12 juillet 2009
(traduction de l’italien par Bernard Ravenel)