L’assaut barbare lancé contre Gaza a un seul objectif – et 
il n’a rien à voir avec les trois colons tués. Netanyahou sait qu’il lui
 faut écraser le vif sentiment d’identité collective qui s’est consolidé
 en dépit des décennies d’efforts d’assimilation.
- Novembre 2012, Gaza - Funérailles d’une des victimes des bombardements israéliens
 
Quand les corps des trois colons israéliens - Aftali Frenkel et Gilad
 Shaar, 16 ans tous les deux, et Eyal Yifrach, 19 ans - ont été 
retrouvés le 30 juin près de Hébron au sud de la Cisjordanie, Israël est
 rentré dans une période de deuil qui lui a valu des marques du 
sympathie du monde entier. Les trois jeunes avaient disparu 18 jours 
plus tôt dans des circonstances encore non élucidées.
L’épisode entier, et davantage encore sa douloureuse issue, a semblé 
traumatiser les Israéliens au point de leur faire oublier quelques 
regrettables vérités sur les colons et la militarisation de leur 
société. Par exemple, un des trois a été, depuis, accusé d’avoir humilié
 des prisonniers palestiniens, et un autre était apparemment un soldat 
de l’occupation.
Les trois jeunes ont été présentés comme des jeunes sans défenses, 
bien que celui qui avait 19 ans soit soldat, et les commentateurs ont 
négligé (comme d’habitude, ndt) de parler du contexte pourtant 
indispensable à la compréhension des événements. Très peu ont mentionné 
le vrai coupable : la politique expansionniste qui sème la haine et la 
mort.
Avant la découverte des corps, on connaissait le vrai visage du 
gouvernement de droite de Netanyahou. On avait peu d’illusions sur la 
nature "pacifique" d’une occupation imposée par des gens comme le 
ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, le ministre de 
l’économie, Naftali Bennett, et l’adjoint du ministre de la défense 
Danny Danon. Mais parce que la vie d’"enfants"–  c’est le mot que 
Netanyahu a lui-même employé – était en jeu, même ceux qui ne lui font 
pas confiance ne s’attendaient pas, dans le cas présent, à voir 
triompher la politique politicienne.
La sympathie générée par la disparition des trois colons s’est vite 
évanouie devant la réponse d’Israël (en Cisjordanie, à Jérusalem et 
ensuite le déchaînement de l’armée à Gaza) qui a largement été 
considérée dans le monde comme disproportionnée et cruelle. Loin de 
répondre à la mort tragique des trois jeunes, la réaction de Netanyahou 
était clairement le fruit de calculs politiques.
Des groupes de Juifs israéliens se sont vengés en perpétrant une 
série de lynchages ethniques en Israël, à Jérusalem et en Cisjordanie 
qu’on a comparés à des “pogroms”, et des soldats de l’occupation ont 
mené une opération massive d’arrestations de centaines de Palestiniens, 
principalement des membres ou des supporters du Hamas.
Le Mouvement de la Résistance Islamique du Hamas a nié toute 
implication dans la mort des colons, et cela paraît plausible parce 
qu’ils hésitent rarement à revendiquer les actions de leur branche 
armée. Les stratèges militaires israéliens le savent bien.
Cette guerre contre le Hamas a de toutes façons peu à voir avec la 
mort des colons et tout à voir avec les circonstances politiques qui ont
 précédé leur disparition.
La Nakba et une nouvelle Intifada
Le 15 mai, deux jeunes Palestiniens, Nadim Siam Abu Nuwara, 17 ans, 
and Mohammed Mahmoud Odeh Salameh, 16 ans, ont été tués par des soldats 
israéliens alors qu’ils participaient à une manifestation en 
commémoration de la Nakba, ou ‘Grande Catastrophe’. Une vidéo montre que
 Nadim ne faisait rien d’autre que d’être là avec ses amis quand il a 
reçu une balle israélienne.
La Nakba  a eu lieu il y a 66 ans et elle a engendré le soi-disant 
conflit arabo-israélien. Environ onze millions de Palestiniens ont été 
forcés de s’enfuir devant l’invasion sioniste en abandonnant leurs 
maisons et leurs terres. Israël s’est établi sur les ruines of cette 
Palestine.
Nadim et Mohammed, comme beaucoup des jeunes des générations qui se 
sont succédées depuis, ont été assassinés de sang froid alors qu’ils 
participaient à une marche de commémoration de cet exode forcé. Leur 
assassinat n’a suscité aucune indignation en Israël. Mais la colère 
palestinienne qui semble grandir sans cesse – du fait de l’occupation 
militaire et des difficiles conditions économiques – avait atteint un 
seuil de non retour.
Dans un sens, la mort de ces jeunes Palestiniens a fait passer au 
second plan les dommageables divisions qui régnaient depuis des années 
entre les leaders et dans la société palestinienne. Leur mort a rappelé 
aux Palestiniens que la Palestine, en tant qu’idée, drame et lutte 
collective, dépasse la politique et même l’idéologie.
