Nicolas Falez, RFI 
          
Le
 dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)
 révèle les efforts de la République islamique pour se doter de la bombe
 atomique, ce que Téhéran dément. Israël se sent directement menacé par 
la perspective d’un Iran nucléaire et appelle donc l’Occident à prendre 
de nouvelles sanctions contre la République islamique. Tout en laissant 
planer la menace de frappes préventives contre l’Iran, l’Etat hébreu 
mène une guerre secrète contre Téhéran et son programme nucléaire.
Les faits sont troublants. 
Depuis 2010, trois scientifiques iraniens impliqués dans le programme 
nucléaire de leur pays ont été assassinés. Dernière victime en date : 
Darioush Rezaei abattu par balles à Téhéran, en juillet dernier. 
Troublantes aussi, ces mystérieuses explosions qui, ces dernières 
années, ont touché des bases ou des membres des Gardiens de la 
Révolution, la force d’élite du régime islamique, impliquée dans les 
programmes nucléaire et balistique du pays.
Le 12 novembre, l’une de ces bases a été dévastée par 
une déflagration qui a fait 36 victimes dont le responsable des missiles
 iraniens, le général Hassan Moghadam. Enfin, à deux reprises cette 
année, l’Iran a reconnu être victime d’un virus informatique. Le premier
 d’entre eux, Stuxnet, aurait affecté des centres nucléaires du pays.
Ces événements ont-ils une origine commune ? Oui, selon 
la plupart des spécialistes israéliens des questions de sécurité et de 
défense. « Israël a les moyens de mener de telles actions », estime Elie
 Karmon, chercheur à l’Institut du contre-terrorisme d’Herzliya. Avis 
partagé par Michel Bar-Zohar, ancien député israélien, historien, très 
proche du président Shimon Peres dont il est le biographe : « Nous 
essayons de retarder ce programme le plus possible et nous avons réussi,
 assure Michel Bar-Zohar, ils devaient être prêts en 2007 et ne le 
seront pas avant 2013, 2014 peut-être 2015 ».
Silence officiel
Les dirigeants israéliens restent muets à propos de ces 
« accidents » en cascade sur le territoire iranien. De l’avis des 
spécialistes, c’est le Mossad, le service de renseignement et 
d’opérations extérieures de l’Etat hébreu qui est en première ligne pour
 tenter de freiner les progrès nucléaires de l’Iran. Ni les effectifs ni
 le budget du Mossad ne sont connus mais en termes de ressources « ce 
que le Mossad veut, le Mossad l’obtient », affirme Ronen Bergman, 
spécialiste des questions de défense au quotidien israélien Yediot 
Aharonot et auteur d’un livre intitulé La Guerre secrète contre l’Iran.
Selon Ronen Bergman, le Mossad est impliqué dans la 
collecte d’informations en Iran mais aussi dans des opérations sur le 
terrain. En termes de renseignements, « le Mossad israélien, la CIA 
américaine, le BND allemand, le MI-6 britannique et la DGSE française 
ont la même vue d’ensemble des projets nucléaires de l’Iran, explique le
 spécialiste, mais quand on parle d’opérations de sabotage, je dirais 
que si l’un de ces pays a décidé de mener une action alors il la mène en
 solo ». De l’avis des spécialistes, l’architecte de cette guerre 
secrète d’Israël contre Téhéran s’appelle Meir Dagan, récemment remplacé
 à la tête du Mossad par Tamir Pardo.
Sabotage à distance
Des agents israéliens peuvent-ils mener des actions 
clandestines dans un pays ennemi, aussi distant et contrôlé que l’Iran ?
 Les experts répondent par l’affirmative mais soulignent que d’autres 
moyens existent, tels que l’utilisation de groupes d’opposants iraniens 
ou la fourniture de matériel saboté à l’avance. Et plusieurs sources 
israéliennes citent le même exemple : celui de cette nouvelle cascade de
 centrifugeuses (machines servant à enrichir l’uranium) qui a explosé 
dès sa mise en route dans l‘usine iranienne de Natanz. Probablement 
parce qu’un des composants livré à l’Iran avait été saboté en amont.
Frappes aériennes
Ces actions semblent donner des résultats mais elles 
n’écartent pas le risque d’une intervention aérienne israélienne de 
grande ampleur contre les installations iraniennes. En 1981, l’aviation 
israélienne a bombardé le réacteur nucléaire irakien Osirak qui avait 
été fourni par la France à Saddam Hussein. En septembre 2007, en Syrie, 
les bombardiers israéliens ont réduit en miettes une mystérieuse 
installation, probablement un réacteur nucléaire clandestin.
Israël –qui dispose de la bombe atomique sans l’avoir 
officiellement reconnu- ne veut pas d’un autre Etat nucléaire dans la 
région. Le scénario de la frappe préventive est à prendre au sérieux. 
« Mais la situation est différente, de l’Irak et de la Syrie, selon Elie
 Karmon, l’Iran dispose de nombreux sites, dispersés dans tout le pays. 
Israël a les moyens d’une telle opération mais elle prendrait deux ou 
trois semaines. La question est donc : que se passera-t-il après le 
premier ou le deuxième jour de frappes ? ».