Ilan Pappe - The Electronic Intifada
          Quand les Palestiniens auront résolu la question de leur  représentation et quand la communauté israélienne aura révélé Israël  pour ce qu’il est - c’est-à-dire le seul pays raciste du Moyen-Orient -,  alors, politique et réalité pourront fusionner à nouveau.         
Manifestation de soutien à la Palestine à Londres.
La vraie cause des maux de tête des diplomates israéliens.
La vraie cause des maux de tête des diplomates israéliens.
(Claudia Gabriela Marques Vieira/Flickr)
L’ambassadeur israélien en Espagne, Raphael Schutz,  vient juste de terminer son mandat à Madrid. Dans une tribune publiée  dans l’édition en hébreu de Ha’aretz, il résume ce qu’il qualifie de séjour très lugubre et semble véritablement soulagé d’en avoir fini.
Ce genre de lamentations semble actuellement être la  lettre d’adieu type de tous les ambassadeurs israéliens en Europe  occidentale. Avant Schutz, il y a eu l’ambassadeur israélien à Londres,  Ron Prosor, qui, en route pour son nouveau poste aux Nations-Unies à New  York, s’est énormément plaint, et sur le même ton, de son incapacité à  s’exprimer sur les campus au Royaume-Uni et s’est lamenté à propos de  l’atmosphère hostile en général. Et avant lui encore, l’ambassadeur à  Dublin a exprimé un même soulagement au terme de son mandat en Irlande.
Ces trois râleurs étaient pathétiques, mais le dernier  qui revient d’Espagne les bat tous. Comme ses collègues à Dublin et  Londres, il a attribué son lamentable mandat à l’antisémitisme, celui  des temps anciens et celui du pays. Ses deux amis des autres capitales  sont restés très vagues sur les origines d’un nouvel antisémitisme car  tant dans l’histoire de la Grande-Bretagne que dans celle d’Irlande, il  est difficile de distinguer depuis le Moyen Age une quelconque période  précise d’antisémitisme.
Mais l’ambassadeur à Madrid, sans la moindre hésitation,  a rejeté la responsabilité de ses déboires et tourments sur  l’Inquisition espagnole du XVe siècle. Ainsi, selon lui le peuple  d’Espagne (son article était titré, Pourquoi les Espagnols nous haïssent)  est anti-israélien soit parce qu’il est incapable d’assumer sa  responsabilité dans l’Inquisition, soit parce qu’il y souscrit par  d’autres moyens encore à notre époque.
Cette idée que les jeunes Espagnols doivent se voir  imputer les atrocités perpétrées il y a plus de 500 ans, et non les  politiques criminelles qui s’appliquent aujourd’hui, ou cette autre idée  qu’il est possible de ressortir l’Inquisition espagnole comme unique  explication au large soutien public à la cause palestinienne en Espagne,  ne peuvent trotter que dans les têtes de ces diplomates israéliens  désespérés qui ont, depuis longtemps, perdu la bataille de la moralité  en Europe.
Mais cette nouvelle lamentation - et je suis convaincu  qu’il y en aura d’autres à l’avenir - exprime quelque chose de plus  important. La lutte de la société civile en soutien aux droits des  Palestiniens dans les pays clés de l’Europe est un succès. Avec peu de  ressources, dépendant parfois de l’action de très petits groupes  d’individus engagés, et aidée dernièrement par son plus gros atout -  l’actuel gouvernement d’Israël -, cette campagne a en effet rendu la vie  quasiment infernale à tout diplomate israélien dans cette partie du  monde.
De sorte que lorsque évaluons ce qui se profile à  l’horizon, nous qui avons agi en Occident, nous avons le droit, un court  instant, d’être satisfaits pour le bon travail que nous avons fait.
Ces trois ambassadeurs grincheux ne se trompent pas en  sentant que ce n’est pas uniquement la politique israélienne en  Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées qui est dénoncée, mais que  c’est aussi la nature excessivement raciste de l’État juif qui a  galvanisé les citoyens de conscience et justes - beaucoup étant juifs  d’ailleurs - autour de la campagne pour la paix et la justice en  Palestine.
En dehors de la question de l’occupation et de la  réalité quotidienne de l’oppression partout en Israël et en Palestine,  on distingue plus clairement que la plus formidable leçon de l’histoire  nous viendra finalement de Palestine : les régimes du Mal ne survivront  pas indéfiniment, et la démocratie, l’égalité et la paix atteindront la  Terre sainte, comme le reste du monde arabe.
Mais avant que cela n’arrive, nous devons nous-même nous  sortir de cette emprise des politiciens sur nos vies. En particulier,  nous ne devons pas nous laisser égarer par le jeu des politiciens au  pouvoir. L’initiative de déclarer aux Nations-Unies la Palestine, sur 22  % de ce qu’elle représentait à l’origine, en tant qu’État indépendant  est une mascarade, qu’elle réussisse ou non.
Un appel spontané palestinien pour que la communauté  internationale reconnaisse la Palestine dans l’enclave de Cisjordanie  avec seulement une partie du peuple palestinien à l’intérieur, peut  éventuellement impressionner ce gouvernement israélien à direction  Likoud, mais il ne constitue pas un moment déterminant dans le combat  pour la libération de la Palestine. Soit ce sera un non-évènement, soit  il fournira aux Israéliens un prétexte pour de nouvelles annexions et  dépossessions. Il s’agit d’une manœuvre de plus dans le jeu des  politiciens au pouvoir qui ne nous mène nulle part.
Quand les Palestiniens auront résolu la question de leur  représentation et quand la communauté israélienne aura révélé Israël  pour ce qu’il est - c’est-à-dire le seul pays raciste du Moyen-Orient -,  alors, politique et réalité pourront fusionner à nouveau.
Et lentement et sûrement, nous serons en mesure de  replacer les pièces et de former le puzzle de la réconciliation et de la  vérité. Ceci doit se baser doublement sur la reconnaissance qu’une  solution doit inclure tous les Palestiniens (dans les territoires  occupés, en exil et en Israël) et sur la construction d’un régime  nouveau pour l’ensemble du territoire de la Palestine historique,  offrant égalité et prospérité à tous ceux qui y vivent actuellement ou  qui en ont été expulsés par la force au cours des 63 années d’existence  d’Israël.
Le malaise évident que ces trois diplomates ont ressenti  et exprimé n’est pas dû à un quelconque mépris manifesté à leur égard  dans les ministères ou gouvernements étrangers. Mais si de nombreux  Européens peuvent rendre la vie malheureuse à ces diplomates, leurs  gouvernements respectifs peuvent toujours voir les choses autrement.
Que ce soit le désespoir financier et les pressions  extérieures israélienne et américaine qui ont conduit la Grèce à  collaborer contre la Flottille de la Liberté pour Gaza, ou la force de  l’intimidation qui a fait taire même les journaux progressistes comme The Guardian en Occident, Israël est toujours sûr de son immunité en dépit de la misère de ses diplomates.
C’est pourquoi nous devons faire en sorte qu’il n’y ait  pas que les ambassadeurs israéliens à se sentir en mauvaise posture dans  les capitales européennes, mais tous ceux qui les soutiennent ou qui  ont trop peur d’affronter Israël et de lui demander des comptes. 
22 juillet 2011 - The Electronic Intifada - traduction : JPP