Majed Bamya  
Il  y a d’abord chez Israël la quête de légitimation historique à  posteriori...Mais cet Etat a été construit sur nos cendres, sur nos  exils, nos maisons devenus tombeaux de souvenirs.
Dès 1988, l’OLP a entamé le  processus qui allait amener à la reconnaissance de l’Etat d’Israël lors  de l’échange de lettres entre le Président Arafat et Rabin. Israël se  contentait de reconnaître l’’OLP comme représentant du peuple  palestinien. Le cours naturel de l’histoire aurait du mener, après la  reconnaissance du peuple palestinien, puis de son représentant politique  et de ses droits, à la mise en oeuvre de ses droits, y compris son  droit à l’Etat. Mais l’histoire ne manque pas d’humour. Alors qu’Israël  devrait subir toutes les pressions pour reconnaître, comme le monde  entier, notre droit à l’Etat, on nous demande de reconnaître Israël  comme Etat juif ! Sans m’attarder sur le non sens de demander à une  entité d’adjoindre un adjectif quel qu’il soit à la reconnaissance d’une  autre entité, qu’elle a par ailleurs déjà reconnu, je voudrais vous  inviter à réfléchir à cette demande qui semble pour beaucoup évidente.
Il y a d’abord chez Israël la quête de légitimation  historique à posteriori. "Si cet Etat est celui des juifs, alors il  était naturel de vouloir remplacer le peuple autochtone par les immigrés  juifs venus du monde entier. Notre combat était justifié par l’objectif  noble qui était le nôtre, créér un foyer pour les juifs". Mais cet Etat  a été construit sur nos cendres, sur nos exils, nos maisons devenus  tombeaux de souvenirs. Israël pousse le vice jusqu’à demander à la  victime de reconnaître à son bourreau le droit de l’assassiner. Trahir  les morts, voilà ce qu’ils nous demandent. La Palestine est la terre des  Palestiniens, et si un jour nous nous sommes montrés prêt à reconnaître  la réalité historique et son résultat, la création d’un Etat d’Israël  sur notre terre, afin de permettre la coexistence et ne pas répondre au  nettoyage ethnique par le nettoyage ethnique, nous ne nous sommes pas  pour autant convertis au sionisme !
Il y a ensuite ces droits que nous continuerons à  défendre, notamment le premier de nos droits, celui du retour. Cette  reconnaissance de la judéité doit servir de muraille infranchissable  dressé contre nos espérances. Et nous serions condamnés à l’ériger de  nos propres mains ! Après avoir veillé sur un arbre frêle, l’avoir  protégé en hiver et en été, avoir découvert le soleil logé dans son  feuillage, avoir aimé l’ombre où il nous enlaçait... ils nous demandent  de l’abattre !
Il y a enfin, ces Palestiniens de l’intérieur, ces  Palestiniens de 48, dont j’aurais pu faire partie si mes parents ne  furent pas condamnés à l’exil. Sur la route de l’Etat, nos chemins se  sont séparés, et notre combat est devenu double, un combat pour l’Etat  et le retour, et un combat pour l’égalité des droits au sein même  d’Israël. On voudrait faire de nous l’arme qui les abat au moment même  où ils sont les plus menacés. Les liens qui nous unissent sont si  profonds, qu’en 2000 nos coeurs nous ont rappelé qu’ils battaient  ensemble au même hymne, et l’occupant ne distingua plus ce qui portait  la même nationalité que lui des autres. 13 Palestiniens d’Israël furent  assassinés dès le début de cette deuxième Intifada. Aujourd’hui, plus  que jamais au cours des dernières décennies, notre appartenance commune  se rappelle à notre souvenir, et nos combats multiples ne cessent de  dénombrer des dénominateurs communs. Nos frères et soeurs nous regardent  avec inquiétude, et nous devons leur démontrer qu’ils auraient raison  de nous faire confiance comme nous avons eu toujours raison de leur  faire confiance. Renoncer à leur droit serait nous trahir, puisqu’ils  sont nous !
Il n’y a plus rien après enfin...enfin...peut être une  chose. Les principes pour lesquels nous luttons. Notre conviction que la  vocation de cette terre est son pluralisme, sa capacité à embrasser la  multitude. Cette terre est un symbole et nous devons en mesurer la  portée. S’y jouent le droit et la justice, le vivre ensemble, et  l’humanisme. Devrions nous, les défenseurs de cette universalité et de  ces principes, reconnaître la victoire morale de notre occupant ; lui  qui a choisit l’exclusive et l’exclusion ! Lui qui à vouloir dompter  cette terre ne cesse de trahir son message. Lui qui à force de la  transformer, a fini par la déformer. Non, car nous avons reconnu Israël  comme un fait pour éviter les guerres à venir, et nous refuserons de  reconnaître la judéité de l’Etat pour la même raison. Nous croyons que  les logiques de ségrégation, d’ethnicisation, de discriminations, de  racisme sont annonciatrices des ténèbres et nous refusons de nous y  soumettre.