Adri Nieuwhof - EI
          Le mois dernier, John Dugard, précédent Rapporteur spécial pour  les Droits Humains dans les Territoires occupés, a présidé un meeting  sur la juridiction universelle à la Haye.         
L’agression  contre la bande de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009 a été le  théâtre d’une véritable débauche de violence meurtrière de la part de  l’armée sioniste, qui n’a épargné ni les enfants, ni les femmes ni les  vieillards.
Adri Nieuwhof, contributrice à The Electronic Intifada a  interviewé J.Dugard sur les moyens d’amener Israël à reconnaître ses  violations des droits humains, en particulier le mécanisme de  juridiction universelle.
Adri Nieuwhof :  Pouvez vous expliquer le principe de compétence juridique universelle ?
John Dugard : Pour  l’essentiel, la juridiction universelle signifie qu’un Etat a le pouvoir  d’exercer une juridiction pour des crimes graves selon la loi  internationale, qui ont été commis en dehors des frontières de l’Etat  par des non-nationaux. Normalement les Etats sont seulement compétents  pour les crimes commis dans leur territoire par des ressortissants  nationaux.
AN : Est-ce que les Etats sont responsables de l’exercice de juridiction universelle ?
JD : Oui, si les Etats  s’engagent vraiment  à éradiquer le crime international et empêcher  l’impunité, alors il y a une obligation d’exercer une juridiction  universelle. Il est important de réaliser que la Cour Criminelle  Internationale de la Haye a limité la juridiction universelle. Si  l’impunité doit être évitée, les Etats auront l’obligation de traiter  les crimes internationaux eux-mêmes.
AN : Pouvez vous spécifier ce que cette obligation des Etats implique ?
JD : Il leur faut  instruire des procédures criminelles envers les personnes suspectées de  crimes internationaux, pour enquêter et faire comparaître les suspects.
AN : Vous avez parlé  pendant la réunion  de sélectivité dans la mise en application de la  juridiction universelle.  Pouvez vous clarifier ce point ?
JD : La juridiction  universelle n’est pas très effective pour l’instant. Il y a des  difficultés pratiques intrinsèques, en particulier la réunion des  preuves. Par exemple, si les Pays Bas jugeaient  les crimes graves  commis au Rwanda, il lui faudrait réunir des preuves au Rwanda.
Il n’y a pas de volonté manifeste de la part des Etats  d’exercer une juridiction universelle, en particulier concernant des  responsables politiques israéliens. Quand on tente d’exercer une  juridiction universelle à l’endroit d’hommes politiques israéliens, les  gouvernements dressent des obstacles ou bien les Cours trouvent quelque  raison technique pour éviter d’exercer une juridiction universelle.
AN : Cette sélectivité dans la juridiction universelle cache-t-elle quelque chose ?
JD : Les états européens et américains sont peu enclins à remettre en cause leurs relations avec Israël. AN :Qu’est-ce qu’il faut faire pour renverser cette sélectivité ? La société civile peut-elle jouer un rôle ?
JD : La société civile  peut toujours faire pression sur les gouvernements pour qu’ils exercent  une juridiction criminelle. Elle a un rôle à jouer qui est de faire  changer l’opinion publique. Ce qui pourrait amener les Cours à exercer  une juridiction universelle.
AN : Israël opprime de  façon croissante les défenseurs des droits humains et les militants qui  font campagne pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions  (BDS). Pouvez vous commenter cette évolution ?
JD : C’est malheureux.  Israël a été jusqu’à présent relativement tolérant vis-à-vis de la  dissidence à l’intérieur de la société israélienne. Cela représente une  nouvelle tendance  répressive de la société israélienne. Cela veut dire  que toute dissidence à l’intérieur de la société israélienne va être  étouffée.
AN : Pouvez vous donner  votre avis sur l’emprisonnement de Ameer Makhoul, leader de la société  civile,  citoyen palestinien d’Israël qui aurait été torturé durant son  interrogatoire ?
JD : Le problème, c’est  que je ne suis pas allé en Israël depuis 2007. Je ne peux donc pas  parler d’Israël. Dans le passé il y avait de nombreuses rumeurs selon  lesquelles les Israéliens avaient eu recours à la torture contre les  militants pour les droits humains. C’est vrai, mais je ne suis plus au  courant pour ce qui est du passé récent.
AN : Les Israéliens accusent le mouvement BDS de vouloir délégitimiser Israël. Comment vous réagissez à cette accusation ?
JD : Les actions menées  par le BDS délégitiment Israël. Il n’y a aucun doute là-dessus. De toute  évidence Israël ne veut pas accepter ça, c’est comme l’Afrique du Sud  de l’Apartheid qui voulait supprimer les sanctions internationales. Le  BDS était à ce moment là effectif, en raison de l’appel international en  faveur du boycott, du désinvestissement et de sanctions. Cela a fini  par délégitimer  l’Etat et mené au bout du compte à apporter le  changement en Afrique du Sud.
La comparaison entre Israël et l’Afrique du Sud est  importante. La situation est très similaire actuellement. La communauté  internationale devient de plus en plus critique envers Israël, appelant,  sur un plan international,  au boycott, au désinvestissement et aux  sanctions.
Il n’est pas étonnant qu’Israël prenne des mesures pour  les empêcher, de la même manière que l’a fait le gouvernement d’Afrique  du Sud.
* Adri Nieuwhof est avocate, conseiller et défenseur des droits de l’homme, travaillant en Suisse.