Le lancinant conflit israélo-palestinien n'avait pas besoin de cela. En claquant spectaculairement la porte du Parti travailliste, le 17 janvier, pour créer un nouveau parti pompeusement nommé Indépendance, l'ancien premier ministre Ehoud Barak n'a pas seulement provoqué une scission  dont la conséquence immédiate a été de ramener le parti qui a fait  Israël à un étiage historique de 8 députés (sur les 120 que compte la  Knesset).
Il a aussi paraphé l'acte de décès politique du "camp de la paix"  qui avait précédé, accompagné et soutenu les accords d'Oslo, en 1993.  Qui se souvient que jusqu'au scrutin de 1999 ce parti ne remportait  jamais moins de trente sièges aux élections, soit entre le quart et le  tiers des députés de la Knesset. Face à un Likoud qui refusait jusqu'à  ces toutes dernières années d'accepter la création d'un Etat palestinien  à l'ouest du Jourdain, les travaillistes apparaissaient comme les  garants du pragmatisme et de la raison.
Ehoud Barak n'est  certainement pas l'unique responsable de cette déréliction qui fait que  la gauche sioniste (parti Meretz et travaillistes) pèse aujourd'hui  moins que les partis ultrareligieux, ce qui doit faire se retourner dans  leurs tombes les pionniers laïques du Yichouv (le foyer juif en Palestine avant la création d'Israël par l'ONU) !
M.  Barak y a pourtant grandement contribué. Le soldat le plus décoré de  l'histoire d'Israël, réputé pour ses qualités de planificateur et, de  manière plus anecdotique, pour son goût immodéré pour les mécanismes  d'horlogerie, a consciencieusement déréglé la machine. Tout d'abord en  vulgarisant, après l'échec des négociations de paix de Camp David,  en 2000, la thèse de l'absence de partenaire chez les Palestiniens, que  la deuxième Intifada a ensuite profondément ancrée dans les esprits en  Israël.
Prêt à tout pour conserver un fauteuil de ministre de la  défense, il a illustré jusqu'à la caricature les compromissions  politiques dont la démocratie israélienne est aujourd'hui l'otage,  précipitant le départ de cadres prometteurs.
De ce champ de ruines, n'émergent que deux vainqueurs : le premier ministre du Likoud, Benyamin Nétanyahou, et son ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, chef du parti nationaliste Israel Beitenou - le second ne songeant qu'à remplacer le premier à la tête du gouvernement.
Deux hommes qui, comme le vieux chef du Likoud Yitzhak  Shamir en son temps, sont prêts à négocier pendant des décennies avec  les Palestiniens des accords préliminaires, intermédiaires, temporaires,  transitoires, etc. -, le temps que la colonisation de la Cisjordanie rende définitivement impossible la création d'une Palestine aux côtés d'Israël.
Si l'on ajoute à ce désastre la fracture palestinienne persistante entre le Fatah et les islamistes du Hamas,  et l'enracinement de ce dernier dans le territoire de Gaza à la double  faveur d'un blocus israélien (et égyptien) inopérant et d'un boycottage  occidental peu pertinent, on a du mal à trouver encore des raisons pour  ne pas désespérer de la paix. 
Article paru dans l'édition du 22.01.11Lien