Constance Desloire
Les  éditions Elyzad, à Tunis, publient deux ouvrages qui témoignent de la  solidarité des auteurs du Maghreb à l’égard des Palestiniens. Un  phénomène qui prend de l’ampleur.
Il aura fallu cinq ans à  Djilali Bencheikh pour reprendre son manuscrit là où il l’avait laissé.  Cinq années avant de pouvoir écrire la mort de Soustara, tué à Paris en  raison de son activisme auprès de la résistance palestinienne. Un  personnage inspiré de la vie de l’Algérien Mohamed Boudia, qui a  combattu pour l’indépendance de son pays puis pour celle de la Palestine  en dirigeant l’organisation Septembre noir en Europe. Comme d’autres  romanciers maghrébins, l’auteur et journaliste algérien Djilali  Bencheikh écrit sur la Palestine par devoir, par nécessité, par  fidélité.
Beyrouth Canicule accompagne Kamel, un étudiant algérien  militant en France en faveur des Palestiniens. Filées comme un polar,  les péripéties de son voyage au Liban sont écrites avec humour. « Une  maladie algérienne, commente Bencheikh. Même dans les grands événements,  on reste humain. »
Cause universelle
« J’ai un penchant obsessionnel pour la justice. C’est  peut-être la guerre d’Algérie », explique Kamel. Tahar Bekri, poète et  professeur tunisien, lui fait écho. « La Palestine, confie-t-il, est une  cause universelle  ; l’écrivain n’est pas sélectif quand il perçoit la  douleur. » Dans ses carnets Salam Gaza, il donne à lire les messages  reçus d’artistes du monde entier  : juifs new-yorkais, grecs,  sud-américains… « L’écrivain a le devoir d’apporter sa part d’humanité  et sa plume pour défier l’oubli », estime-t-il. Dans la seconde partie  de son ouvrage, il relate justement son voyage effectué en Cisjordanie  en 2009 pour lire des poèmes à un public palestinien. « En dépit du  plomb durci / À la barbe des sanguinaires / Ces flocons de neige / Pour  apaiser la terre », dit son poème introductif, Salam sur Gaza.
Depuis les années 1980, des ponts ont été jetés entre  les auteurs maghrébins et palestiniens. On traduit et on réalise de plus  en plus d’anthologies de la littérature palestinienne. Tahar Bekri a  ouvert ses pages aux poètes Mahmoud Darwich ou Ghassan Zaqtan. « La  Palestine porte sa propre création artistique. Son identité, c’est sa  culture, et pas seulement sa terre », estime Bekri.
À Tunis, les éditions Elyzad ont reçu un grand nombre de  manuscrits touchant à la Palestine. Mais à Paris, où il vit, Tahar  Bekri sent depuis quelques années « une orientation de la politique  culturelle française moins favorable à ce sujet. Pourtant, je me suis  fait violence pour ne pas tomber dans la facilité ». Djilali Bencheikh,  de son côté, avoue avoir commis des excès de didactisme dans Beyrouth  Canicule  : écrire noir sur blanc quelles sont les valeurs du combat  pour la Palestine afin d’anticiper toute critique. « Je n’ai pas essayé,  mais j’ai l’intuition que j’aurais eu du mal à être publié en France »,  regrette-t-il.