Leur mort nous a rappelé que la Palestine est beaucoup plus que les 
desideratas du vieux ‘Président’ de l’Autorité Palestinienne (AP), 
Mahmoud Abbas et de ses acolytes de Ramallah ou même des calculs 
régionaux du Hamas suite à la naissance et la mort du ‘Printemps Arabe.’
La réaction d’Israël à la mort des colons a été différente. Après la 
découverte des corps, d’autres colons et des Israéliens d’extrême-droite
 se sont lancés dans une campagne de vengeance contre des communautés 
palestiniennes. Ils se sont réunis sous le slogan “mort aux Arabes”, 
ressuscitant l’idée en déshérence d’une identité palestinienne unique et
 indivisible, celle qui existait avant les divisions engendrées par la 
création du Fatah et du Hamas.
C’est peut-être un paradoxe, mais la douleur et la colère provoquées 
par le meurtre de Mohammad Abu Khdeir, 17 ans, brûlé vif par des colons 
israéliens, a stimulé le réveil d’une identité nationale palestinienne 
brisée depuis trop longtemps.
Un sentiment d’identité nationale, qui avait souffert des murs 
israéliens, de leurs tactiques militaires et de la propre désunion des 
Palestiniens, s’est reconstruit d’une manière qui rappelle les 
événements qui ont précédé le premier et le second soulèvement de 1987 
et 2000 respectivement.
Il y a beaucoup à dire sur l’hypocrisie dont les gouvernements 
occidentaux ont fait preuve dans leurs réactions à la mort des 
Palestiniens et des Israéliens, la situation désolante des affaires 
arabes, la pression que subit Abbas, dont le niveau de collaboration 
avec l’Occupation augmente sans cesse, pour retrouver les assassins, et 
le manque de réaction sérieuse d’Israël aux abus perpétrés par les 
colons et les soldats israéliens contre les jeunes Palestiniens dont un 
garçons étasuno-palestinien. Mais l’action collective des Palestiniens 
n’est pas vraiment la conséquence de l’hypocrisie infinie de l’occident.
 La priorité maintenant pour les Palestiniens est de mettre au point une
 stratégie commune pour cimenter l’unité et réaliser leurs aspirations 
nationales.
Le gouvernement d’unité 
Cependant, à la différence des Intifadas précédentes, parler d’une 
seule voix semble impossible aujoud’hui. Abbas est un leader faible qui 
en a fait trop pour répondre aux besoins sécuritaires d’Israël et pas 
assez pour défendre les droits de son peuple. C’est une relique d’un 
temps révolu qui est encore là uniquement parce que c’est ce que les 
Israéliens et les Etasuniens ont de mieux pour le moment.
Même après le début de la violente répression israélienne qui a suivi
 l’assassinat des colons, Abbas a continué à s’associer de son mieux aux
 massives recherches israéliennes. Il a même parfois assisté de loin aux
 brutalités de l’armée israélienne contre des Palestiniens de 
Cisjordanie.
Il est clair qu’aucune nouvelle Intifada ne laissera Abbas et son 
misérable régime en place. C’est bien la raison pour laquelle les sbires
 de l’AP ont empêché les Palestiniens de Cisjordanie de protester contre
 la violence israélienne qui se déchaînait dans les territoires occupés 
et qui a finalement culminé dans la guerre barbare contre Gaza faisant 
des centaines de morts et de blessés. Ces policiers de l’AP qui ont 
regardé l’armée israélienne faire toutes les descentes qu’ils voulaient 
dans les maisons palestiniennes sont les mêmes qui ont écrasé les 
Palestiniens qui essayaient de se rassembler pour manifester.
Tout le crédit supposément accordé à Abbas pour avoir formé un 
gouvernement d’unité avec le Hamas en juin dernier, lui a été retiré 
tout aussi vite à cause de son incapacité à se hisser à la hauteur de 
son engagement envers l’accord  d’unité, et la pertinence de son 
‘autorité’ a été rapidement éclipsée par la violence israélienne qui a 
souligné son inaptitude et celle de son gouvernement à faire face aux 
calculs politiques israéliens.
Le Hamas relancé
Quand Israël a lancé sa campagne d’arrestations massives qui ciblait 
principalement le Hamas en Cisjordanie, la branche politique du Hamas 
cherchait déjà des “alternatives” au gouvernement d’unité à Ramallah. 
Les officiels du Hamas ont préféré le taire pour ne pas révéler qu’ils 
étaient mécontents d’Abbas et de son gouvernement de Ramallah, mais Dr 
Ahmed Yousef, un officiel de haut rang du Hamas,  en a parlé clairement 
dans un interview à l’agence de presse Ma’an*.
"Le gouvernement de Rami Hamdallah a échoué à remplir" le vide laissé
 par le démantèlement du gouvernement du Hamas à Gaza,  a déclaré 
Yousef. “Nous voulons un gouvernement réunissant toutes les factions 
pour éviter le chaos sécuritaire et résoudre la crise des salaires des 
fonctionnaires de la bande de Gaza," a-t-il ajouté.
