Pays Basque - 22/01/2011
ENTRETIEN/ Manuel TAPIAL /Coordinateur de «Rumbo a Gaza" (Direction Gaza)
Manuel Tapial est un citoyen du monde qui vit à Barcelone. Il se définit comme un «activiste des droits humains». Pour l'heure, son projet est de faire rentrer un bateau à Gaza, en Palestine, «et briser le blocus.» Le 30 mai dernier, il était à bord du bateau Mavi Marmara, bateau turc de la flottille internationale d'aide pour Gaza qui partit d'Antalya en Turquie dans le cadre de l'opération baptisée «Flottille de la liberté» ou «Un bateau pour Gaza». Ce jour-là, l'armée israélienne tire. Bilan : neuf morts et 57 blessés, dont une personne toujours dans le coma, selon Manuel Tapial. L'armée israélienne soutiendra que ses soldats furent attaqués par les humanitaires. Une version que ces derniers, dont Manuel Tapial, réfutent totalement. En voyage au Pays Basque, Manuel Tapial souhaite sensibiliser la société civile à sa cause. «Rumbo à Gaza»(Direction Gaza) est le nom de l'association qui s'occupe de l'organisation de ce futur voyage qu'il souhaite mener avec d'autres militants. Le bateau devrait partir en mai prochain d'un port de Méditerranée, des fonds sont nécessaires, ainsi que de l'aide humanitaire.
«Rumbo a Gaza», «Un bateau pour Gaza» continue. Où en êtes-vous de vos démarches ?
«Rumbo a Gaza» est une initiative lancée dans l'Etat espagnol avec comme objectif l'arrivée d'un bateau à Gaza, afin de briser le blocus. Nous avons besoin de l'appui de la société civile et aussi d'appuis politiques, de dons et d'aide humanitaire. Concrètement, l'envoi d'un bateau coûte dans les 300 000 euros. Nous formons partie d'une coalition internationale composée de 17 pays et nous souhaiterions qu'il y ait entre quinze et vingt bateaux qui participent à cette opération. C'est pour cela que nous avons commencé la campagne, plus de 1 000 bénévoles travaillent quotidiennement à l'élaboration de ce projet.
Concrètement, cela se passe comment ?
Nous recueillons du matériel scolaire, des cahiers, des stylos, ainsi que du matériel sanitaire dans plusieurs hôpitaux. Nous sommes débordés mais recevons un formidable appui de la société civile.
Quels appuis politiques avez-vous reçus ?
En Pays Basque Sud, nous avons reçu l'appui d'Aralar, en Catalogne, celui d'IC (Initiativa per Catalunya), et dans l'Etat espagnol, IU (Izquierda Unida) nous soutient. Il y a aussi des personnalités du monde de la culture et des arts qui sont avec nous, tel que l'acteur Alberto San Juan qui viendra sur les bateaux avec nous. L'ancien directeur de l'Unesco Don Federico Mayor Zaragoza apporte également son appui.
Parmi vos détracteurs, certains disent que vous êtes manipulés par le Hamas et qu'Israël est un Etat qui a le droit de se défendre contre des intrusions extérieures sur son territoire, comme n'importe quel Etat. Tout en ajoutant que les bateaux contenaient des armes «servant à attaquer les soldats israéliens». Que rétorquez-vous ?
Ce qui me paraît une authentique provocation, c'est ce que fait subir Israël à un million d'habitants. Nous avons été accusés d'amener des armes. Ils nous ont aussi accusés d'être des intégristes. Tout cela rentre dans le cadre d'une propagande avec des arguments sans aucun type de fondement, aux seules fins de pouvoir justifier le blocus. Si nous étions coupables de tout cela, nous n'aurions pas tous les appuis dont nous bénéficions. D'ailleurs, je tiens à préciser que beaucoup d'Israéliens participent à ces actions et sont contre la manière d'agir de leur gouvernement. D'autre part, nos bateaux qui sont partis de Turquie ont été contrôlés par la douane avec des scanners. Ils sont passés par tous les contrôles de sécurité lors de notre départ, comme dans n'importe quel pays européen. Pourquoi donc nous empêcher de rentrer ?
Que sont devenus les bateaux qui ont été saisis par l'armée israélienne l'an passé ? L'armée affirme qu'elle les a rendus...
Les bateaux de la flottille internationale d'aide à Gaza ont été confisqués et nous ont été rendus avec les salles de machines détruites et hors d'usage. Le gouvernement d'Israël veut rétablir de bonnes relations avec la Turquie (pays d'où sont partis les bateaux l'année dernière) et préfère payer à coup d'indemnités plutôt que de s'excuser.
Comme nous l'indiquions en début d'interview, vous étiez le 30 mai 2010 sur le bateau Mavi Marmara lors de l'assaut par l'armée israélienne. Que s'est-il passé ?
Aucun de nous ne pouvait imaginer la brutalité de l'armée israélienne, et devant ce crime retransmis par toutes les télés du monde, personne n'a condamné, il n'y a pas eu de sanctions politiques. Quand Israël en 2008 bombarde Gaza et assassine 1 400 personnes, dont des centaines d'enfants, les Nations unies condamnent Israël. Il commence à y avoir une délégitimation du gouvernement d'Israël et on légitime un Etat de Palestine. L'Allemagne a aussi condamné pour la première fois.
Vous qui êtes sur le terrain, quelle solution préconisez-vous pour le règlement de ce conflit ?
La solution serait la création d'un Etat unique, mais démocratisé, dans lequel tous, Israéliens et Palestiniens, aient les mêmes droits. Un Etat qui devra être laïc. Car un Etat pour les Palestiniens n'est pas suffisant s'il n'est pas basé sur le droit au retour des quatre millions de Palestiniens dispersés aux quatre vents.
Quelle motivation vous pousse à continuer ?
Depuis longtemps, la réalité des camps m'a secoué. J'étais cette année dans un camp de Palestiniens au Liban. Et j'ai vu pour la première fois, au milieu de la misère, les yeux des Palestiniens briller. Car les Palestiniens dans les camps ne croient plus en rien. Ni même à aucun gouvernement arabe. Ils croient uniquement au pouvoir de la société civile. Et ils ont raison, car de cet appui dépend la défense du droit international, et qu'Israël assassine ou non.
Béatrice MOLLE