CCIPPP - Coordination nationale
La reconnaissance d’un État palestinien par l’Assemblée générale de l’ONU n’a de valeur que si elle s’inscrit dans la logique opposée au parcours misérable dudit « processus de paix »...
Nous ne pouvons pas être « contre » la demande que fera l’Autorité Palestinienne à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre prochain : reconnaître à la Palestine le statut d’État. Au vu du veto américain annoncé, et des conditions drastiques que certains pays européens posent pour voter oui (M. Juppé voudrait qu’en contrepartie, l’AP reconnaisse à Israël sa qualité d’État-nation du peuple juif !), le Conseil de Sécurité n’approuvera pas ce statut et l’Assemblée générale de l’ONU offrira une majorité confortable à une « recommandation » dans ce sens qui aura certes une valeur symbolique.
Toutefois l’enjeu est disproportionné avec le vacarme dont il a été l’objet, comme l’explique si bien Al Haq (1), l’organisation palestinienne spécialisée dans les questions juridiques, qui jouit de la qualité de consultant auprès du Conseil économique et social de l’ONU. Le statut d’État ou d’État observateur n’aura aucun impact sur le terrain. Il ne mettra pas un terme à l’occupation, à l’extension des colonies, à l’expropriation des terres et des maisons palestiniennes, aux lois de plus en plus discriminatoires et de type apartheid que vote la Knesset tous les jours. Ce statut donnera plus de visibilité et peut-être de moyens aux Palestiniens concernant la poursuite des transgressions israéliennes du droit international. Il n’entravera pas par contre le droit à l’auto-détermination, qui est un droit des peuples et non des États, et qui est irrépressible.
Alors pourquoi tant de crispation de la part d’Israël et des États-Unis ? Parce que Tel Aviv ne supporte aucun signe de rébellion, même minime, venant de l’Autorité palestinienne ! Cette dernière a inventé le « rendez-vous de septembre », comme un moyen de dépassement de l’impasse totale où se trouvaient les négociations directes entre Palestiniens et Israéliens, 19 ans après les accords d’Oslo, supposées être le moyen de régler pacifiquement le « conflit » : une catastrophe continue pour le peuple palestinien ! L’Autorité palestinienne a alors eu recours à cet acte, lui aussi politique et pacifique, qui constitue une sorte de référendum international, quoique limité au niveau des gouvernements. La machine propagandiste israélienne s’est mise en branle pour dénoncer « l’agression », exiger le retour aux négociations (qu’Israël a fait capoter), et le président Obama a renchéri en parlant de tentative inadmissible « d’isoler » Israël. Ces réactions dévoilent comme nulle autre la nature des négociations de paix : des discussions pour imposer une totale reddition aux Palestiniens. D’ailleurs la partie palestinienne est priée de s’y soumettre sans « conditions préalables » selon la célèbre formule israélienne. Israël ne veut pas du « processus de paix », comme le prouvent ses agissements et ses déclarations, mais il ne veut pas non plus d’aucune annonce qui mettrait en doute ce même processus. C’est qu’il n’y a pas meilleur paravent pour camoufler le déchainement des systèmes de colonisation et d’apartheid en cours.
Le problème se situe ailleurs, du côté de l’Autorité palestinienne. Saeb Erekat, le responsable des négociations, a publié un document éloquent là-dessus. Il défend l’initiative de septembre comme moyen de reprendre le dialogue avec les États-Unis, et comme une manière de retourner aux négociations et de faciliter le traitement des questions épineuses de Jérusalem, des frontières, des réfugiés, de l’eau, de la sécurité et des détenus... Cette vision suppose que le vote de l’Assemblée fournira à l’Autorité palestinienne une sorte de soutien pour revenir moins dénudée à ces négociations. C’est faux ! D’ailleurs, Israël, qui n’a jamais voulu du processus de paix, utilisera ce vote comme un prétendu préjudice qu’il faudra réparer. Si l’Autorité palestinienne n’est pas encore parvenue à la conviction que ce fameux processus est bien mort (mort-né ?), qu’il est stérile de tenter de le réanimer, dans ce cas, le vote de septembre s’inscrira dans la continuité de la supercherie, et ne fera que renforcer l’impasse dans laquelle se trouve la situation palestinienne. Il s’agira d’une tentative malheureuse de contourner cette impasse pour y retomber de suite. Le vote de l’ONU sera alors une façon d’entretenir l’illusion d’une solution politique du « conflit » à portée de main. Or ne naîtront de ce vote, ni un État palestinien, ni des solutions aux problèmes que pose le système de colonisation et d’apartheid israélien.