Les espoirs que le Hamas avait mis dans le gouvernement d’unité ont 
été déçus. L’accord d’unité devait permettre de : mettre fin à 
l’isolement politique du Hamas de Gaza causé par l’intensification du 
siège par le dictateur égyptien Abdul Fatah al-Sisi, résoudre la crise 
économique dans la bande de Gaza et enfin permettre au Hamas de revenir à
 sa vocation première, la résistance.
Le Hamas espérait sans doute arriver à un arrangement similaire à 
celui du Hezbollah au Liban : jouir d’une grande influence politique, 
maintenir sa présence militaire et faire, à son gré, l’aller et retour 
entre la résistance et la politique. Mais c’est un modèle difficile à 
reproduire parce que le paysage politique et topographique est très 
différent en Palestine et au Liban.
A la difficulté pour le Hamas de mettre en place ce nouveau type de 
mouvement basé sur la complémentarité résistance/politique, s’ajoute le 
fait qu’Israël est déterminé à détruire tout ce qui peut ressembler à un
 gouvernement palestinien d’unité. C’est devenu quasiment une obsession 
chez Netanyahou.
La disparition des colons a donné un nouvel élan à la quête de 
Netanyahou. Il a immédiatement recommencé à mettre la pression sur Abbas
 pour qu’il rompe avec le Hamas. En fait, Abbas est devenu la cible 
d’une campagne sioniste qui dépasse les frontières d’Israël. Son langage
 a été scruté et critiqué par des organisations comme la Ligue 
Anti-Diffamation pro-isralienne. Cette ligue, qui a toujours soutenu les
 guerres israéliennes contre Gaza, a poussé les hauts cris lorsque Abbas
 a parlé de ‘génocide’ pour décrire la campagne d’assassinats.
Pendant que Abbas végétait dans sa décrépitude politique, le Hamas 
opposait une féroce résistance à Gaza. Plusieurs groupes de résistants, y
 compris du Fatah, le parti d’Abbas, se sont unis et ont répliqué avec 
des tirs de barrages de roquettes sur Tel Aviv, Haïfa, Jérusalem et 
ailleurs. Même si peu d’Israéliens sont morts, du moins au moment où 
j’écris cet article, eu égard aux centaines de morts et de blessés 
palestiniens, les prouesses du Hamas ont achevé de discréditer Abbas et 
son gouvernement qui sont de plus en plus considérés comme des 
"collaborateurs" d’Israël.
Comme Majdi, qui a 28 ans et vit dans le camp de réfugiés de 
Deheisheh, le dit très bien : “Les policiers palestiniens sont les 
mercenaires de l’occupation israélienne ; ils voient tout et ne font 
rien."
Un Bibi assiégé
Netanyahou a concentré ses attaques sur le Hamas. Il veut l’éradiquer
 de Cisjordanie, selon ses propres paroles, puis le détruire à Gaza en 
même temps que les autres groupes de la résistance. Ses motivations sont
 nombreuses, sans compter la nécessité de frapper la résistance, pour 
saper sans cesse ses progrès, toutes les quelques années - les attaques 
précédentes ont été lancées en 2006, 2007, 2008-9, 2012 et maintenant 
2014.
Mais cette il y avait encore de nouveaux motifs, du fait des 
circonstances nouvelles, comme par exemple, le fait que le gouvernement 
de Netanyahou qui n’a jamais été solide depuis sa composition – en 
partie à cause de la constante guerre intestine entre la ministre de la 
justice Tzipi Livni et des membres de l’extrême-droite  – est en danger.
Livni a menacé une énième fois de quitter le gouvernement le 11 juin,
 la veille de la disparition des colons. L’union de la droite entre le 
Likoud du premier ministre et Yisrael Beitenu de Liberman a été dissoute
 le 7 juillet.
Mais ces fissures dans la coalition de Netanyahu paraissent trop 
graves pour que même une guerre massive contre Gaza puisse les colmater.
Retour de manivelle 
Il y a un autre motif à la guerre israélienne contre Gaza. Netanyahou
 qui craint le déclenchement d’une intifada qui unirait les 
Palestiniens, menacerait l’AP et ralentirait la construction de colonies
 illégales, espère que l’agression de Gaza anéantira le sentiment 
d’unité qui renaît lentement mais sûrement entre les Palestiniens de 
Palestine et les citoyens palestiniens d’Israël.
Cette unité-là est bien plus inquiétante pour Netanyahou que 
l’arrangement politique du Fatah et du Hamas résultant de contingences 
régionales. L’attaque du Hamas est une tentative israélienne de 
contrecarrer l’émergence d’une nouvelle vision collective qui ne se 
cantonne plus seulement à Gaza et à son siège, mais qui englobe toute la
 Palestine et toutes ses communautés de quelque côté du “mur de 
séparation” israélien qu’elles vivent.
Une vraie unité palestinienne qui culminerait dans une Intifada 
populaire massive est la sorte de guerre que Netanyahou ne peut 
absolument pas gagner.
* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est doctorant à l’université de Exeter,  journaliste international directeur du site PalestineChronicle.com et responsable du site d’informations Middle East Eye. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet
http://info-palestine.net