Asa Winstanley - The Electronic  Intifada
          La collusion de l’AP pour protéger Israël rappelle les efforts  qu’elle a déployés contre l’action de l’ONU à la suite du rapport  Goldstone, en octobre dernier.         
Un document adressé à Ibrahim  Khraishi, représentant de l’Autorité palestinienne aux Nations-Unies à  Genève, prouve que l’AP a essayé de saborder les efforts de la Turquie  pour une enquête sur l’agression d’Israël contre la Flottille de la  Liberté pour Gaza.
(Patrick Bertschmann/UN)
 L’AP a essayé de neutraliser une résolution du Conseil des Droits de  l’homme (CDH) des Nations-Unies condamnant l’agression meurtrière  d’Israël contre la Flottille de la Liberté pour Gaza, comme le montrent  des documents de l’AP et de l’ONU que The Electronic  Intifada a réussi à obtenir. Dans l’agression du 31 mai par Israël, 9  citoyens turcs ont été tués, dont un citoyen turc/états-unien, et des  dizaines de militants ont été blessés à bord du Mavi Marmara, dans les  eaux internationales.
The Electronic Intifada (EI) publie  aujourd’hui l’un de ces documents obtenus, qui contient des amendements  proposés pour modifier le projet de résolution du CDH. Des annotations  sur la résolution indiquent que l’AP a pris position aux côtés de pays  de l’Union européenne (UE) contre les demandes de la Turquie pour une  action vigoureuse pour faire rendre des comptes par Israël.
La collusion apparente de l’AP pour protéger Israël  rappelle à beaucoup les efforts qu’elle a déployés pour saper l’action  des Nations unies à la suite du rapport Goldstone, en octobre dernier. (*)
Apparemment rédigés par un délégué européen, les  amendements du document auraient sérieusement dilué la formulation de la  Turquie. La modification la plus dommageable visait à retirer la  demande d’une enquête indépendante des Nations-Unies sous les auspices  du CRH. Le document a été fourni à EI par une source qui indique comment  elle l’a obtenu au sein des services des Nations-Unies à Genève, source  qui a demandé l’anonymat.
La Turquie a rejeté les amendements UE/AP, et la  résolution définitive adoptée le 2 juin déclare que le Conseil « décide de dépêcher une mission d’enquête internationale  pour procéder à une enquête sur les violations du droit international  humanitaire et des droits de l’homme résultant des agressions  israéliennes » ( Les agressions graves par les  forces israéliennes contre le convoi de navires humanitaires -  Conseil des Droits de l’homme - Nations-Unies - 14è session -  A/HRC/14/L.1, adoptée le 2 juin 2010).
Les termes de la résolution finale sont très proches de  la résolution du CDH de janvier 2009 qui a conduit au rapport Goldstone,  à l’enquête indépendante précisant les crimes de guerre perpétrés lors  de l’invasion 2008-2009 de Gaza par Israël.
Pourtant, les annotations apparemment faites par un  diplomate européen sur le projet de la résolution et qui ont été  obtenues par EI indiquent clairement que l’AP consentait à un retrait de  cette formulation. Un paragraphe de l’AP proposait à la place que le  CDH : « demande au Secrétaire général des Nations-Unies  de veiller à une enquête prompte, impartiale, crédible et transparente  conformément aux normes internationales (sic) ».
Cette différence est essentielle parce que la  formulation turque appelle spécifiquement à une enquête sous l’autorité  du CDH. Alors que la version édulcorée de l’UE/AP permettait au  Secrétaire général de l’ONU de donner simplement son aval à une enquête  conduite par Israël lui-même pour autant qu’il la juge «   crédible ».
L’une des annotations sur le document explique que « TK  (les Turcs) ont vérifié auprès de leur capitale et ils avaient toujours  comme instruction, à haut niveau, d’insister pour la formulation qu’ils  avaient proposée initialement ». La note ajoute que « l’AP  et le PAK (Pakistan) pouvaient consentir aux deux propositions » -  c’est-à-dire remplacer l’enquête indépendante du CDH par une simple  approbation, soit du Conseil de sécurité des Nations-Unies, soit du  Secrétaire général.
De même et alors que la Turquie a - d’après les  annotations - insisté pour que la résolution condamne spécifiquement  l’agression israélienne, l’ « AP et le PAK (sic) étaient  ok avec la proposition de l’UE » pour remplacer la mention, « attaque scandaleuse par les forces israéliennes contre la  flottille humanitaire », par l’expression plus ambiguë, « usage de la violence lors de l’opération militaire  israélienne ». L’alternative proposée par l’UE pouvait être  interprétée comme incluant la condamnation de la « violence » des  passagers tentant de se défendre avec des jets d’eau ou des bâtons  contre l’agression militaire israélienne délibérée dans les eaux  internationales.
Les déclarations publiques des diplomates français et  britanniques viennent en appui de l’interprétation de ce document par  l’EI. Après que la Turquie ait réussi à obtenir que sa formulation soit  retenue dans la résolution du 2 juin, le Royaume-Uni et la France se  sont abstenus, et les Pays-Bas, l’Italie et les Etats-Unis ont voté  contre.