L’Autorité palestinienne est prisonnière de sa propre histoire, des conditions qui ont accompagné sa mise en place et qui entourent son parcours, incluant les privilèges dont jouissent sa direction, et une couche sociale dont les intérêts sont intimement liés au prétendu processus de paix. Les États-Unis, et même l’Union européenne, exerceront des pressions économiques et politiques sur l’Autorité palestinienne, Israël pourra exercer des pressions sécuritaires.
L’approche militante du vote de l’ONU n’est pas tributaire des discours. Il ne s’agit pas de parler d’une certaine manière. Toute une structure doit suivre. Or, aucun indice n’indique que ce choix est pris. Ce qui ajoute à la fragilité de l’initiative de septembre.
En effet, la reconnaissance d’un État palestinien par l’Assemblée générale de l’ONU n’a de valeur que si elle s’inscrit dans la logique opposée au parcours misérable dudit « processus de paix », celle de la recherche d’une stratégie de mobilisation générale, de toutes les composantes de la société palestinienne (sous occupation, en situation d’apartheid, réfugiés), dans tous les domaines, pour imposer un autre rapport de force. Une stratégie dont l’objectif est de renforcer la lutte du peuple palestinien, soutenue par le fantastique mouvement de solidarité internationale qui l’entoure. Dans cette optique, le vote de l’Assemblée prendra toute son importance politique et symbolique. Sinon, l’acquis sera vite dissipé. Il n’aura été qu’un feu de paille !
La bataille de septembre mérite d’être menée et gagnée, comme le sont les autres combats face à Israël, petits ou grands, et ce dans tous les domaines politiques, intellectuels, économiques, sociaux ou légaux... Il en est ainsi de la campagne de la flottille internationale pour Gaza par exemple, qui contrairement aux tentatives de déformations israéliennes acharnées, n’avait pas pour objectif d’amener des vivres aux Gazaouis assiégés, mais de dénoncer et de condamner (politiquement, symboliquement, éthiquement et légalement si possible) l’embargo sur la bande de Gaza et son occupation effective. Il en est de même pour la campagne internationale du BDS dont l’objectif est de dénoncer et de condamner le système colonial et discriminatoire d’Israël. En fin de compte, le choix de mener des batailles contre ce système constitue la base de la confrontation en cours, qu’il s’agit d’entretenir et de confirmer. Il est le critère et la référence des négociations quand elles doivent être menées. Sans cela, toute initiative serait une navigation à vue.
La reconnaissance d’un État palestinien ne peut porter ses fruits que si elle s’articule à l’ensemble des stratégies déployées par le peuple palestinien pour assurer son droit à vivre dans la souveraineté, la justice et la dignité. Elle n’aura de sens que si elle n’est pas la fin à laquelle vise l’Autorité palestinienne, mais un moyen inscrit dans une stratégie plus large de résistance à l’occupant, ce qui pour le moment n’est pas le cas.
(1) Al Haq, 20 juillet 2011, Ref. no. 249/2011 Questions & Answers on Palestine’s September Initiatives at the United Nations.
(1) Al Haq, 20 juillet 2011, Ref. no. 249/2011 Questions & Answers on Palestine’s September Initiatives at the United Nations.
La coordination nationale de la CCIPPP