En expliquant l’abstention de son pays, le représentant  de la France, Jean-Baptiste Mattei, a exprimé le souhait d’une « position unanime » et il a indiqué que son gouvernement  « regrette que les propositions d’amendements du texte  présentées par l’UE » n’aient pas été adoptées. Peter Gooderham,  pour le Royaume-Uni, a souscrit à ce souhait d’ « arriver  à un consensus » et il a même déclaré qu’il était « reconnaissant  à cet égard des efforts des co-sponsors de ces propositions » ( Conseil des Droits de l’homme - Nations-Unies - archives  vidéo  - 14è session, 2 juin 2010).
L’AP était de ces co-sponsors des  amendements du projet de résolution.
Imad Zuhairi, observateur adjoint permanent de l’AP aux  Nations-Unies à Genève, a déclaré lors d’une interview téléphonique que  la position de sa délégation était : « peu importe que  ce soit Genève, le CDH, ou le Conseil de sécurité, il faut une mission  d’enquête indépendante internationale et transparente conformément aux  normes internationales ».
Zuhari a affirmé que sa délégation avait été « non pas contre ou pour » les efforts de l’UE à faire  capoter l’enquête par le CDH. Il a critiqué la formulation de la  résolution du Conseil de sécurité la disant « ambiguë »,  et il a dit que l’AP « rejetterait par tous moyens toute enquête  interne » par Israël. Et d’ajouter : « Nous nous  soucions de notre peuple (palestinien) dans la bande de Gaza occupée. »
Interrogé spécifiquement sur le commentaire écrit sur le  document, disant que l’AP pouvait « consentir » au  retrait d’une enquête par le CDH, Zuhairi répond que ce commentaire  était inexact, et il dit que celui qui l’a rédigé s’est trompé.
Sauf que les annotations sur le projet de résolution du  CDH qui ont été communiquées à EI sont corroborées par un autre  document, récupéré également, celui-ci révélant une précédente tentative  de dilution de la résolution du CDH, mais cette fois, directement par  l’Autorité palestinienne elle-même.
Ce second document, et le courriel auquel il est  rattaché, ont été divulgués par une source qui n’a rien à voir avec le  premier document. EI a pu obtenir ce document à condition qu’il ne soit  pas divulgué.
Le second document est dans le format Word Microsoft  largement utilisé, et l’option « track changes » a été activée, de sorte  que les modifications exactes apportées sont sans ambiguïté. Un examen  des métadonnées du document Word révèle que celui-ci a d’abord été créé  par le ministère turc des Affaires étrangères (« Disisleri Bakanligi »)  avant que l’AP n’y ajoute ses modifications.
Le courriel auquel il était attaché a été rédigé par  Feda Abdelhady Nasser, diplomate de la mission AP aux Nations-Unies à  New York, lequel l’a envoyé au Dr Ibrahim Khraishi, représentant de l’AP  aux Nations-Unies à Genève, où est basé le CDH. Il fut adressé en copie  à Riyad Mansour, chef de la mission AP aux Nations-Unies New York.
Abdelhady Nasser y explique que le document attaché  contient les mises au point de la mission AP à New York sur le projet de  résolution proposé à l’adoption par le CDH.
Le document lui-même prouve que les représentants de  l’AP remplaçaient la formulation proposée par la Turquie, par laquelle  le CDH « décide de dépêcher une mission d’enquête  internationale... », par des termes beaucoup plus vagues et plus  indirects : « appelle le Haut Commissaire pour les  Droits de l’Homme, en coopération avec le Secrétaire général, à dépêcher  une mission d’enquête... »
Cette formulation aurait retiré toute référence aux  auspices du CDH. Dans l’ensemble, la preuve indique que l’AP était  directement impliquée dans la tentative de diluer et de saborder la  solide position de la Turquie et de protéger Israël afin qu’il n’ait  aucun compte à rendre.
Des articles récents suggèrent que « l’enquête  conforme aux normes internationales » approuvée par le Conseil de  sécurité et l’administration des Etats-Unis serait diligentée par Israël  lui-même, avec deux observateurs, un homme politique irlandais du Nord,  David Trimble, co-fondateur d’une organisation appelée « Les Amis  d’Israël », et le général canadien, Ken Watkin.
Une enquête séparée par le CDH, comme stipulée par la  résolution du 2 juin, votée par 32 voix (3 contre et 9 abstentions)  représenterait un défi à l’autorité de l’enquête israélienne. Si le  rapport Goldstone a créé un précédent, une enquête du CDH est beaucoup  plus susceptible d’être critique à l’égard des actions israéliennes.
En octobre 2009, le rapport Goldstone a été finalement  adopté par le CDH. Malgré le refus initial de l’AP de soutenir une  enquête par le juriste sud-africain sur l’agression israélienne contre  la bande de Gaza en 2008/2009, Mahmoud Abbas, qui a prolongé son mandat  de Président au-delà de son terme dans le cadre de « lois d’urgence »,  avait été forcé de faire un volte-face humiliant, après un débordement  du dégoût et des protestations des Palestiniens à travers le monde. 
Asa Winstanley est journaliste indépendant, il est basé à Londres. Il a vécu et travaillé comme journaliste dans la ville occupée de Ramallah.
Asa Winstanley est journaliste indépendant, il est basé à Londres. Il a vécu et travaillé comme journaliste dans la ville occupée de Ramallah.
Son site : http://www.winstanleys.org
                22 juin 2010 - The Electonic Intifada - traduction : JPP